mardi 19 mai 2009

Lettre ouverte à Yves Calvi

« Être démocrate, ce serait agir en reconnaissant que nous ne vivrons jamais dans une société assez démocratique »
Jacques Derrida (philosophe)..

Fontaine, le 26 mai 2008.
Lettre ouverte à :
Yves Calvi et son équipe
Emission C dans l'air
France 5
10, rue Horace Vernet
92 785 Issy-les-Moulineaux

M. Yves Calvi,
Dans un récent « C dans l'air », le statisticien de service a évoqué, une fois de plus, un problème selon lui « franco-français », à propos des grandes manifestations du 22 mai 2008 (il faut arrêter ce type d'argument car dans les autres pays il y a des grèves et manifestations). Cela n'est pas la première fois qu'à la télévision et pas seulement dans votre émission où on évoque, s'agissant des luttes menées par les syndicats : la démocratie. Les Français ont voté il n'aurait plus qu'à se taire en vertu de : « c'était dans le programme ». Sarkozy ayant obtenu 53, 99 % des suffrages exprimés il conviendrait de tout accepter. En clair « vote et tais-toi ».
La démocratie, c'est-à-dire : « le pouvoir du peuple est exercé par le peuple et pour le peuple »
Déjà, on pourrait répondre que dans toute véritable démocratie il doit y avoir des contre-pouvoirs. Et de ce point de vue, dans notre « démocratie » ils sont nettement insuffisants. Et puis si le statisticien regarde d'un peu plus près il peut voir que ce n'est pas aussi simple.
Même si la règle c'est la majorité des suffrages exprimés on peut quand même s'interroger sur le fait suivant :
Au premier tour des présidentielles de 2007 Nicolas Sarkozy recueille 26 % des inscrits. Ce sont là des gens qui votent vraiment pour lui. Au deuxième tour il recueille 43 % des inscrits. Ce qui fait
que 74 % au premier tour et 57 % au deuxième tour n'ont pas voté pour Sarkozy. Cela pose le problème de l'élection du président de la république au suffrage universel. Comment peut-on imaginer qu'un seul homme ou une seule femme puisse représenter la diversité d'un peuple ? Ce
système est déjà antidémocratique en soi.
Cela, et rien que cela, légitime déjà toutes les luttes. De plus le locataire de l'Élysée s'assoit sur la démocratie à chaque fois qu'il veut faire passer ses choix.
Récemment à l'assemblée nationale la loi sur les OGM a été modifiée par les députés qui adoptent à une faible majorité un amendement qui remet en cause la culture des OGM en plein champ. Il se moque complètement du vote des députés et utilise une procédure pour faire passer la culture en plein champ.
Le 29 mai 2005, le peuple français a rejeté le traité constitutionnel européen par voie de référendum. Se moquant du peuple il fait adopter par le congrès à un traité baptisé pour l'occasion « simplifié ». Un traité dont Valéry Giscard d'Estaing affirme « il n'y a pas de différence substantielle entre les deux textes ». Même si c'était dans son programme c'est antidémocratique ! Ce refus de soumettre à référendum le nouveau traité est bien le signe que le pouvoir ne représente pas le
peuple. Rappelons au passage que dans son programme il avait le pouvoir d'achat ! …mais peut-être parlait-il du sien ? Il avait également promis que EDF GDF ne seraient pas privatisés !
Récemment il décide, contrairement à ce qu'il a annoncé avant les élections, d'envoyer des troupes françaises en Afghanistan. Sans même un débat à l'assemblée nationale.
N'oublie-t-il pas trop souvent qu'il est président d'une République laïque ? Président de tous les Français il se fait introniser « Chanoine honoraire de Saint-Jean de Latran » par le pape.
Est-il démocrate lorsqu'il déclare : « dans la transmission des valeurs et dans l'apprentissage de la différence entre le bien et le mal, l'instituteur ne pourra jamais remplacer le curé ou le pasteur... ».
Quel mépris pour les athées !
Est-ce démocratique que de démanteler les services publics qui permettent l'égal accès de tous ?
Est-ce démocratique que de casser notre protection sociale solidaire ?
Est-ce démocratique de favoriser les classes aisées ?
Est-ce démocratique que d'avoir 7 millions de travailleurs pauvres ?
Est-ce démocratique que de doubler son salaire ?
Rappelons que dans les entreprises c’est toujours la monarchie.
Au-delà de l'actuel président de la république, nous avons énormément de progrès à faire pour être véritablement démocratique. Notre constitution comporte, pour le moins, des failles dangereuses.
Ainsi l'article 16 qui permet au président de la république dans certaines conditions d'avoir des pouvoirs exceptionnels. L'article 49 alinéa 3 permet l'adoption d'un texte de loi sans vote du Parlement….
Le Parlement ne représente pas le peuple. Comme nous avons pu le constater lors du référendum sur le traité constitutionnel. Très majoritairement les Français ont voté non. Si ce même traité avait
été voté par le Parlement il aurait été adopté. Comment des parlementaires qui ne représentent pas le pays peuvent-ils prendre des décisions en son nom ? Notons au passage que cela ne choque
aucunement la quasi-totalité des journalistes.
Comme le dit cet ancien ministre (Anicet Le Pors) : « la légitimité populaire émane du corps législatif, élu selon un scrutin égal c'est-à-dire à la proportionnelle, car c'est à la politique et non à la technique de faire des majorités. Il ne saurait en effet y avoir de légitimité concurrente émanant du même suffrage universel. L'argument selon lequel il faudrait tenir compte de l'idée que l'on se fait de la prétendue adhésion du peuple français à l'élection du président de la république au suffrage universel n'est que l'expression d'une résignation politique, indigne de notre histoire ».
L’actuel parlement n’est donc pas légitime. La proportionnelle devra nécessairement se compléter par des moyens pour le peuple non seulement de contrôler les élus qui devraient être révocables à tout moment s'ils ne respectent pas leur mandat ou s’ils magouillent ou tout simplement si le peuple le décide. Les citoyens pourraient aussi décider
sans attendre les élections des grandes questions comme : quelle part du PIB consacré à la protection sociale, quel salaire pour les élus (tous les élus), quel système de transport, quelle production pour quelles utilisations etc.... Et dans ces cas, il pourrait bien se dégager des « majorités de dossiers » non politicardes. Ce qui n'est pas la même chose que d'aller faire des accords électoraux en catimini ou de débaucher des personnes dans d'autres formations politiques.
De ce point de vue, il y a dans notre pays, un travail considérable à faire.
Robespierre dont on ne sait pas assez qu'il était favorable à la brièveté du mandat législatif (avis aux carriéristes de la politique), faisait valoir cet argument de bon sens qui n'a rien perdu de sa valeur : « Il faut que les législateurs se trouvent dans la situation qui confond le plus leur intérêt et leurs voeux personnels avec celui du peuple ; or, pour cela, il est nécessaire que souvent ils deviennent peuples eux-mêmes ». (Albert Mathiez, historien).
Appliquer ce principe assurément moderne serait une saine évolution.
La démocratie ça commence par une information pluraliste surtout sur le service public. Or dans votre émission, même si de temps en temps il y a des syndicalistes, pour l'essentiel c'est le même courant de pensée (unique) qui s'exprime. Ils manquent tellement d'imagination ils sont toujours obligés d'aller chercher des exemples à l’étranger. C'est mieux ailleurs notamment en Angleterre. Ils seraient d'ailleurs bien inspirés de lire « Le royaume enchanté de Tony Blair » (Philippe Auclair).
Cela leur éviterait de raconter n'importe quoi. Sous prétexte que nous serions les seuls à refuser telle ou telle « réformes » on veut nous faire accepter tous les reculs de civilisation.
Les économistes qui fréquentent assidûment votre émission sont de la même école que ceux qui inspirent la politique du gouvernement. On voit que cela ne règle aucun des grands problèmes
(Protection sociale, pauvreté, chômage, précarité etc…) et on continue à demander leur avis.
Ils devraient méditer la fameuse phrase : « Un bon économiste c'est celui qui est capable d'expliquer le lendemain pourquoi il s'est trompé la veille ». Mais cramponnés à leurs dogmes, eux ne se trompe jamais...
Ras-le-bol de ces émissions où l'on se paye la tête du téléspectateur. Il est grand temps de démocratiser le service public dont je rappelle qu’il n’appartient pas aux journalistes bien ceux qui paient la redevance.
À bon entendeur salut.
Un citoyen en colère
Michel Cialdella

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