jeudi 24 décembre 2009

Déclaration au Conseil de la CPAM de Grenoble du 22 décembre 2009

Le 22 décembre c'était le dernier conseil de la mandature. Pour moi c'était le dernier conseil ,"tout court". En 18 ans de mandat je n'ai assisté qu'à des reculs de la démocratie et leur corolaire l'affaiblissement de la protection sociale, au mépris de l'oeuvre des fondateurs de la Sécurité sociale : Le Conseil National de la Résistance en passant par Ambroise Croizat et Pierre Laroque. Cela avec parfois la complicité de certaines organisations syndicales et organisation mutualistes (cela fera l'objet d'un prochain article). En tant que conseillers CGT j'ai fait la déclaration suivante:

J’étais absent lors du Conseil du 24 septembre dernier. La lecture du Procès verbal m’apprend qu’un débat s’est instauré au sujet des « visites en entreprises » commandées par la CNAMTS en matière d’arrêt de travail. Je cite « La CNAMTS est partie du constat que l’assurance maladie et le monde de l’entreprise, ont une préoccupation commune qui est l’absentéisme au travail (maladie et accident du travail) » avec bien entendu pour l’entreprise, des pertes économiques, des difficultés de gestion et d’organisation, et pour l’assurance maladie, des dépenses importantes et également des problèmes de désinsertion professionnelle des assurés » (1). Je constate que la santé des salariés n’est pas une préoccupation de l’entreprise ni, et c’est plus grave, de la CNAMTS.
Je veux rappeler ici que « le monde de l’entreprise » c’est tous ceux qui y travaillent cela ne se limite pas aux employeurs. C’est d’autant plus choquant de la part d’une institution qui se nome Caisse Nationale d’Assurance Maladies des Travailleurs Salariés.
Si l’on en croit le dictionnaire l’absentéisme c’est : l’« habitude de s’absenter ». Comme si les victimes d’accidents du travail ou de maladies professionnelles s’absentaient par habitude. Quel mépris pour les salariés ! Comme sont choquant les propos sur l’accident du travail qui doit-être « quelque chose qui fait que le salarié est handicapé… » (1). Nous n’avons pas à trier entre les différents accidents mais à éviter qu’ils se produisent ! Il est particulièrement indécent de penser que les salariés s’arrêtent pour un simple bobo ! Surtout qu’en réalité nombreux sont les travailleurs qui ne s’arrêtent pas de peur de perdre leur emploi.
L’Assurance maladie serait au service de l’employeur ? Je mets au défi quiconque de me citer un article du code de la Sécurité sociale le confirmant. Elle est au service des assurés sociaux. Sinon c’est un détournement de ses missions. C’est également oublier que les exonérations consenties sans contrepartie au patronat privent la Sécurité sociale de milliards d’euros (30 en 2008). Depuis quelques années les salariés sont devenus les principaux financeurs. Ce qui met hors de propos les jérémiades du patronat sur ce qu’il appelle abusivement des charges sociales.
En 1946 Pierre Laroque un des fondateurs de la Sécurité sociale écrivait « Nous voulons que demain les travailleurs considèrent que les institutions de Sécurité sociale sont des institutions à eux, gérées par eux et où ils sont chez eux ». Aujourd’hui la CNAMTS se met clairement au service du patronat. Et d’ailleurs c’est acté par l’un d’entre-eux qui a compris que : « pour l’employeur, l’aide du service administratif lui était acquise, mais qu’en est-il du service médical ? » (1). Parce qu’en plus il veut également le service médical à sa botte…
En France, chaque année 300 à 400 suicides sont liés au travail. Chacun ici a en mémoire les 26 suicides de France Telecom. Il aurait sans doute mieux valu qu’il soit en arrêt de travail. Les Troubles Muculo-Squelettique sont la première cause de maladie professionnelle provoquée par les cadences et le stress. Les cancers dus à l’amiante font des milliers de morts chaque année. Il y a un sous reconnaissance des maladies professionnelles qui sont un drame pour les victimes et leur famille. Le stress, premier risque psychosocial dont le coût est estimé entre 800 et 1600 millions € (2). Les inégalités sociales et la précarité sont facteurs d’aggravation de la santé. Cela n’est pas par hasard qu’à 35 ans un ouvrier a 9 ans de moins à vivre en moyenne qu’un cadre supérieur (3).
Soixante dix pour cent des ouvriers sont en contact permanent avec des produits toxiques.
Le code de la sécurité sociale fait obligation à l’employeur de déclarer à la CPAM les produits et procédés conduisant à maladie professionnelle (4). Mais les employeurs qui ne font pas cette déclaration ne sont jamais sanctionnés pour cette infraction la stratégie des industriels et des employeurs et d’éviter la constitution d’une mémoire des expositions, qui risqueraient un jour de les obliger à assumer le coût des maladies professionnelles reconnues (5). Que fait l’assurance-maladie pour que cela change ?
Il y a en France, chaque année 20 000 décès attribuables à des facteurs professionnels dont le coût représente entre 2,6 % et 3,8 % du PIB (6), soit entre 50 et 74 milliards d’euros pour l’année 2008. Du fait de la sous-estimation des risques professionnels l’assurance-maladie prend en charge des coûts qui normalement devraient être assumés par la branche accidents du travail et maladies professionnelles. Ce transfert est estimé par la CGT à 15 milliards d’euros par an.
L’assurance maladie serait dans son rôle si elle s’intéressait à ces questions ainsi qu’aux conditions de travail. Elle éviterait de façon efficace des dépenses. Il y a mieux à faire que d’aller dans les entreprises pour « traquer » la victime qui est considérée comme potentiellement fraudeuse.
Et puis il faut savoir de quoi l’on parle. Les dépenses d’indemnités journalières représentent 10% des dépenses de l’assurance maladie. Ce qui est considéré comme abus (encore faudrait-il définir ce qu’est un abus) c’est 4 à 6%. Autrement dit 6% de 10% soit 0,6% de la totalité des dépenses…
Les problèmes de financement de la sécurité sociale sont d’une tout autre dimension !
Michel Cialdella






Rappel
« Si l'on va au fond des choses, il n'y a pas de différence profonde entre la contribution de l'employeur et la contribution du bénéficiaire. En effet, la contribution de l'employeur est, en réalité, la contribution de l'entreprise. Et toute l'évolution économique et sociale d'aujourd'hui tend à associer les travailleurs à la gestion des entreprises et par là même doit les conduire à considérer que les deniers de l'entreprise sont en même temps les leurs, et que ce qui est versé par l'entreprise est versé par eux, ce qui est d'ailleurs, dans une certaine mesure, la vérité. Nous entendons ainsi réaliser le plan de Sécurité sociale sans rien demander au budget en demandant tout à l'effort des intéressés et des entreprises. » Pierre Laroque 1946

(1) PV du Conseil de la CPAM de Grenoble du 24 septembre 2009.
(2) Rapport sur la détermination, la mesure et le suivi des risques psychosociaux au travail, remis au Ministre du travail, le 12 mars 2008.
(3)- Inégalités et santé » Didier Fassin La Documentation française – mai 2009.
(4)- article L. 461-4. Cité par Annie Thébaud-Mony « Travailler peut nuire gravement à votre santé » -– La Découverte – 2007.
(5)- « Travailler peut nuire gravement à votre santé »
(6)- le Défi des épidémies modernes » André Cicolella – La Découverte – 2007.

vendredi 27 novembre 2009

lettre ouverte à Eric Zemmour

Fontaine, le 26 novembre 2006


Monsieur Eric Zemmour
Emission « on n’est pas couché »


« Nous sommes tous concernés dans la même bataille et ce sont les communistes sur qui l’ennemi s’acharne en premier lieu, nous le savons. Et nous savons qu’ils sont aussi braves que les plus braves et mieux organisés… Je ne connais pas, dans la résistance, un homme qui ne parle des communistes, une expression spéciale dans la voie et le visage. Une expression plus sérieuse… Les francs-tireurs forment une véritable armée. La densité des cadavres allemands, est devenue telle que l’ennemi a dû renoncer au système des otages. Il ne peut continuer à aligner 100 morts français pour un mort allemand, où il lui faudrait assassiner la France entière. L’ennemi a reconnu ainsi comme publiquement, que le pays était au-dessus de la terreur ».
Joseph Kessel (1).

Monsieur Zemmour

Lors de l’émission du Samedi 27 septembre vous vous êtes cru obligé de calomnier les communistes. Lorsque Vincent Peillon (qui n’est pas mon historien préféré) évoqua Guy Môquet.
Vous avez déclaré : « Il a été fusillé comme communiste et pas comme résistant à l’époque les communistes ne résistaient pas ». Comme si être fusillé comme communiste défendant des valeurs de solidarité, de patriotisme cela n’était pas assez scandaleux.
Ne vous en déplaise Monsieur Zemmour les communistes résistaient et c’est pour cela qu’ils étaient poursuivis.

Quelques exemples :
L’appel de Charles Tillon, le 17 juin 1940. Dans le texte Charles Tillon fustige « les gouvernements bourgeois qui ont livré à Hitler et à Mussolini l’Espagne, l’Autriche l’Albanie et la Tchécoslovaquie…. Et maintenant, ils livrent la France. Ils ont tout trahi. Il termine ainsi son appel : « peuple des usines, des champs, des magasins et des bureaux, commerçants, artisans et intellectuelles, soldats, marins, aviateur encore sous les armes, unissez-vous dans l’action ». (2)
Signé le parti communiste

Le 5 octobre 1940, un rapport de la police de Vichy fait état que : « le communisme est devenu le symbole de l’indépendance nationale par contraste avec la résignation générale » (2).

Le jeudi 12 septembre 2002 dans son dommage funèbre en l’honneur du colonel Henri Rol-Tanguy (communiste), Jacques Chirac président de la République, rappelle :
« Henri Tanguy est de ceux qui ne peuvent accepter la défaite, l’humiliation, l’asservissement…. Dès octobre 1940 il entre dans la clandestinité… Dès 1941, il est chargé d’organiser, en région parisienne, des groupes armés qui donneront naissance en février 1942 aux francs-tireurs et partisans… »… » « Le 25 août 1944 le maréchal von Scholtitz remet la capitulation des troupes allemandes de Paris au Général Leclerc et au Colonel Rol-Tanguy…. »

Jean Catelas commence à organiser la résistance des cheminots. Le 16 mai 1941, il est arrêté par la police de Vichy. Le 24 septembre 1941 il sera guillotiné par le régime de Vichy.

Pierre Georges qui deviendra le colonel Fabien. Il sera le premier résistant à abattre au métro Barbès un officier allemand le 23 août 1941. Le révolver calibre 6,35 lui aurait été remis par un étudiant communiste, Jacques D’Andurain.

Guy Moquet qui distribue avec les jeunesses communistes des tracts dénonçant l’occupation allemande est arrêté par la police française le 13 octobre 1940 à la Gare de l’Est où il a rendez-vous. Il sera transféré au camp de Châteaubriant. Il tombera sous les balles des Nazis avec 26 de ses compagnons de captivité tous communistes le 22 octobre 1941.

Dans ma région un jeune communiste, André Hermitte, rejoint la Résistance peu de temps après l’appel du 10 juillet 1940 du PCF. Il a alors 15 ans. Il sera arrêté par la police française le 21 février 1944, déporté à Dachau, Buchenwald puis au camp d’Ohrdruf d’où il n’est pas revenu (3).

Dans l’émission du 14 novembre 2009, vous adressant à Jean-Luc Mélenchon vous avez dit, avec la bêtise qui vous caractérise : « Le PS est mort et vous vous précipitez sur le cadavre puant du parti communiste ». Dans le même temps vous estimez nécessaire le débat sur « l’identité nationale » même pas gêné par les relents de pétainisme ! Vous n’êtes qu’un répugnant personnage !

L’inculte que vous êtes ne sait sûrement pas qu’en France :
le PCF est le seul parti qui ne s’en est jamais pris aux libertés. En 1975 le PCF soumet au débat un texte « Vivre libre ». Un projet de déclaration des libertés soumis à la discussion des Français et destiné à figurer dans le préambule de la Constitution Française. Aucun autre parti n’a souhaité le faire.
Que le PCF a lutté contre toutes les guerres coloniales
Que le PCF a été de toutes les conquêtes sociales
Que le PCF a compté dans ses rangs 75 000 morts dans la lutte contre le nazisme n’en déplaise à ceux qui aujourd’hui le nient et dont les ancêtres disaient à l’époque « Plutôt Hitler que le Front populaire ».



Michel CIALDELLA










(1) Ecrivain, « L’armée des ombres » (éditions Plon).cité par Pierre Maury dans son livre « la résistance communiste en France » -- le mémorial. Juillet 2008.
(2) « Héroïques cégétistes et communistes, résistants de la première heure ». Antoine Porcu ;Geai bleu éditions. 2005
(3) André Hermitte (1925 – 1945) Un résistant au sourire de source – René Hermitte – L’Harmattan, 2000.

jeudi 12 novembre 2009

Vous avez dit : identité nationale ?

Je me demandais s'il fallait participer à cette lamentable initiative.
Mais Raymonde m'a convaincu qu'il ne fallait pas laisser les seuls fachos monter au crénaux.
Alors surmontant la nausée je me décide je vais réagir et tout d'abord en publiant avec sa permission le texte d'une amie.


A PROPOS DE L’IDENTITE NATIONALE

Un jour, espérons le, le globe sera civilisé. Tous les points de la demeure humaine seront éclairés
Et alors sera accompli le magnifique rêve de l’intelligence : avoir pour patrie le monde
Et pour Nation l’humanité. Victor Hugo. “Les Burgraves”. Introduction

Cette idée de frontières et de nations me paraît absurde. La seule chose qui peut
Nous sauver est d’être citoyen du monde. Jorge Luis Borges. Le Monde diplomatique, Août 2001.
Le deuxième n’est pas français mais il rejoint notre poète national. Peut-on-en déduire l’universalité de la pensée française ?

Tout homme né et domicilié en France, âgé de vingt et un ans accomplis ; - Tout étranger
âgé de vingt et un ans accomplis, qui, domicilié en France depuis une année - Y vit de
son travail – Ou acquiert une propriété - Ou épouse une Française - Ou adopte un enfant –
Ou nourrit un vieillard ; - Tout étranger enfin, qui sera jugé par le Corps législatif avoir
bien mérité de l’humanité - Est admis à l’exercice des Droits de citoyen français.
Article 4 de la constitution de 1793

Le 5 novembre 2009 : Identité nationale : on lance le débat, Avec la photo d’un vrai français, coiffé d’un béret basque, bien de chez nous, issu de la ruralité, Assis à côté d’une bouteille de vin, tenant un coq (gaulois, cela va sans dire), avec posé devant lui une baguette de pain sur un petit Larousse.
L’identité française serait-elle revigorée dans le pinard de la douce France ?
Plus sérieusement, on voit bien ou le journaliste veut en venir : il y a nous, les bons français
de souche, avec nos traditions centenaires, notre façon de vivre et eux, les autres.
Nous avons donc l’injonction, par le haut, de débattre de l’identité nationale, pas n’importe où, dans les préfectures, (lieus hautement symboliques d’où partent les expulsions,) et sur le site du ministère.
Donnez son avis, son opinion, et surtout ne pas discuter collectivement, avec confrontation
d’idées, en faisant marcher ses méninges plutôt que ses tripes, dans les entreprises, les quartiers, etc. Attention au phénomène de bandes ou aux regroupements gauchistes.
Peut-être que les habitants de ce pays aimeraient parler d’autres problèmes, chômage, discriminations, répartition des richesses, services publics, que sais-je encore, mais ce n’est pas à l’ordre du jour. Peut-être sont-ils plus préoccupés de citoyenneté que d’identité nationale ? Belle image de la démocratie participative !
Nous sommes donc un peu coincés : soit on laisse toute latitude aux franchouillards de faire part de leurs sentiments sur le fromage patrimoine de l’humanité ou le saucisson pur porc sans parler du vrai Beaujolais, de notre glorieuse histoire depuis Clovis, soit on essaie péniblement, parce que un peu isolé devant son ordinateur , d’aller à contre courant.
Identité nationale : ce n’est pas un gros mot (Sarkozy). Mais encore ? Préférence nationale ? France du terroir ? Identité nationale ou question nationale ? Immigration et immigrés contre la France et les français, ce que sous-entend la création d’un ministère de l’immigration et de l’identité nationale ?
Définir l’identité nationale n’est pas chose aisée
L’identité est du domaine de l’individuel, du rapport avec soi, mais une identité collective, c’est quoi ?
Chaque individu se reconnait de sa naissance à sa mort. Il y a une permanence de son identité même s’il change physiquement ou moralement (voir Besson) au point d’être parfois méconnaissable. Mais peut-on considérer qu’un peuple est le même depuis l’éternité ? (Lire l’article de Laurent Jaffro, Libératon du 4 novembre 2009, intitulé être cotoyens pour ne pas être identiques)
M. Besson a donné au Monde sa propre définition de l'identité nationale : La foi en l’émancipation des peuples, l’idée républicaine d’un citoyen éclairé, cartésien, qui a le culte de la République et de notre devise : liberté, égalité, fraternité.
Vision mystique de la chose qui s’oppose à la rationalité évoquée ! La foi, le culte…

Nous avons entendu Nicolas Sarkosy promouvoir d’autres valeurs, éthiques, qui trouvent leur place dans nos origines chrétiennes : Les origines de la France sont essentiellement chrétiennes (Discours du Latran)
L’identité nationale nous est présentée comme une notion évidente, transcendante, mais la nature du vrai transparaît d’abord dans le soin qu’il met à se cacher disait Claude Lévi-Strauss, grand intellectuel français interdit d’enseignement par les lois du régime de Vichy, parce que d’origine juive…
L’identité nationale comme stéréotype
(…) Les identités nationales européennes élaborées depuis deux siècles apparaissent comme les variantes d’un modèle commun. Toute nation reconnue possède en effet des ancêtres fondateurs, une histoire multi-séculaire continue, qui établit le lien entre les origines et le présent, des héros qui sont des exemples de civisme et de morale, en général une langue spécifique, des oeuvres culturelles remarquables (en littérature, peinture, musique), des monuments historiques et des lieux de mémoire, des traditions populaires, des paysages emblématiques. Chaque identité nationale est spécifique, mais se décline selon les mêmes catégories que les autres. Les identités nationales modernes sont donc en quelque sorte standardisées, intelligibles les unes aux autres.
Anne-Marie Thiesse, Directrice de recherche au CNRS, in : Les Cahiers français n°352 - La France au pluriel
Pour vous qu’est-ce qu’être français? Une série de questions censées nous aider dans notre réflexion complète cette question fondamentale. Ces questions portent en partie sur les immigrés et la façon de les intégrer, j’ai presque envie de dire de les civiliser…
Besson nous donne la réponse : il faut réaffirmer les valeurs de l’identité nationale et la fierté d’être français. Personne n’est dupe : il s’agit d’une manoeuvre politicienne, en période de crise, pour gagner les voies du Front national et faire oublier le chômage et la pauvreté, dont ils sont forcément responsables.
L’idée de l’identité nationale occulte les conflits d’intérêts qui opposent les classes sociales.
Mieux vaut parler d’identité nationale qui exclut que de luttes contre l’exploitation qui rassemblent. On le devine : il s’agit de restaurer l’unité nationale et l’ordre social en masquant les fractures sociales. La tentation xénophobe n’est pas loin ; Jean-Luc Mélenchon parle de provocation vénéneuse que ce sujet contient.
La classe politique a depuis 30 ans flatter le sentiment de peur pour des raisons électorales.
Le Front national s’est construit sur cette peur et la haine qui en découle. De très nombreux français ont le sentiment justifié de ne plus être chez eux dans leur propre payset d’y être considérés comme des citoyens de seconde zone. Marine Le Pen, site du Front national. J’ai lu quelque part sur le net que la France est en passe d’être islamisée…
La question engendre le soupçon : suis-je un bon français ? Comment en faire la preuve ?Suis-je français si je n’obéis pas à la définition ?Comment figer l’identité dans une définition ? Peut-on évoquer l’identité multiple ?La France a-t-elle le monopole de la morale républicaine ?
Heureusement Mélenchon rappelle les fondamentaux : C’est quoi être Français ? Etre Français c’est avoir une carte d’identité française. Et les droits qui vont avec Point. Celui qui l’a, l’est. Celui qui ne l’a pas ne l’est pas. »
En France, la citoyenneté est liée à la nationalité, ce qui exclut de la vie politique tous ceux qui n’ont pas la fameuse carte d’identité. La citoyenneté se mérité nous dit-on. Les femmes en ont été exclues jusqu’en 1947, date à laquelle elles gagnent le droit de vote. Attention, donc.
Pour nombre d’historiens, de philosophes on ne peut pas définir l’identité nationale. On ne peut pas la codifier encore moins par le biais d’un sondage à vocation électoraliste. On peut tout au plus l’approcher par l’étude de l’histoire, de la géographie, de la population, de la construction dans le temps de l’Etat.
Une histoire faite de ruptures, de guerres, d’oublis avec une mosaïque de populations disparâtres
auxquelles sont venues s’ajouter plusieurs vagues d’immigration . Tant pis pour ceux
possédés par le démon des racines (Hervé Le Bras, historien).
Pour Mouloud Akkouche, écrivain, l’identité nationale n’existe pas. Il y a autant d’identités que de
passants. (Rue 89).

Jean-François Bayard, directeur de recherche au CNRS, explique dans le Monde du 6Novembre 2009, qu’ il n’y a pas d’identité française, mais des processus d’identification contradictoires qui définissent la géométrie variable de l’appartenance nationale et citoyenne. … Quand le politique cherche à s’emparer du social, et singulièrement de l’identitaire, le totalitarisme n’est jamais loin. Nous voilà prévenus.
Gérard Noiriel historien, qui avec d’autres a dénoncé la création d’un ministère de l’immigration et de l’identité nationale, s’interroge dans un ouvrage intitulé : A quoi sert l’identiténationale ? Réponse : à discréditer l’autre pour renforcer le nous.
Pour Stéphane Sahuc le but est de diviser ceux qui auraient intérêt à s’unir pour défendre les avancées démocratiques et sociales. L’humanité dimanche, 5 novembre 2009. Et pour se faire, le gouvernement crée des suspects, les africains, ou les musulmans, ou les jeunes des banlieues,
figures nébuleuses à réprimer et à surveiller…C’est une activité essentielle du nouveau pouvoir. Alain Badiou. De quoi Sarkosy est-il le nom, 2007.
Les jeunes en questions souvent désignés sous le terme de immigrés de la troisième génération, comme s’ils n’étaient pas français ou pas tout à fait français, pas français par imprégnation pour reprendre un terme de Marine le Pen. Leurs grands parents ont pourtant servi de chair à canon et sont morts sous le drapeau français dans les tranchées, leurs parents ont reconstruit les usines, les cités, les autoroutes, etc. Beaucoup avait rejoint la Résistance. (FTP MOI : Francs tireurs et partisans main d’oeuvre immigrée).
Tu montres le chemin de la lumière pour la grande victoire de l’humanité. Missak Manouchian, 1934
Comment se forge le sentiment de l’identité nationale ?
Essentiellement par l’école qui enseigne une histoire idéalisée, imprégné du mythe des origines et
de la pureté. Depuis la Révolution française, l’enseignement de l’histoire est associé àla construction de l’identité nationale.
Lisons Suzanne Citron, historienne.
L'histoire de France traditionnelle nous a masqué le caractère "multinational" du royaume de
France. Le mythe des ancêtres Gaulois revenait à dire que tous les Français avaient la même
origine par le biais d'un ancien peuple, parlant une même langue, ayant les mêmes coutumes.
On gommait ainsi plus de mille ans de brassages ethnique, culturel et politique !
L'Histoire de France autrement , Suzanne Citron, éd. Editions de l'Atelier, 1992, p. 63
Inventée pour et transmise par l’école de la IIIe République, notre histoire multiculturelle et poly-éthnique doit être réécrite dans la France d’aujourd’hui, une France post vichyste, postcoloniale, amarrée au char de l’Europe, insérée dans la complexité du monde du XXIe siècle
Dénationaliser l’histoire de France, Suzanne Citron, Libération, jeudi 30 décembre 2004.
L’école gratuite, obligatoire et laïque a fait croire aux Français qu’ils descendent des Gaulois.
Le Petit Lavisse, le manuel phare de la 3e République, commençait ainsi: "Autrefois, notre pays
s’appelait la Gaule et ses habitants, les Gaulois." [...] Cette lecture du passé français à travers la
grille d’une Gaule qui préfigurerait la "nation" est obsolète et non sans effets pervers. D’une
part elle conditionne spatialement le passé autour du seul Hexagone, excluant de ce passé tout
ce qui géographiquement lui est extérieur, comme les Antilles ou même la Corse. Elle confère à
la durée de la présence sur le sol hexagonal présumé "gaulois" une vertu quasi-magique au nom
d’une antériorité généalogique qui serait synonyme de supériorité. [...] D’autre part, et c’est le
plus grave, l’idée d’une souche gauloise ethnicise fantasmatiquement la "véritable" nation et
nie la diversité raciale et culturelle qui a constamment accompagné la création historique de la
France.
[...] L’histoire de la France "Gaule" et d’un peuple français d’origine "gauloise" fabriquée au
XIXe siècle correspond à la vision des fondateurs de la République et garantit à leurs yeux l’unité
et l’indivisibilité nationale. [...] Mais cette histoire de la France "Gaule" est aujourd’hui obsolète
pour décrypter une identité française aux multiples racines postcoloniales et mondiales.
Suzanne Citron, 23 juin 2008, dans Nos ancêtres les Gaulois": ils sont fous ces historiens!.

Sarkosy amplifie cette historiographie officielle. Il réécrit l’histoire en la liant à l’histoire de l’Eglise, la faisant plonger dans de prétendues racines chrétiennes qui nous relieraient sans interruption à un passé magnifié .Il la réduit à l’histoire des grands hommes. Force est de constater qu’il rejoint le Front national : La France est en passe de dilapider un formidable capital identitaire de 1500 ans d’histoire. Marine le Pen. Passons sur les conflits de la royauté avec l’Eglise, passons sur les guerres de religion, passons sur le développement des nationalismes en Europe et ses conséquences dramatiques. Profs d’histoire, au boulot ; je suis stupéfaite, en lisant les contributions sur le site du ministère, de la méconnaissance de l’histoire de France qui est pour certains glorieuse et bimillénaire. Jésus Christ était français ? Glorieuses les tortures en Algérie ? Glorieuse la collaboration ?
On peut comprendre l’amertume des exclus du roman national, instrument de domination, et la nécessité absolue de retrouver les penseurs du siècle des lumières pour se débarrasser des préjugés, développer son esprit critique et combattre l’obscurantisme.
Ce qui fait sens, ce sont les ruptures. La rupture de la Révolution française est fondamentale. Elle instaure la République (forme de gouvernement non héréditaire rappelons le) , invente les droits de l’homme et regroupe le peuple (OK, d’abords le tiers état) dans la nation. En délivrant les français de leurs appartenances, elle les rend citoyens, responsables de leur destin. Elle transmet l’amour de la liberté. Elle met en place la démocratie par la séparation des pouvoirs, s’inspirant des réflexions du siècle des lumières, des philosophes français et européens. Bien sur, c’est plus compliqué, mais la révolution française continue de nous guider et la suite nous démontre que rien n’est jamais acquis, que la liberté, la démocratie, la justice sont des combats de chaque jour, à mener ensemble et non pas côte à côte.
Parallèlement au roman d’une histoire reconstruite, l’enseignement de la langue française dans la douleur pour nombre d’écoliers, au détriment des langues régionales, est aussi un facteur d’adhésion nationale.
Je ne m’attarde pas sur la mise en scène des symboles de la république, qu’il faut obligatoirement respecter sous peine de sanctions. Quel drapeau tricolore, celui des résistants ou celui du régime de Vichy ?
Je m’étonne de la défense acharnée de la Marseillaise par nos gouvernants, chant révolutionnaire de lutte pour la liberté chérie et contre les vils despotes dont le sang impur abreuve nos sillons. Aujourd’hui, c’est qui, les vils despotes ?
Je souris aux discours patriotiques à propos des matchs de foot.
Les valeurs de la République
Bizarre, bizarre, ceux qui évoquent le plus souvent les valeurs républicaines, sur le mode incantatoire, sont ceux qui les bafouent le plus.
1 Liberté : atteinte au droit de réunion, à la liberté de la presse, contrôle permanent des individus, criminalisation de l’action syndicale…
2 Egalité : la misère des classes populaires, mettent à mal cette valeur. Les services publics qui garantissaient l’égalité de traitement de tous et qui ont beaucoup contribués à l’unicité du territoire sont démantelés au détriment de l’intérêt général.
3 Fraternité : elle se ringardise dans les entreprises où règne le chacun pour soi. On lui préfère le terme de solidarité ; notre régime de protection sociale solidaire est attaqué par le gouvernement à la solde du patronat. Pensez donc, tout cet argent qui échappe aux profits. La fraternité est même devenue un délit quant elle s’adresse aux clandestins surexploités par las amis du président (Bouygues, etc.)
4 Justice : de moins en moins indépendante du pouvoir malgré les critiques de L’Union européenne et …malgré Montesquieu qui figure dans la bibliographie officielle du site ministériel.
5 Droits de l’homme malmenés et les militants (les droits de l’hommistes) méprisés. Traitement inhumain des étrangers dit sans papiers, dont beaucoup ont risqué leur vie pour la liberté et ont fui des pays en guerre. Petit rappel : Tout homme persécuté en raison de son

1action en faveur de la liberté a droit d’asile sur le territoire de la République. (Préambule de la constitution de 1946)
2 Laïcité : remplacée par la laïcité positive qui est une revendication du Vatican et qui renoue avec les épousailles des églises et du pouvoir. Le président de la République n’a-t-il pas bafoué la laïcité en magnifiant le prêtre au contre de l’instituteur ?La laïcité garantit la liberté de conscience et les identités de chacun. Gardons nous d’ opposer droit à la différence et citoyenneté, porte ouverte au repli identitaire.A lire absolument : Mélenchon, Jean-Luc. – Laïcité. Réplique au discours de Nicolas Sarkosy, Chanoine du latran
3 Langue française : les sites des ministères, y compris celui de l’Education nationale sont bourrés de fautes d’orthographe et de sens. Cette considération exclusive de la langue, comme l’attention trop forte donnée à la race, ses dangers, ses inconvénients. Quand on y met de l’exagération, on se renferme dans une culture déterminée, tenue pour nationale ; on se limite, on se claquemure. On quitte le grand air qu’on respire dans le vaste champ de l’humanité pour s’enfermer dans les conventicules de compatriotes. Rien de plus mauvais pour l’esprit….Avant la culture française, la culture allemande, la culture italienne, il y a la culture humaine. Ernest Renan. – Qu’est-ce qu’une nation ? Conférence faite à la Sorbonne, le 11 mars 1882.
4 Manière de vivre : la vulgarité du président de la République en donne une étrange conception. Les violences inouïes dont est victime une grande partie de la population dans

les entreprises, dans les banlieues relativisent fortement l’image de la douce France.
Brusquement, sous les apparences frivoles et enivrantes de notre civilisation, on découvre
l’abîme béant de la barbarie et de la bestialité. Rosa Luxembourg.- Dans l’asile de nuit,
1912. C’est qui celle-là ?
1 La terre : avec les algues vertes ? Sans agriculteurs ?

Nous sommes pris dans un réseau de contradictions : comment concilier repli sur soi et défense de la planète, repli sur soi et construction de l’Europe, comment concilier identité nationale et délocalisations, abandon du tissu industriel, valeurs républicaines et le moins disant social ?
On y ajoutera le cynisme car, la France, il la foule aux pieds,
Lui rit au nez, la brave, l’insulte et la bafoue. Victor Hugo. – Napoléon le petit.
La fierté
Mais comment être fier d’être français quand la police vient chercher des enfants à l’école pour les enfermer dans des centres de rétention ?
Relisons Jean Jaurès, si cher au président de la République (Conclusion de l’Histoire sociale)
Certes, le prolétariat est bien loin du but qu'il se propose. L'injustice essentielle n'est point abolie. Le monopole de fait de la propriété subsiste, et la domination économique de la classe capitaliste a pour effet d'abaisser et d'exploiter l'immense multitude des hommes qui ne possèdent que leur force de travail. La Bruyère disait : Devant certaines misères on éprouve de la honte à être heureux. Devant les iniquités, les souffrances qui tourmentent la société d'aujourd'hui et accablent la classe ouvrière, il y aurait une sorte d'impudence à étaler, dans le jugement d'ensemble porté sur l'évolution française depuis la Révolution, une sorte d'optimisme béat et satisfait. Mais il y a un optimisme vaillant et âpre qui ne se dissimule rien de l'effort qui reste à accomplir, mais qui trouve dans les premiers résultats péniblement et douloureusement conquis des nouvelles raisons d'agir, de combattre, de porter plus haut et plus loin la bataille.
Et oui, les luttes de tous ceux qui se battent en France (et ailleurs dans le monde) sont objet de fierté. Elles redonnent de la dignité et de l’espoir à ceux qui croit en une transformation sociale.
Mais il ne suffit pas de croire, il faut s’y mettre, ensemble. Le patronat, par la voie de Laurence Parisot, veut en finir avec le programme du Conseil National de la Résistance, élaboré par ceux qui ont refusé la défaite devant le régime nazi. Tout doit disparaître : la sécu, le code du travail, les services publics, tout doit être transformé en marchandise, éducation, santé,…pour le plus grand profit de qui ?

Pour la promotion de l’identité nationale par ceux-là mêmes qui s’empresse de protéger leurs capitaux dans des paradis fiscaux…à l’étranger ? J’aime bien ceux qui déclarent qu’être français, c’est payer ses impôts en France, dans leurs contributions.
Alors oui, je suis fière des luttes pour défendre les acquis sociaux et en conquérir de nouveaux, je ne suis pas dupe, sans justice sociale, la liberté, les droits de l’homme, la laïcité, sont menacés. Ma nation, c’est celle des opprimés. La Marseillaise me donne du courage, l’Internationale, (chant révolutionnaire écrit en pleine répression versaillaise, 1871, par Eugène Pottier, au nom bien français, absent des auteurs cités) me relie à tous ceux qui se battent contre l’oppression et l’exploitation.
Alors vive la liberté, vivent ceux qui luttent, quelque soit leur identité.
Laissons passer le règne des transcendants ; sachons subir le dédain des forts…Le moyen
d’avoir raison dans l’avenir est, à certaines heures, de savoir se résigner à être démodé.
Ernest Renan. – Qu’est-ce qu’une nation ? Conférence faite à la Sorbonne, le 11 mars 1882.

Hasta la victoria siempre.

Ma bibliographie est issue de lectures nomades et mal organisées. Monsieur Besson n’a surement pas lu les livres et textes cités sur le site de son ministère, subversifs pour certains au vue de la politique actuelle. Voltaire, Rousseau, Diderot, Zola, Robespierre et bien d’autres n’y trouvent pas leur place, quant aux penseurs étrangers…
R. Bièvre, novembre 2009

Post Scriptum : Je n'ai rien dit sur les commémorations qui forgent aussi le sentiment d'identité nationale. En ce moment nous sommes servis. Là aussi, le message est pervers. D'un côté il y a le repli sur soi avec ce débat à la Besson, de l'autre Sarkosy se fait le chantre de l'amitié franco allemande allant jusqu'à demander un ministre commun aux deux pays et des célébrations communes. A mon avis, cela signifie que, il y a des bons et des mauvais français, il y a aussi des bons et des mauvais étrangers.
Les mauvais, sont ceux issus de l'immigration maghrébine et africaine, bien sur. Comme les juifs à une époque, ils sont toujours soupçonnés de ne pas adhérer à la nation et à ses  valeurs républicaines. La France de Sarkosy est irrespirable.



Lettre ouverte à Monsieur Eric Besson
Ministre de l’identité nationale

Monsieur le Ministre

Le gouvernement auquel vous participez, me fait penser chaque jour un peu plus le régime de Vichy : chasse aux immigrés, recul des acquis ouvriers, dénigrement des grands moments de notre histoire.

Je veux rapidement évoquer :
1936 les grandes luttes de la classe ouvrière qui débouchèrent sur de grandes conquêtes sociales : congès payés, délégués du personnel élus etc,
le programme du Conseil National de la Résistance que vous détruisez et qui a permis l'instauration de la Sécurité sociale, la création de grands service publics comme EDF, les Comités d'entreprise, la médecine du travail.....
1968 qui a marqué ma jeunesse et dont les acquis sont remis en cause
Sans le dire on revient aussi sur la Révolution Française qui pourtant fonda la République et la Nation Française mais pas au sens étriqué que vous lui donnez...Elle considérera comme citoyens français des étrangers. Qui siégèrent à la Convention. La nuit du 4 août 1789 l'Assemblée Nationale a aboli les privilèges que votre gouvernement s'acharne à rétablir (exemple : bouclier fiscal). Elle inventa les Droits de l'Homme et du citoyen notamment à travers la déclaration de 1793 qui stipule :
Article 3: tous les hommes sont égaux par la nature et devant la loi.
Article 4 : la loi est l'expression libre et solennelle de la volonté générale ; elle est la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse ; elle ne peut ordonner que ce qui est juste et utile à la société : elle ne peut défendre que ce qui lui est nuisible.
Article 34 : il y a oppression contre le corps social lorsqu'un seul de ses membres est opprimé. Il y a oppression contre chaque membre, lorsque le corps social est opprimé.
Article 35 : quand le gouvernement viole les droits du peuple, l'insurrection est pour le peuple et pour chaque portion du peuple le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs.

On s'en éloigne, non ? Et même vous les galvaudez à travers l'expression « Droit-de-l'hommisme ».

Et bien c'est ça « MA FRANCE », qu'illustre bien la chanson de Jean Ferrat:
Cet air de liberté au-delà des frontières
Aux peuples étrangers qui donnait le vertige
Et dont vous usurpez aujourd'hui le prestige
Elle répond toujours du nom de Robespierre (pas de Besson)
Ma France

En entendant vos semblables je pense au poème d'Aragon « l'Affiche rouge » ces résistants immigrés. Au fait avait-il des papiers en règle ? Ils ont été

Vous aviez vos portraits sur les murs de nos villes
Noirs de barbe et de nuit, hirsutes, menaçants
L'affiche qui semblait une tache de sang
Parce qu'à prononcer vos noms sont difficiles
Y cherchait un effet de peur sur les passants.

Nul ne semblait vous voir Français de préférence
Les gens allaient sans yeux pour vous le jour durant
Mais à l'heure du couvre feu des doigts errants
Avaient écrit sous vos photos « Morts pour la France »
Et les mornes matins en étaient différents.

Tout avait la couleur uniforme du givre
À la fin février pour vos derniers moments
Et c'est alors que l'un de vous dit calmement :
« Bonheur à tous, bonheur à ceux qui vont survivre
Je meurs sans haine en moi pour le peuple allemand.»

Adieu la peine et le plaisir. Adieu les roses
Adieu la vie. Adieu la lumière et le vent
Marie-toi, sois heureuse et pense à moi souvent
Toi qui vas demeurer dans la beauté des choses
Quand tout sera fini plus tard en Erevan.

Un grand soleil d'hiver éclaire la colline
Que la nature est belle et que le cœur me fend
La justice viendra sur nos pas triomphants
Ma Mélinée, ô mon amour, mon orpheline
Et je te dis de vivre et d'avoir un enfant.

Ils étaient vingt et trois quand les fusils fleurirent
Vingt et trois qui donnaient le cœur avant le temps
Vingt et trois étrangers et nos frères pourtant
Vingt et trois amoureux de vivre à en mourir
Vingt et trois qui criaient la France en s'abattant

Je pense également à ce 8 mai 1983 où mon voisin allait être décoré. Je me suis rendu à la cérémonie et j'ai appris que ce paisible retraité, ramasseur de champignon, avait été résistant. Engagé dans l'armée française, il est fait prisonnier, il s'évade, part en Algérie et revient avec l'Armée de libération. Pour remerciement il touche une modeste retraite de combattant (moins qu'un Français de souche). Le régime giscardien bloque sa pension et fini par la supprimer au motif qu'il a passé deux ans en Algérie ! Le gouvernement Mitterrand a fini par rétablir ses droits. Décédé depuis quelques années je me demande ce qu’Abdelkader penserait aujourd'hui du débat sur l'identité nationale....

Personnellement, je suis fils d'immigré. Mon père est né en Italie. Son père a fuit le fascisme en 1923. En 1940 mon père a 20 ans et veut s'engager dans l'armée française. Sur les conseils de son employeur (un commerçant), il demande la naturalisation française avant. Curieusement un mois après il l'obtient. Sa classe est déjà partie, on lui fait savoir qu'il partira avec la prochaine. Puis c'est la débâcle et il prend contact avec la Résistance.
A deux allées de son domicile un français de « souche » a choisi lui de rejoindre la milice et devient même le chef de la « Waffen SS de Grenoble ». Un nommé Eclach, assassin de résistants, qui sera fusillé à la libération.

Il y a aussi le cousin Joseph, italien aussi, qui sera arrêté par les Allemands pour avoir participé à la manifestation du 11 novembre 1943 à Grenoble. D'être Italien ne lui a pas empêché de chanter la Marseillaise ! Le 13 novembre, il fut parmi les 600 déportés. Au camp de concentration il y a rencontré un frère à mon père…

Aujourd'hui et pas par hasard vous (et votre gouvernement) lancez le débat sur la laïcité à partir du port de la Burka. Je suis de ceux qui exècre tous ce qui rabaisse la femme et pas seulement chez les musulmans. Mais quel crédit peut-on avoir lorsque l'on a un président de la République qui en tant que tel, se fait introniser « Chanoine de Latran » par le Pape ? Lorsque des ministres en exercice assistent à des cérémonies religieuses coiffés de la Kippa ?
Vous avez dit ostentatoire ? Sommes-nous en République démocratique et laïque ?

Aussi l'identité française si elle s'écrit C.H.A.R.T.E.R, je ne m'y reconnais pas.

L’historien, Denis Peschanski interrogé par l’Humanité Dimanche numéro hors-série de Février 2007, à propos des Résistants FTP – MOI. Ils ont été trahis par la police française qui a mis 200 membres de la brigade spéciale expérimentés en surveillance et filature à leur trousse. Alors qu’ils venaient défendre la France de la Révolution française. Leurs actions militaires ont été un facteur de la reconstruction de l’identité nationale. Cette identité nationale et sociale qui s’est reconstruite après la guerre…autour d’un corpus de valeurs partagées, héritées de la Révolution française et réactivées par la Résistance…La leçon est à entendre aujourd’hui.

Nous sommes loin des Papon et autre Bousquet qui sont eux la honte de la France.

Michel Cialdella
Citoyen internationaliste parce que Français attaché aux valeurs ci-dessus exprimées.

mardi 6 octobre 2009

Lettre ouverte au ministre de la santé

Michel Cialdella conseiller CGT à la CPAM de Grenoble
6, rue Joseph Bertoin
38600 Fontaine.

« Les abus sont l’ouvrage et le domaine des riches, ils sont les fléaux du peuple : l’intérêt du peuple est l’intérêt général, celui des riches est l’intérêt particulier ; et vous voulez rendre le peuple nul et les riches tout-puissants !»…« …votre pouvoir n’est que celui de vos commettants ».
Robespierre.



Lettre ouverte
À Mme Roselyne Bachelot
Ministre de la Santé, de la Jeunesse et des Sports
14, avenue Duquesne
75007 Paris.


Fontaine, le 6 septembre 2009.

Madame la Ministre de la Santé
Ayant de la famille hospitalisée au CHU de Grenoble, j’ai pu constater la dégradation de notre système hospitalier. En effet je connais un peu le CHU de Grenoble ayant été administrateur représentant l’assurance maladie entre 1991 et 1995, date à laquelle votre copain Alain Juppé a exclu les représentants des assurés des conseils d’administration (bonjour la démocratie). J’ai également été hospitalisé en 2001.
Je constate : des urgences encombrées, des patients dans les couloirs. Pour ces derniers qui sont déjà traumatisés par ce qui leur arrive. Imaginez (si vous le pouvez) que l’on vous passe un bassin dans un couloir…Il est vrai que pour vous, au moindre malaise on déplace un hélicoptère direction un hôpital 5 étoiles. Pour comprendre il vous faudra donc beaucoup d’imagination.
A la télévision vous affichez votre mépris vis à vis des personnels hospitaliers en affirmant que « Ce n’est pas un manque de moyen mais un manque d’organisation ». Vous vous êtes d ‘ailleurs bien gardée de venir le leur dire en face le 23 février 2009.

Et bien si ! L’hôpital manque de moyen et si vous ne le savez pas c’est que vous ne faites pas votre travail correctement et il y en a qui sont virés pour moins que cela !
Votre gouvernement a trouvé des milliards pour « aider » les banquiers irresponsables à pouvoir continuer leurs activités antiéconomiques. Et pour la santé ce sont les restrictions.
En France nous ne manquons pas d’argent, permettez que je vous indique quelques pistes pour en « trouver ».
1) Faire cotiser les revenus financiers des entreprises (260 milliards €) comme les salaires rapporterait 70 milliards à la Sécurité sociale dont 36 pour l’assurance maladie.
2) suppressions des exonérations de cotisations sociales inefficaces c’est 20 milliards pour la Sécu.
3) faire cotiser les revenus hors salaire (intéressement, participation) c’est 6 milliards pour la Sécu
4) faire cotiser les stock-options c’est 3 milliards
Et puis le scandale du recul de la part des salaires dans la valeur ajoutée (175 mds € depuis 1982) c’est 70 milliards € pour la sécu.
On fait le compte : 70+20+6+3 = 99 milliards € très rapidement.
A plus long terme rattraper le retard des salaires 70+99= 169 milliards € pour la protection sociale.
Vous avez dit « déficit » ? Si nous faisons le choix de la santé vous voyez que les moyens existent.
En 2000 l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) classait la France en 1ère position pour son système de santé loin devant votre modèle les Etats Unis qui étaient classés en 37e position. En 2009, nous sommes classés 7e en Europe. Encore une réforme comme cela et nous ferons comme aux Etats Unis on mettra sur le trottoir les malades qui ne peuvent pas payer.
Pour terminer je veux rendre hommage aux personnels hospitaliers dont la qualification et le dévouement mérite considération et reconnaissance (pas seulement avec des mots).
Veuillez agréer, Madame la Ministre, mes salutations républicaines.
Michel Cialdella
Citoyen en colère

dimanche 14 juin 2009

Ecrit à propos du 60e anniversaire de la Sécu

« Nous voulons que demain les travailleurs considèrent que les institutions de Sécurité sociale sont des institutions à eux, gérées par eux et où ils sont chez eux. »
Pierre Laroque – ( 1946 )

Mémoire qui flanche ou malhonnêteté intellectuelle ?

La Sécurité Sociale a soixante ans et ça n’est pas une raison pour en attribuer la « paternité » à Alexandre Parodi ( ministre du travail pendant 39 jour après l’ordonnance du 4 octobre 1945 ) et Pierre Laroque, même si celui-ci joua un rôle important et avait bien compris:
« que le plan de Sécurité sociale ne tend pas uniquement à l'amélioration de la situation matérielle des travailleurs, mais surtout à la création d'un ordre social nouveau dans lequel les travailleurs aient leurs pleines responsabilités. C'est ce qui a amené à concevoir le plan de Sécurité sociale dans le cadre d'organisations uniques gérées par les intéressés et couvrant l'ensemble de la Sécu­rité sociale. » Pierre Laroque 1946
Certains osent même l’attribuer à De Gaulle qui n’a eu de cesse de la combattre ( dès 1948 ) chaque fois que le rapport des forces le lui a permis.
Dans l’entretien qu’il a accordé à la revue « Le Droit Ouvrier » en octobre 1995, Pierre Laroque dit : « Le Général de Gaulle ne m'a jamais parlé de Sécurité Sociale. » « Ce qui est curieux, alors que la loi fondatrice de la Sécurité Sociale, l'ordonnance du 4 octobre 1945, était une des réformes essentielles de l'épo­que, c'est qu'elle ne porte pas la signature du Général de Gaulle parce que, lorsqu'elle a été publiée, le Général de Gaulle n'était pas en France. Il était en Russie »
Il faut souligner le rôle important des militants de la CGT dans cette création. D’abord Ambroise Croizat, secrétaire général de la Fédération des métaux CGT et dirigeant communiste, mais aussi Georges Buisson et Henri Raynaud, l’un et l’autre secrétaires de la CGT. Nos historiens du dimanche ignorent volontiers le rôle de Croizat, qui, avant d’être ministre fut président de la commission du Travail de l’Assemblée consultative.
L’action de Croizat sera décisive dans la création de l’institution et se prolongera dans sa mise en place.
En mai 1943 Georges Buisson militant CGT délégué auprès du Comité Français de Libération Nationale à Alger où il participe à l’élaboration du plan français de Sécurité sociale. Il est rapporteur du projet d’organisation de la Sécurité Sociale à l’Assemblée consultative provisoire, le 31 août 1945.

15 mars 1944 adoption du programme du Conseil National de la Résistance qui prévoyait un plan complet de sécurité sociale. Nous avons pu remarquer la discrétion dans laquelle le 60e anniversaire de cet événement fut célébré !

Dès avril 1944, à Alger, Croizat impulse un groupe de l’Assemblée consultative qui définit les grandes lignes de ce que sera notre Sécurité Sociale. Pierre Laroque mettra en forme écrite un long travail collectif.
L’ordonnance du 4 octobre 1945 n’avait fait qu’énoncer les principes. Il restait à bâtir l’édifice. Ce sera l’œuvre de Croizat avec une équipe.
Il sut aussi s’entourer de collaborateurs remarquables. Son directeur de cabinet Me Willard, ( l’avocat des antifascistes ), de Pierre Laroque, ( Directeur général de la Sécurité sociale au ministère du Travail ), de Francis Netter ( qui représentera la CGT au Conseil national des assurances ).

Tous aideront Croizat dans le combat de la mise en place, dans des délais extrêmement courts ( 10 mois selon Pierre Laroque ), des nouveaux organismes. Entreprise réussie alors que certains attendaient et espéraient un échec. Des militants de la CGT ont passé leurs congés à construire des locaux, parfois des modestes baraques en planches comme à Chambéry pour servir les premières prestations.
Si la CGT et le PCF resteront fidèles aux engagements de la Résistance, de son programme qui n’avait pas lui-même été établi sans difficultés, les autres formations politiques vont s’en écarter de plus en plus. Cela va peser dans l’élaboration de la nouvelle législation.
Croizat sera en butte aux manoeuvres du MRP dont l’opposition portait sur le principe de la Caisse unique et sur les modalités de la représentation des travailleurs dans les Conseils d’administration des organismes. Ces tentatives seront battues, d’abord à l’Assemblée consultative provisoire, le rapport de Georges Buisson, porteur des principes demandés par la CGT sera adopté à la majorité, mais il ne trouvera qu’une traduction déformée dans l’ordonnance promulguée le 4 octobre 1945, suivie d’une nouvelle ordonnance du 19 octobre 1945 complétant et améliorant le premier texte.

Après les élections qui suivent la désignation de l’Assemblée constituante ( où le Parti communiste réalisa près de 28% ). Ambroise Croizat avait été très actif dans les débats précédents en tant que président de la Commission du travail, devient ministre du Travail, le 13 novembre 1945..
Il se heurte à nouveau au MRP, dont l’un des dirigeants Robert Prigent est devenu ministre de la Population. Des tentatives de remises en cause visant notamment à reculer la date de mise en place des nouveaux organismes, de retour aux Caisses d’affinités ( proposition de loi du MRP en 1946 ), de maintien des Caisses privées, d’accorder une totale autonomie aux allocations familiales seront développées, mais repoussées par la Constituante. Un accord explicite intervient sur les Conseils d’administration qui décident de leur élection, mais on admet que les premiers conseils soient désignés par les organisations syndicales.
La législation adoptée est un compromis, mais un compromis très positif qui est intervenu sous la pression populaire, traduite notamment par la CGT.
Notons que la loi Croizat du 22 mars 1946 qui généralisait la Sécurité sociale ne fut pas appliquée, les commerçants et artisans refusèrent par la voix de leurs responsables.
Un chercheur américain, Henry C. Galant, dans un livre préfacé par Pierre Laroque, relèvera que « … les défendeurs les plus actifs du nouveau plan de Sécurité sociale et de son application étaient les communistes et la CGT… »
La confédération CFTC refusera de siéger dans les premiers Conseils d’administration.
Les élections seront un terrain de manoeuvres diverses, mais au total elles seront un succès de la CGT, encore accentué dans le collège des allocations familiales.
La CGT obtiendra 59, 27% des voix dans le collège salariés pour les administrateurs des Caisses de Sécurité sociale et 61,88% dans le collège Caisses d’ Allocations familiales.

C’est cela que les adversaires de la Sécu veulent effacer de la mémoire collective. Ils veulent faire oublier que cette grande conquête ouvrière, née de la lutte ne sera maintenue que par la lutte.

Absent des dictionnaires, Ambroise Croizat était-il à ce point insignifiant ?
Pourtant le 17 février 1951 il y avait un million de personnes à l’enterrement de celui que l’on surnommait le « Ministre des travailleurs ».

Le 19 octobre 2005
Michel CIALDELLA
conseiller CGT à la CPAM de Grenoble

Bibliographie
Henry Galant : « Histoire politique de la Sécurité sociale », Armand Colin , 1955.
Conférence de Jean Magnadas à l’institut d’histoire sociale le 9 octobre 2003
Michel Etiévent : « Ambroise Croizat ou l’invention sociale » Editions GAP
« Recueil d’écrits de Pierre Laroque », la Documentation française Mai 2005
« Le Droit Ouvrier » octobre 1995

« Si l'on va au fond des choses, il n'y a pas de différence profonde entre la contribution de l'employeur et la contribution du bénéficiaire. En effet, la contribu­tion de l'employeur est, en réalité, la contribution de l'entreprise. Et toute l'évolution économique et sociale d'aujourd'hui tend à asso­cier les travailleurs à la gestion des entreprises et par là même doit les conduire à considérer que les deniers de l'entreprise sont en même temps les leurs, et que ce qui est versé par l'entreprise est versé par eux, ce qui est d'ailleurs, dans une certaine mesure, la vérité. Nous entendons ainsi réaliser le plan de Sécurité sociale sans rien demander au budget en demandant tout à l'effort des intéressés et des entreprises. »
Pierre Laroque 1946

lundi 8 juin 2009

Et si on changeait le Peuple ?

Les résultats des élections européennes viennent de tomber. Comme annoncé c’est une catastrophe pour la démocratie.
Près de 60% d’abstention ! Mais personne ne remet en cause le parlement européen… Pourtant il est illégitime. Il ne représente pas le Peuple au moins en ce qui concerne la France.
Bien sûr, la responsabilité des médias, notamment de la télé de service publique, est importante. Quasiment pas de réel débat politique pluraliste. Présentant le plus souvent ces élections comme le choix entre le PS et l’UMP…Une quasi censure du « Front de Gauche ».
Mais sur le fond il faudrait de temps en temps rappeler que cette « construction » européenne n’est pas une aspiration des peuples mais une idée « géniale » de quelques « élites » (1). Cette Europe se construit sans lui et même souvent contre lui. En témoigne le rejet par référendum du traité constitutionnel le 29 mai 2005.
Il faut dénoncer cette parodie de démocratie. Le parlement européen n’a aucune légitimité ! Ou alors il faut changer le Peuple (mais ça va être dur !)
Michel Cialdella
(1) Les « élites » sont ces gens qui nous gouvernent, qui savent tout et n’ont rien vu venir de cette crise (ni des précédentes).

Lettre ouverte à ceux qui dénigrent le syndicalisme

Souvent sincères, parfois malintentionnés, mais toujours désinformés.
Il y aura 40 ans cette année, j'adhérais à la CGT dans une PME de la métallurgie aujourd'hui disparue. En 1963, j'ai exercé mon premier mandat de délégué syndical comme délégué du personnel.
Depuis, les années se sont écoulées, parfois avec des responsabilités et parfois comme "simple" syndiqué, mais toujours à la CGT.
Aujourd'hui, à 2 ans de la retraite, il m'arrive de réfléchir à mon parcours mais aussi au syndicalisme en général et à la CGT en particulier. En quarante ans de militantisme je pense avoir beaucoup appris mais je n'ai toujours pas compris pourquoi il existe parmi les salariés une allergie, voire de la haine envers " les syndicats ".
Je comprends que l'on ait des désaccords, ils sont même nécessaires car ils présentent l'avantage de faire progresser la réflexion. Il faut tout de même savoir avec quoi l'on n'est pas d'accord. Et en dernière analyse ne pas se tromper d'adversaire.
Faut-il attendre d'être d'accord sur tout pour agir ensemble ?
Un jour, lors d'une tournée dans une UFR, une personne me dit sur un ton amical : « J'apprécie ce que vous ( la CGT ) faites, mais je ne peux pas adhérer car nous ne sommes pas du même bord. » Surpris je réponds : « Sans doute, pour vivre avez-vous besoin d'un salaire décent, d'une protection sociale performante, d'un déroulement de carrière, de conditions de travail correctes, d'être respecté ? ». Après sa réponse positive j'ajoute : « Moi aussi ! »
Cette anecdote illustre une première incompréhension : le syndicalisme doit rassembler les salariés sur une base revendicative et non pas idéologique. C'est en tout cas ce à quoi s'emploie la CGT.
La CGT
La CGT est née, il y a plus d'un siècle (en 1895), du rassemblement des organisations qui s'étaient créées à la base. C'est d'ailleurs la seule organisation syndicale dans ce cas.
La CGT est l'héritière du mouvement ouvrier français.
Le syndicalisme est historiquement récent, songeons que jusqu'à la loi de 1864 la grève était un délit et que c'est seulement en 1884 que la loi reconnaît l'organisation syndicale (1924 pour les fonctionnaires), et seulement en 1968 (suite aux grandes grèves) qu'est reconnue l'organisation syndicale à l'entreprise !
Le syndicalisme est une conquête acquise dans le capitalisme naissant (comme force dominante) contre la volonté et les intérêts du patronat et du pouvoir politique. Notons également que, jusqu'à la révolution de 1848, les ouvriers sont privés de tous droits politiques en raison d'un régime électoral qui ne donne qu'aux riches la qualité de citoyens.
Comme toutes les conquêtes, il faut le préserver, l'améliorer et conquérir des droits nouveaux.

L'INDEPENDANCE
L'indépendance du syndicalisme semble être une spécificité française.
En effet, on connaît le lien qu'il y avait, dans l'ancien bloc soviétique, entre le parti communiste et le syndicat. On parle moins du lien organique et financier qu'il y a, par exemple, entre les partis sociaux démocrates et les syndicats allemands et Anglais.
En France, les syndicats ont leurs propres structures et centres de décisions.
Cependant, les tentatives d'ingérence des forces politiques et patronales n'ont pas manqué.
Quelques exemples.
De tous temps, les forces hostiles au fait que les salariés prennent leur destin en main (mais pas seulement elles) ont, devant leur impuissance à briser les organisations, tenté de les " maîtriser ".
En 1921, la CGTU demande son adhésion à l'Internationale Syndicale Rouge (ISR). Une exigence : la subordination du syndicat au parti. Refus de la CGTU et l'obstacle est levé sur l'instance de Lénine.
En 1938, renversement d'alliance, changement de majorité, c'en est fini du front populaire. Les communistes sont exclus de la CGT.
Le 9 novembre 1940, le régime de Vichy dissout la CGT et la CFTC.
Plus près de nous, en décembre 1947, la tendance Force Ouvrière organise une scission dans la CGT avec l'aide de la CIA, ce que ne conteste plus depuis longtemps Bergeron lui-même. La SFIO intime l'ordre à ses adhérents de quitter la CGT, excluant ceux qui refusent. Nombreux sont ceux qui ont choisi de rester à la CGT.
Oui mais, diront nos détracteurs, les communistes adhèrent plus volontiers à la CGT. C'est évidemment une façon de présenter les choses. Il y en a une autre, est-ce qu'un communiste peut accéder à des responsabilités à FO, à la CFDT, à la FEN, à la CFTC, à la CGC ? Poser la question c'est déjà y répondre ! Partant de là, on peut dire que la CGT, en témoigne la réalité, est l'organisation de salariés qui regroupe tous les courants de pensée. Au nom de quelle loi les communistes seraient-ils empêchés d'accéder à des responsabilités syndicales ?
Cependant personne ne niera qu'il existe des convergences entre le parti communiste et la CGT. A cela une raison simple : la CGT dans ses analyses, pour ses propres prises de position, intègre le fait qu'existent des intérêts opposés entre les salariés et les capitalistes et que satisfaire les revendications des salariés, c'est forcément prendre sur les privilèges capitalistes.
Cela s'appelle la lutte des classes dont la réalité objective est indépendante de la perception que l'on en a. C'est cela et rien d'autre.
Néanmoins, au niveau du bureau confédéral, nous veillons à ce que les communistes ne soit jamais plus de la moitié des membres.
On ne peut pas en dire autant de la CFDT où au même niveau de responsabilité, tous sont membres du Parti Socialiste ! Cela ne fait d'ailleurs l'objet d'aucune campagne.
Il n'y a d'ailleurs pas que les ingérences politiques. Le patronat a de tous temps tenté de contrôler (l’expression est faible) les ou un syndicat. Pendant un temps, il a privilégié Force Ouvrière, allant jusqu'à favoriser ou organiser son implantation lorsque la CGT s'organisait dans une entreprise.
Le patronat, utilisant des nervis, a même créé son propre syndicat de salariés, la CFT qui, suite à des actions criminelles, a dû changer de nom et s'appeler la CSL.
Aujourd'hui, le CNPF a des relations privilégiées avec les dirigeants confédéraux de la CFDT.
Cela se traduit notamment par le soutien de la CFDT (et de la FEN) au plan Juppé. Pourtant, en 1974, ces deux organisations luttaient à nos côtés contre le projet de loi Berger qui a dû être retiré. Ce projet de loi avait exactement le même contenu que le plan Juppé. Comment expliquer que l'on soutienne aujourd'hui ce que l'on combattait en 1974 ?
Cela se traduit par des présidences CFDT à l'UNEDIC et à la Caisse Nationale d'Assurance Maladie. Dans les Caisses Primaires, le CNPF s'est mis d'accord avec les syndicats autres que CGT pour se partager les présidences et vice-présidences.
En 1970, en pleine période d'unité d'action avec la CGT, la CFDT se prononçait pour la lutte des classes. Mais en mai 1979, le congrès de la CFDT adoptait le " recentrage "...
Entre 1981 et 1984 le ministre de la fonction publique, Anicet Le Pors était communiste. Seule la CGT n'a pas signé d'accords salariaux. Etonnant ? Non : l'intérêt des salariés de la fonction publique l'exigeait.
Il y aurait beaucoup à dire sur l'indépendance des uns et des autres. La seule garantie c'est les syndiqués et le fonctionnement démocratique. Ce sont les cotisations syndicales qui, assurant l'indépendance financière assurent la liberté de décision.

AUJOURD 'HUI
Le syndicalisme est affaibli du fait de la désaffection des salariés et tous, syndiqués ou non, en font les frais. Certes les syndicats et donc la CGT portent une responsabilité mais pas toute la responsabilité. Il n'est pas inutile de rappeler que les plus grandes conquêtes ont été réalisées lorsque la CGT comptait ses adhérents par millions. Ce fut la Sécu, les comités d'entreprise...
Aujourd'hui avec 650 000 adhérents et bien que les élections prud'homales l'aient confirmée comme première organisation syndicale de France, c'est insuffisant pour faire face à nos responsabilités.
La CGT conserve cependant une grande capacité de mobilisation. En témoigne décembre 1995 où malgré le soutien au plan Juppé de la CFDT et FEN, 2 millions de personnes sont descendues dans la rue et le rôle de la CGT fut déterminant. Imaginons avec une CGT plus influente ce que l'on pourrait obtenir !
Je suis conscient que ce texte mériterait de plus long développement mais s'il contribue de façon positive au débat nécessaire sur la syndicalisation, j'aurais atteint mon but.
La balle est dans le camp des non-syndiqués.
De votre engagement ou de votre passivité dépendra la réponse à vos revendications.

A Saint Martin d'Hères, le 16 juin 1998
Michel CIALDELLA Militant de la CGT

" Ceux qui vont de l'avant ne sont pas ceux qui, tous les matins, prétendent réinventer le syndicalisme de A à Z mais ceux qui font fructifier l'héritage en le prolongeant."

Henri Krasuki

Anecdotes révélatrices :
Ce vendredi 18 septembre 1998, je rencontre une personne qui un instant avait souhaité adhérer à la CGT sans concrétiser. Je me retrouvais beaucoup dans sa capacité d'indignation. Aussi je suis surpris, alors que je lui rappelle l'importance du vote CGT aux élections du CAESUG, de sa réponse : " je m'en fou ! je ne m'intéresse plus à rien ! " Je cherche à comprendre et constate que son écoeurement est dû au fait que sa qualification n'est pas reconnue (comme beaucoup d’autre) " Tu comprends, me dit-il, j'ai beaucoup travaillé, j'ai cru que cela suffirait "
Et bien, non, cela ne suffit pas. A sa façon il illustre la supériorité de l'action collective sur le combat en solitaire. Bien sûr qu'il faut travailler, mais oublier la lutte pour faire aboutir les revendications quelle qu'elles soient, conduit à l'impasse. L'individualisme peut parfois donner l'illusion mais les acquis essentiels sont toujours des acquis collectifs et la CGT y joue toujours un rôle proportionnel à son influence.
..........................................................................................................................................................
Il m'arrive aussi parfois d'entendre des réflexions du genre : " Je ne vote pas pour la CGT parce que Untel ou Unetelle ne me plait pas...a un comportement trop ceci ou trop cela..."
D'expérience, c'est souvent un prétexte qui évite surtout d'argumenter sur le fond. C'est refuser de considérer l'organisation, son action en tant que collectif. C'est aussi ne pas prendre en compte ceux (ils sont les plus nombreux) des militants dévoués qui font cette organisation. Et puis les adversaires des salariés ne s'y trompent pas, ils nous combattent en tant qu'organisation, sans trier parmi les militants !
Vendredi 24 janvier 2003
Je suis maintenant à la retraite depuis 2 ans. Mon regard sur le syndicalisme n’a pas changé il y a toujours et même plus que jamais nécessité pour les salariés à se regrouper dans les organisations syndicales confédérées.
Les attaques contre les acquis sociaux comme les retraites se précisent et nécessite l’unité de tous les salariés. A cet égard, la création de syndicats supplémentaires (FSU, SUD…) contribue plus à la division qu’au rassemblement. Les patrons (qui sont massivement syndiqués) l’ont bien compris car avec le MEDEF ils organisent la défense pour le maintien de leurs privilèges en exerçant un contrôle sur les syndicats de patrons de PME (CGPME) et même des artisans (UPA).

mardi 2 juin 2009

Lettre ouverte au président de la CPAM de Grenoble le 2 juin 09

« Lutter sans faiblesse contre les manifestations d’intolérance »… « en s’opposant à toutes les formes de discriminations ».
Jacques Chirac, président de la république, le 14 octobre 2002.
Michel CIALDELLA Conseiller CGT
à la CPAM de Grenoble
6, rue Joseph Bertoin
38600 Fontaine


à Monsieur le Président du conseil de la CPAM 38
2, rue des Alliés
38045 Grenoble cedex 9

Fontaine, le 2 juin 09
Monsieur le Président
Lors du conseil de la CPAM du 28 mai 2009, nous avons vécu un grand moment de surréalisme. Alors que j’avais déposé sur les tables un texte (1) qui disait mon indignation au sujet des propos racistes et xénophobes prononcés au cours de la Commission d’Action Sanitaire et Sociale du 26 mai par une représentante du Medef. Je me suis trouvé en situation d’accusé. Le vilain petit canard qui troublait une réunion conviviale « entre gens de bonne compagnie » (2).
Lire la suite...

http://www.calameo.com/books/00050433905c5373e2d48

lundi 25 mai 2009

Manifestation du 19 mars 2009 à grenoble

Dans les rues de Grenoble y avait près de 70 000 personnes qui manifestaient pour le pouvoir d'achat, la protection sociale, l'emploi...


Déclaration des conseillers CGT du 12 mai 2009

Réunion des Conseils CPAM de Grenoble et de Vienne en Isère le mardi 12 mai 2009

Déclaration préalable des conseillers CGT, UGICT-CGT des CPAM de Grenoble et de Vienne.


Monsieur le Président du Conseil de la CNAMTS
Monsieur le Directeur délégué de la CNAMTS,

Mesdames et messieurs les Conseillers,

Nous aurions souhaités débattre d'une éventuelle fusion de nos deux caisses sur la base d'une stratégie globale, en possession de documents préparatoires. Aujourd’hui cette décision de fusion des deux caisses de l’Isère fait partie intégrante de la C.O.G. que notre délégation CGT à rejetée lors de sa présentation au niveau National. D’autre part, ni la commission de l’animation du réseau, ni le Conseil de la CNAMTS n’ont avalisé cette décision. C’est donc une décision administrative antidémocratique.

Cette réunion prévoit une présentation des travaux en cours en matière de rapprochement des caisses CPAM de Grenoble et de Vienne et d’échanger ensemble sur les conséquences de cette fusion décidée en dehors des Conseils locaux et en se passant de l’avis des assurés sociaux légitimes propriétaires de notre Sécurité sociale.

En cette période de crise grave, on trouve des milliards pour soutenir les banques. Les responsables de la crise qui devraient logiquement être en prison continuent de s’en mettre plein les poches. Mais on ne trouve pas d’argent pour la santé.
Pendant ce temps les « élites » politiques dressent des listes noires ou grises censées faire trembler les paradis fiscaux. Ils semblent découvrir ce phénomène alors qu’un livre paru en 1998 (1) dénonce les multiples menaces de cette délinquance financière. Il décrit les circuits du blanchiment de l’argent…Et les Etats regardent ailleurs !

Tous ces gens ne se sentent pas concernés par le financement de la Sécu et n’ont de cesse de réclamer la baisse des cotisations sociales considérées par eux comme des charges alors qu’elles sont prélevées sur les richesses créées par le travail des salariés et qu’elles concernent la Santé voir la Vie de nos concitoyens ! Depuis 1945 ils n’ont pas changé de discours.

Nous rappelons avec force : « la Sécu ne souffre pas d’excès de dépenses mais d’un manque criant de recettes ». Et ce sont toujours les salariés, sur qui repose l’essentiel du financement, qui se font sanctionner, contrôler, alors que l’Etat et certains employeurs sont en dette avec la Sécu.

D’autre part, nous attirons l’attention des conseillers sur le fonctionnement des instances et sur les pouvoirs de décisions qui, au fil des réformes, ont été retirés aux représentants des assurés au profit d’une administration étatique. En effet, les conseils sont devenus des chambres d’enregistrement au mépris de la plus élémentaire démocratie. Tout est décidé en dehors des salariés et le passage en force une règle impulsée par le gouvernement. Et notre système en paye le prix fort car le recul de la démocratie a comme corolaire le recul de civilisation.


Nous exigeons des réponses écrites sur les interrogations suivantes.

Quel est le coût de cette journée, quelle est le budget consacré à la fusion ?
Quels sont les véritables objectifs de la CNAMTS, sachant qu’aucune donnée économique ne justifie cette fusion ? Sauf si à plus long terme on veut réduire l’effectif de salariés.
Les données sociales et économiques n’ont pas été prises en compte pour ce département qui a deux bassins de vie essentiels : le Nord Isère et Grenoble et sa banlieue. Les structures administratives et politiques ont toujours suivit cette logique, Préfecture, sous-préfecture, URSSAF, CAF, tribunal etc… Cette nouvelle donne veut-elle annoncer un remaniement départemental, régional, national ? Encore faudrait-il que les assurés sociaux soient consultés.
Que vont devenir les équipes de direction en place ?
Quel avenir pour l’emploi ? On nous annonce « qu’il n’y aura pas de licenciements » mais nous n’avons aucune garantie. Les départs en retraites seront t’ils remplacés ? Notamment les postes détachés sur la CPAM de Valence seront-ils compensés ?
Comment seront indemnisés les frais occasionnés par les déplacements en particulier pour les personnes amenées à le faire régulièrement ?
A terme, la Caisse de Vienne est-elle amenée à disparaître, deviendra-t-elle une simple boîte aux lettres.
Le télétravail sera-t-il engagé ?
Que va-t-il se passer pour l’emploi du conjoint ?
Quand on aura deux cadres pour le même poste que va-t-il se passer ?
Quel est l’avenir des agents de la comptabilité, paye, secrétariat, ressources humaines etc. ?
Pourquoi tant de hâte à fusionner ?
Quel plan de formation est t’il prévu pour l’accompagnement du personnel ?
Quel intérêt pour les assurés ?




(1) « Un monde sans loi : la criminalité financière en image » textes de Jean de Maillard ; avec la contribution de Bernard Bertossa ; procureur général de Genève ; Benoit Dejemeppe, procureur du roi à Bruxelles ; Antonio Gialanella, juge à Naples ; Renaud Van Ruymbeke, conseiller à la cour d’appel de Rennes.

mardi 19 mai 2009

Protection sociale


La Sécurité sociale, un enjeu majeur
Par Michel Étiévent, écrivain (*).

« L’organisation de la Sécurité sociale repose sur une règle fondamentale qui est celle de la gestion des caisses par les intéressés eux-mêmes. Le plan français est inspiré par le souci de confier à la masse des travailleurs la direction de leur propre institution de manière que la Sécurité sociale soit le fait non d’une tutelle paternaliste ou étatiste mais de l’effort conscient des bénéficiaires eux-mêmes. »
C’est par ces mots que le 8 août 1946, à l’Assemblée nationale, Ambroise Croizat, ministre du Travail, rappelait la nécessité (soulignée dans le programme du CNR) d’une gestion démocratique de la Sécurité sociale. Il appuyait son discours par ces propos tenus à Saint-Denis devant 20 000 militants : « La Sécurité sociale n’est pas seulement une affaire de lois ou de décrets. Elle implique une action concrète à la base dans l’entreprise, la cité ; elle réclame vos mains. Jamais nous ne garantirons le droit à la santé pour tous si vous ne prenez pas en main vous-mêmes le devenir de cet organisme de solidarité… »
Dès novembre 1945, la gestion des caisses a été un enjeu politique majeur. Toutes les forces conservatrices de l’époque, du patronat à la droite, refusent une gestion démocratique par les assurés. L’opposition est violente sur les bancs de l’Assemblée mais aussi de la part des assurances privées, de certains mutualistes ou des syndicats minoritaires, à l’image de la CFTC qui refuse de siéger dans les nouvelles instances. Rejetant les principes d’unicité et d’universalité de la Sécurité sociale, prônant le retour aux caisses d’affinité, droite et patronat menacent l’application du système de protection sociale.
Il faudra tout l’appui d’un Parti communiste à 29 % des voix, le poids d’une CGT forte de cinq millions d’adhérents et la force de conviction d’hommes tels que Croizat, Buisson, Raynaud pour faire respecter les orientations définies par le CNR. Alors que les caisses sont, au départ, gérées par des conseils désignés par les organisations syndicales, Ambroise Croizat pose très vite le principe des élections. Le 15 septembre, il déclare à l’Assemblée : « Je propose, comme l’opinion le réclame, un système d’élections des administrateurs par les intéressés et il importe qu’elles aient lieu dans les délais les plus courts. » Le 10 octobre, il fait voter la loi instaurant ces consultations générales pour la Sécu et les allocations familiales. La date est fixée au 24 avril 1947. Jusqu’au dernier jour, les pressions se multiplient pour faire échouer le dispositif électoral. La presse patronale et l’Aube, journal du MRP, se déchaînent : « Jamais, déclarent-ils, nous ne laisserons les communistes mettre leur emprise sur les 200 milliards de la Sécu… » Malgré les blocages de toutes sortes, les basses manœuvres, les coalitions multiples entre patronat et syndicats minoritaires, la CGT l’emporte avec 59 % des voix. On restera pourtant très loin des ambitions de Croizat et du CNR.
Dans un contexte difficile, après l’éviction des ministres communistes du gouvernement en mai 1947, le patronat, par le jeu des coalitions, va peser fortement sur les conseils d’administration. Très souvent, là où la CGT préside, c’est l’administration centrale du ministère du Travail qui mène une politique de harcèlement et annule les décisions prises par les conseils. La scission de 1948 aggrave encore la situation et le jeu des alliances permet l’élimination de syndicalistes CGT aux postes de responsabilité. Eugène Hennaf est éliminé de la caisse régionale de Paris, Alfred Costes de la caisse primaire parisienne, Henri Raynaud de la Fédération des organismes de Sécurité sociale (FNOSS). Dans la VO, sous la plume d’Henri Raynaud, le 8 juin 1950, on pouvait lire : « Il faut se battre pour une véritable gestion démocratique telle que l’a voulue le peuple de France. Quand les assurés sociaux ont participé avec enthousiasme aux élections, ils ont cru que leurs élus allaient diriger les caisses ; il n’en est rien car, dans les caisses, il y a des représentants patronaux. Ils sont là pour torpiller la gestion ouvrière et ils l’ont fait avec habileté et hypocrisie. »
En août 1967, le gouvernement de Gaulle, en plein congés, édictera l’ordonnance qui supprimera les élections et instituera la parité des sièges avec le patronat…

(*) Auteur de l’ouvrage Marcel Paul, Ambroise Croizat, chemins croisés d’innovation sociale, 25 euros + 5 euros de port disponible 520, avenue des Thermes, 73600 Salins-les-Thermes.
Humanité du 17 avril 2009

Lettre ouverte à Yves Calvi

« Être démocrate, ce serait agir en reconnaissant que nous ne vivrons jamais dans une société assez démocratique »
Jacques Derrida (philosophe)..

Fontaine, le 26 mai 2008.
Lettre ouverte à :
Yves Calvi et son équipe
Emission C dans l'air
France 5
10, rue Horace Vernet
92 785 Issy-les-Moulineaux

M. Yves Calvi,
Dans un récent « C dans l'air », le statisticien de service a évoqué, une fois de plus, un problème selon lui « franco-français », à propos des grandes manifestations du 22 mai 2008 (il faut arrêter ce type d'argument car dans les autres pays il y a des grèves et manifestations). Cela n'est pas la première fois qu'à la télévision et pas seulement dans votre émission où on évoque, s'agissant des luttes menées par les syndicats : la démocratie. Les Français ont voté il n'aurait plus qu'à se taire en vertu de : « c'était dans le programme ». Sarkozy ayant obtenu 53, 99 % des suffrages exprimés il conviendrait de tout accepter. En clair « vote et tais-toi ».
La démocratie, c'est-à-dire : « le pouvoir du peuple est exercé par le peuple et pour le peuple »
Déjà, on pourrait répondre que dans toute véritable démocratie il doit y avoir des contre-pouvoirs. Et de ce point de vue, dans notre « démocratie » ils sont nettement insuffisants. Et puis si le statisticien regarde d'un peu plus près il peut voir que ce n'est pas aussi simple.
Même si la règle c'est la majorité des suffrages exprimés on peut quand même s'interroger sur le fait suivant :
Au premier tour des présidentielles de 2007 Nicolas Sarkozy recueille 26 % des inscrits. Ce sont là des gens qui votent vraiment pour lui. Au deuxième tour il recueille 43 % des inscrits. Ce qui fait
que 74 % au premier tour et 57 % au deuxième tour n'ont pas voté pour Sarkozy. Cela pose le problème de l'élection du président de la république au suffrage universel. Comment peut-on imaginer qu'un seul homme ou une seule femme puisse représenter la diversité d'un peuple ? Ce
système est déjà antidémocratique en soi.
Cela, et rien que cela, légitime déjà toutes les luttes. De plus le locataire de l'Élysée s'assoit sur la démocratie à chaque fois qu'il veut faire passer ses choix.
Récemment à l'assemblée nationale la loi sur les OGM a été modifiée par les députés qui adoptent à une faible majorité un amendement qui remet en cause la culture des OGM en plein champ. Il se moque complètement du vote des députés et utilise une procédure pour faire passer la culture en plein champ.
Le 29 mai 2005, le peuple français a rejeté le traité constitutionnel européen par voie de référendum. Se moquant du peuple il fait adopter par le congrès à un traité baptisé pour l'occasion « simplifié ». Un traité dont Valéry Giscard d'Estaing affirme « il n'y a pas de différence substantielle entre les deux textes ». Même si c'était dans son programme c'est antidémocratique ! Ce refus de soumettre à référendum le nouveau traité est bien le signe que le pouvoir ne représente pas le
peuple. Rappelons au passage que dans son programme il avait le pouvoir d'achat ! …mais peut-être parlait-il du sien ? Il avait également promis que EDF GDF ne seraient pas privatisés !
Récemment il décide, contrairement à ce qu'il a annoncé avant les élections, d'envoyer des troupes françaises en Afghanistan. Sans même un débat à l'assemblée nationale.
N'oublie-t-il pas trop souvent qu'il est président d'une République laïque ? Président de tous les Français il se fait introniser « Chanoine honoraire de Saint-Jean de Latran » par le pape.
Est-il démocrate lorsqu'il déclare : « dans la transmission des valeurs et dans l'apprentissage de la différence entre le bien et le mal, l'instituteur ne pourra jamais remplacer le curé ou le pasteur... ».
Quel mépris pour les athées !
Est-ce démocratique que de démanteler les services publics qui permettent l'égal accès de tous ?
Est-ce démocratique que de casser notre protection sociale solidaire ?
Est-ce démocratique de favoriser les classes aisées ?
Est-ce démocratique que d'avoir 7 millions de travailleurs pauvres ?
Est-ce démocratique que de doubler son salaire ?
Rappelons que dans les entreprises c’est toujours la monarchie.
Au-delà de l'actuel président de la république, nous avons énormément de progrès à faire pour être véritablement démocratique. Notre constitution comporte, pour le moins, des failles dangereuses.
Ainsi l'article 16 qui permet au président de la république dans certaines conditions d'avoir des pouvoirs exceptionnels. L'article 49 alinéa 3 permet l'adoption d'un texte de loi sans vote du Parlement….
Le Parlement ne représente pas le peuple. Comme nous avons pu le constater lors du référendum sur le traité constitutionnel. Très majoritairement les Français ont voté non. Si ce même traité avait
été voté par le Parlement il aurait été adopté. Comment des parlementaires qui ne représentent pas le pays peuvent-ils prendre des décisions en son nom ? Notons au passage que cela ne choque
aucunement la quasi-totalité des journalistes.
Comme le dit cet ancien ministre (Anicet Le Pors) : « la légitimité populaire émane du corps législatif, élu selon un scrutin égal c'est-à-dire à la proportionnelle, car c'est à la politique et non à la technique de faire des majorités. Il ne saurait en effet y avoir de légitimité concurrente émanant du même suffrage universel. L'argument selon lequel il faudrait tenir compte de l'idée que l'on se fait de la prétendue adhésion du peuple français à l'élection du président de la république au suffrage universel n'est que l'expression d'une résignation politique, indigne de notre histoire ».
L’actuel parlement n’est donc pas légitime. La proportionnelle devra nécessairement se compléter par des moyens pour le peuple non seulement de contrôler les élus qui devraient être révocables à tout moment s'ils ne respectent pas leur mandat ou s’ils magouillent ou tout simplement si le peuple le décide. Les citoyens pourraient aussi décider
sans attendre les élections des grandes questions comme : quelle part du PIB consacré à la protection sociale, quel salaire pour les élus (tous les élus), quel système de transport, quelle production pour quelles utilisations etc.... Et dans ces cas, il pourrait bien se dégager des « majorités de dossiers » non politicardes. Ce qui n'est pas la même chose que d'aller faire des accords électoraux en catimini ou de débaucher des personnes dans d'autres formations politiques.
De ce point de vue, il y a dans notre pays, un travail considérable à faire.
Robespierre dont on ne sait pas assez qu'il était favorable à la brièveté du mandat législatif (avis aux carriéristes de la politique), faisait valoir cet argument de bon sens qui n'a rien perdu de sa valeur : « Il faut que les législateurs se trouvent dans la situation qui confond le plus leur intérêt et leurs voeux personnels avec celui du peuple ; or, pour cela, il est nécessaire que souvent ils deviennent peuples eux-mêmes ». (Albert Mathiez, historien).
Appliquer ce principe assurément moderne serait une saine évolution.
La démocratie ça commence par une information pluraliste surtout sur le service public. Or dans votre émission, même si de temps en temps il y a des syndicalistes, pour l'essentiel c'est le même courant de pensée (unique) qui s'exprime. Ils manquent tellement d'imagination ils sont toujours obligés d'aller chercher des exemples à l’étranger. C'est mieux ailleurs notamment en Angleterre. Ils seraient d'ailleurs bien inspirés de lire « Le royaume enchanté de Tony Blair » (Philippe Auclair).
Cela leur éviterait de raconter n'importe quoi. Sous prétexte que nous serions les seuls à refuser telle ou telle « réformes » on veut nous faire accepter tous les reculs de civilisation.
Les économistes qui fréquentent assidûment votre émission sont de la même école que ceux qui inspirent la politique du gouvernement. On voit que cela ne règle aucun des grands problèmes
(Protection sociale, pauvreté, chômage, précarité etc…) et on continue à demander leur avis.
Ils devraient méditer la fameuse phrase : « Un bon économiste c'est celui qui est capable d'expliquer le lendemain pourquoi il s'est trompé la veille ». Mais cramponnés à leurs dogmes, eux ne se trompe jamais...
Ras-le-bol de ces émissions où l'on se paye la tête du téléspectateur. Il est grand temps de démocratiser le service public dont je rappelle qu’il n’appartient pas aux journalistes bien ceux qui paient la redevance.
À bon entendeur salut.
Un citoyen en colère
Michel Cialdella

Lettre ouverte à Frédéric Lefèbvre


"Où se trouve le représenté il n'y a plus de représentant"
Jean-Jacques Rousseau.

Fontaine, le 1er février 2009.

Monsieur Frédéric LEFEBVRE, porte parole de l’UMP.
www.fredericlefebvre.com/index.php?section=contact

Vous avez suggéré que des syndicalistes qui "n'appliquent pas la loi" " abusant du droit de grève" soient privés de "responsabilités syndicales" envisageant même le recours au pénal. Notons au passage que vous et vos amis politiques vous voulez dépénaliser les affaires...
Plutôt que d'entendre les revendications des salariés vous préférez vous en prendre aux syndicats « ceux qui ne plaisent pas au patronat » comme le chante Jean Ferrat. En fait vôtre modernité consisterait à revenir avant 1864 où la grève était un délit.
Avant de vous en prendre à ceux qui osent relever la tête balayez donc devant votre porte.

La loi Le PORS stipulait que tout emploi permanent dans la fonction publique était un emploi de fonctionnaire. Cette loi n'a jamais été appliquée ni par la « gauche » encore moins par vos amis politiques. Jugée trop avantageuse pour les salariés la droite l'a modifiée en 2007 considérant toutefois qu'il ne soit possible de " recruter des agents non titulaires pour occuper des emplois permanents que pour assurer le remplacement momentané de titulaires".
Or la fonction publique recrute massivement et pour des emplois permanents des personnels non titulaires précarisés et sous-payés. Ni ce gouvernement ni ses prédécesseurs n'ont respecté cette loi.
Plus grave vous vous vous asseyez sur la Constitution Française.
Quelques exemples :
Dans le préambule de la constitution de 1946 annexé à l'actuelle constitution, il est inscrit que :
- chacun a le devoir de travailler et le droit d'obtenir un emploi. Et notre pays compte des millions de chômeurs.
- Tout travailleur participe, par l'intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu'à la gestion des entreprises. Et on licencie et délocalise à tour de bras.
- Tout bien, toute entreprise, dont d'exploitation a ou acquiert les caractères d'un service public national ou d'un monopole de fait, doit devenir la propriété de la collectivité. Et vous privatisez.
- Elle (la nation) garantit à tous... La protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Et vous cassez notre système de protection sociale.
- La nation garantie l'égal accès de l'enfant et des adultes à l'instruction, à la formation professionnelle et à la culture. Vous fermez des écoles et supprimez des emplois dans l'éducation nationale.
- la République française n'entreprendra aucune guerre dans les vues de conquête et n'emploiera jamais ses forces contre la liberté d'aucun peuple. Et vous intervenez en Afghanistan, sans parler des guerres coloniales.
Quant à la "Déclaration des droits de l'homme et du citoyen" également annexée à notre constitution. C'est la même chose.
Dès l'article 1 vous avez tout faux :
- les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l'utilité commune.
article 6:
- La loi est l'expression de la volonté générale. ... Elle doit être la même pour tous...
C'est bien parce que vos récentes lois appelées également "réformes" ne sont pas l'expression de la volonté générale qu'elle mette autant de monde dans la rue. Et voulez n'y voir une manifestation d'inquiétude. Mais vous n'avez rien compris ou pire fait semblant de ne pas entendre s'exprimer les exigences des gens qui vous font vivre. Car je rappelle que nous vous payons ! Quant à la loi la même pour tous...
article 11 :
-La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi.
Un militant communiste qui vendait "L'Humanité dimanche" sur un marché est verbalisé par la police pour « vente de marchandises sans autorisation ». Voilà bien vôtre conception de la démocratie : la presse notamment celle d'opinion est une marchandise.
Ces pratiques sont scandaleuses mais parfaitement cohérentes avec la mainmise président de la République sur l'audiovisuel public.
Au chapitre des libertés : un inspecteur du travail est mis en examen pour, selon la direction, s'être invité à un comité d'établissement d'un laboratoire de cosmétologie. Alors qu'aucun texte ne l'interdit.
article 5.
Tout ce qui n'est pas défendu par la loi ne peut être empêché, et nul ne peut être contraint à faire ce qu'elle n'ordonne pas.
C'est clair ! Non ?
Je pourrais également évoquer les parlementaires. S'ils sont élus légalement (du point de vue du droit français) on peut discuter de leur légitimité de représentants du peuple. Pour représenter le peuple il faut le représenter tel qu'il est. Dans ce cas de figure seule une élection à la proportionnelle peut le faire et non pas ce scrutin de voleurs qui fait que tout le monde n'est pas représenté. De ce point de vue les députés ne sont pas plus légitimes voire moins que le peuple dans la rue. Comment penser que 500 personnes mal élues comptent plus que 2 millions et demi de personnes ?
Lorsque les salariés sont en grève on leur retient du salaire. Lorsque des députés sont absents ils sont payés quand même. Cela ne les a pas empêchés de se voter une protection sociale de haut niveau juste après avoir massacré les régimes spéciaux des salariés.
Je pourrais également évoquer toutes les magouilles politiciennes qui si elles ne sont pas générale touchent tout de même beaucoup de monde.
Le patronat également malgré les détournements comme c'est le cas à l'UIMM qui a détourné des millions sur le dos des métallurgistes...Il n'est pas tellement inquiété....
Tous ces dirigeants notamment des banques qui nous ont "foutu dans la merde" ne sont pas sanctionnés, continuent de percevoir de fortes rémunérations et l'argent public renfloue les banques sans aucune contrepartie, sans aucune garantie qu'ils ne recommencent pas !
Notre démocratie est malade de la démission du peuple et certainement pas de ceux qui luttent. Je rappelle qu'en démocratie les élus sont nos obligés et non pas nos chefs.
je suis un vieux militant syndical et au cours de ma vie (j'allais dire ma carrière...) j'ai été licencié pour raisons syndicales mais je n'ai jamais licencié un patron. Comme quoi l'égalité proclamée par la Constitution française reste à conquérir.
Je vous demande de démissionner de vôtre mandat de député car vous n'êtes pas digne de représenter le Peuple que vous méprisez.
Je ne vous salue donc pas.
Michel Cialdella

Il y a dix ans

Il y a dix ans, je proposais à mon syndicat (Ferc-sup CGT de Grenoble 1) le texte ci-dessous pour un tract qui fut distribué sur le campus de St Martin d’Hères. Etonnant non ? Pas tellement finalement ! Le plus triste c’est que c’est toujours aux mêmes « experts » qui ne voient jamais rien arriver que l’on demande conseil ! Quel est le prochain « expert » qui nous proposera de nouveau de jouer nos retraites en bourse ? Gageons que le capitalisme a encore quelques Madoff en réserve. Au salariés de se souvenir et de défendre ce salaire socialisé qu’est la retraite dite « par répartition ». Et tous en cœur : « VIVE LA SECU » !

Michel Cialdella

Les fonds de pension : " L'arnaque ! "

Quatre cent quarante quatre ans après Nostradamus, les prophètes de la pensée unique et libérale affirment, sans démontrer : " On ne pourra plus payer les retraites en 2040 ! "
Michel Rocard, initiateur du livre blanc sur les retraites écrivait lui-même dans la préface : " Quel sens y a-t-il à faire des prévisions à si longue échéance ? "
En effet aucun des économistes bien en cour n'a prévu le moindre choc monétaire. Pire, l'incontournable Alain Minc qui fut, entre autre, conseiller de Balladur, fustigeait, dans un article paru dans " l'Expansion " d'avril 1987, ceux qui s'inquiétaient de la financiarisation de l'économie :
" N’oublie-t-on pas les mécanismes de stabilisation qui se sont mis en place ?...le rôle régulateur des Etats ?...la sophistication des techniques de marché qui permettent, grâce à des programmes informatiques préenregistrés, d'endiguer les paniques boursières ? " " à guerre improbable, réduction de la sphère financière impossible "
Le 19 octobre 1987 ce fut le Krach ! Le Dow Jones perdit 22,6% en une journée.
Cela donne une idée de la fiabilité de cette école. S'ils sont incapables de prévoir à 6 mois, comment le peuvent-ils à 40 ans ?
Le choc démographique est le prétexte avancé par les ultra-libéraux, pour qui tous les systèmes de protection sociale sont devenus des obstacles à la mondialisation financière.
Les promoteurs des fonds de pension mettent en avant le rapport actifs / retraités qui en s'abaissant à 1,7 en 2040 (2,9 en 1995) serait la cause de tous nos maux.
Ils écartent la plupart du temps le chômage qu'ils sous-estiment à 3 millions malgré qu'un rapport gouvernemental le situe à 6,9 millions. Comment parler encore de " grands équilibres " avec un tel chômage ? N'est-ce pas par là qu'il faut commencer ?
Surtout que le chômage provoque un manque à gagner pour les comptes sociaux de plus de 390 milliards de francs.
Pour leurs calculs ils retiennent l'hypothèse d'un taux de chômage à 9% en 2040 ! Renonçant ainsi 40 ans à l'avance à s'y attaquer !
Ils font également l'impasse sur la productivité.
Pourtant celle-ci augmente régulièrement. Si la productivité horaire de chaque salarié continue d'ici là, à croître au rythme moyen constaté sur la période 1992-1994, soit 2% par an, elle aura, à cette date, été multipliée par 2,4. Et ce à durée de travail égale. Autrement dit, en 2040, la production de 1,7 salariés sera égale à celle de 4 salariés de 1995 : elle pourra donc financer davantage de retraités.
L'objectif de la capitalisation serait de stimuler la croissance économique par un apport de capitaux frais en direction des entreprises. Mais contrairement à ce que l'on voudrait faire croire, ce n'est nullement le manque d'épargne qui freine la croissance des entreprises françaises, leur capacité d'autofinancement s'élève à 115% de leurs besoins ! Le vrai problème c'est qu'elles en profitent pour développer leur capital financier au détriment de l'emploi.
Même pour Denis KESSLER vice-président du MEDEF (ex-CNPF) pourtant un des promoteurs de la capitalisation, " les fonds de pension ne peuvent plus être une solution compte tenu des médiocres perspectives boursières pour les prochaines décennies " Le Monde du 26 février 1999.
L'exemple américain nous renseigne utilement sur l'efficacité de la capitalisation. Un dollar investi par un salarié en 1968 dans son fonds de pension ne valait plus que 96 cents, quinze ans plus tard en pouvoir d'achat de 1968. Aux Etats Unis et en Grande Bretagne, le capital financier est parvenu à faire en sorte que d'anciens salariés dépendent, pour le niveau de leurs retraites, de la férocité avec laquelle sont exploités leurs camarades en activité.
Les moyens financiers
La crise, rétorquent certains, limite les capacités de financement. Certes, l'augmentation annuelle de la masse salariale n'est plus, depuis 1986, que de 1%, contre 5% pendant les " trente glorieuses ". II faut cependant rappeler ici que quelle que soit l'assiette d'un prélèvement, c'est toujours, en dernier ressort, le produit national qui détermine les limites de l'économie. Certes, la part des prestations liées au vieillissement et à l'augmentation des pensions est passée de 10,5% du Produit Intérieur Brut (PIB) en 1981 à 12% en 1995. Toutefois, si ce dernier continue à s'accroître au rythme annuel - modéré - de 2,1% constaté en 1997, il aura doublé en 2030. Tout comme le nombre des plus de 60 ans, qui sera passé de 9,3 à 18,8 millions. Il n'y a donc pas d'épuisement des capacités du système
La sécurité
Dans la capitalisation, non seulement il faudra que ne survienne pas de krach financier, mais les risque de fraude sont grands et le cas Maxwell, magnat de la presse britannique, qui puisa dans les caisses de retraites des sociétés de son groupe, 740 millions de livres, spoliant quelques 32000 retraités illustre ce risque.
Et puis les retraites par capitalisation ont existé en France (en 1910) et l'inflation a ruiné les retraités de l'époque.
La décision de créer en France des fonds de pension par capitalisation a-t-elle vraiment pour objectif de préserver le système de retraite ? Ne s'agit-il pas plutôt d'étendre la zone d'influence financière ? Poser la question c'est déjà y répondre.
Mis en échec sous Juppé les fonds de pension reviennent sous Jospin, ils ne sont pour autant pas devenus vertueux, n'en déplaise à DSK.
Cette campagne médiatique contre les retraites a au moins un intérêt, c'est de révéler au grand jour, pour ceux qui en doutaient encore, la nature du capitalisme d'aujourd'hui. Ce fantastique progrès de l'évolution que représente l'allongement continue de la durée de vie des humains est une CATASTROPHE pour eux ! Les partisans de ce système qui ont une calculette à la place du cœur examinent cette situation à l'aune de la rentabilité financière immédiate.
Nous sommes prévenus
Les premiers éléments d'information provenant du "énième" rapport sur les retraites ne sont pas pour nous rassurer. La durée de cotisation pour bénéficier de la pension à taux plein passerait de 160 à 170 trimestres soit 42,5 annuités pour le privé comme pour les fonctionnaires !
Tout dépend de nous, il faut impérativement se mobiliser pour mettre en échec ce coup porté à la protection sociale.
Grenoble, le 27 février 1999
A suivre
Sources : les articles de René Passet et François Chesnais ( dans Le Monde diplomatique de mars 1997, avril 1997, février 1998) et Jacques Nikonnof ( dans l'Humanité avril 1997, mars 1998, février 1999.) « Demain les retraites, Un contrat entre les générations » 1991, préface de Michel Rocard.