mardi 19 mai 2009

Le collectif des médecin du travail de Bourg en Bresse

Annexe 2
Quelques notes extraites de 13 ans de rapports annuel du collectif de médecins du travail de Bourg-en-Bresse.
En février 2004
, le collectif de médecin du travail de Bourg-en-Bresse produit un rapport annuel de 2003 qui fait le bilan de dix ans d’écoute clinique, d’analyse et d’action collectives de mise en visibilité sociale et d’alerte.

Ce rapport commence par :
« Ce bilan de dix ans de travail commun est le bilan de 9 médecins du travail ayant, en moyenne de 20 à 25 ans d'expérience d'écoute clinique des salariés des TPE et PME d'un même secteur géographique. Cette auscultation du monde du travail, qui concerne chaque année environ 25000 salariés dans 2500 entreprises du plus haut au plus bas de la hiérarchie, tire sa pertinence de la durée de cette observation, et surtout depuis dix ans, d'un travail collectif de terrain très régulier. Ce travail commun, dans une longue diachronie, nous donne une légitimité forte pour affirmer qu'il y a une dégradation constante de nos constats concernant la santé au travail en France, qu'il y a une urgence actuelle en terme de prophylaxie mentale tant nous constatons d'atteintes psychiques nombreuses et graves, tant nous constatons un incroyable impact mental lié au travail « dégradé ». Nous avons longtemps réfléchi et débattu l'an dernier avant d'user du mot de désespérance dans le titre de notre conclusion 2002: nous le maintenons, nous le confirmons cette année, au point qu'aujourd'hui se pose cette angoissante question que la société doit résoudre: que faire devant ce travail inhumain ? ».

Il dénonce :
« le silence des médias…) qui se refuse à mettre le projecteur sur ce qui se passe dans le travail et leur matraquage culpabilisant où les malades, les plus faibles, les accidentés, les plus âgés sont présentés comme les uniques responsables de la situation dans laquelle ils se trouvent »….. « il y a une déferlante d'indices d'atteintes graves à la santé et d'inégalités sociales dues au travail, qui est d'autant plus oppressante que, plus la situation s'aggrave, plus les propositions du MEDEF et même du gouvernement vont dans le sens d'une fuite en avant ».

« on voit se rajouter qu'il n'est plus vrai maintenant que le travail évite d'être exclu et permet d'avoir des moyens dignes de subsistance ; pour bien des travailleurs précaires il faut « travailler beaucoup pour être pauvre »

« Quant au soit disant système de prévention, qui a même été incapable d'alerter sur le scandale de l'amiante, depuis 1946, il n'a jamais fonctionné, faute de vrais moyens ».

« Il nous faut pointer l'extraordinaire décalage entre les réalités très inquiétantes touchant à la santé des salariés et les discours politico­médiatiques actuels. Il nous faut pointer le contraste très saisissant entre la forte montée en puissance depuis plus de quinze ans d'une multitude d'atteintes à la santé des travailleurs et de la précarité liées aux bouleversements ainsi qu'à la mise sous tension du monde du travail avec, en face, l'absence de mesures sérieuses qui doivent être prises de manière urgente pour endiguer ces phénomènes »

« Comment donc expliquer l'inaction des décideurs devant autant de constats délétères autrement que par une attitude de déni des réalités »…. « au lieu de s'en prendre au système, ce sont les travailleurs qui sont pris à parti ».

« Il y a comme l'ouverture « d'une chasse aux salariés » qui apporte un facteur supplémentaire de gravité, très inquiétant »

« Il n'y a aucune raison pour intérioriser les atteintes à la santé au travail comme étant une fatalité. Réduire l'énorme coût humain en santé au travail est du domaine du parfaitement possible; cela permettrait, de plus, de réduire le coût pour la société ».

« Il en découle une intensification du travail avec la montée en puissance des troubles musculo-squelettiques, stress, syndromes anxio-dépressifs, suicides. Il y a lieu de préciser que cette intensification devient essentiellement dangereuse pour la santé quand elle s'accompagne de l'amputation du pouvoir d'agir. N'oublions pas que la définition de la santé est fortement référée au degré de liberté des individus et donc la pression du travail devient grandement pathogène à partir du moment où l'individu est amputé de ses possibilités d'action pour infléchir le cours des choses dans le sens de ses valeurs et de l'accomplissement de soi ».
« Dans les quinze dernières années, le nombre de salariés effectuant des manutentions manuelles est passé de 27% à 37%, un tiers des salariés est soumis au taylorisme, l'augmentation du travail à la chaîne est passée de 20 à 30% ».

« En 1977, le flocage à l'amiante est interdit dans les immeubles d'habitation mais les salariés français sont « autorisés à respirer » jusqu'à 2 fibres par centimètre cube d'air. L'amiante sera interdite en 1997 après plus d'un demi-siècle de déni du risque ».

« Il y a en France un million de salariés exposés à des cancérigènes reconnus, la moitié sans protections collectives, 4 millions à des produits toxiques ».

« La France est en tête des plus fortes inégalités sociales :
- Chez les hommes entre 25 et 54 ans, il y a un taux de mortalité prématurée trois fois plus important chez les ouvriers et employés que chez les cadres et professions libérales.
- Un quart des travailleurs manuels décède entre 25 et 60 ans
- Entre 25 et 65 ans, les ouvriers ont une espérance de vie de 6 ans et demi de moins que les cadres et professions libérales.
- En ce qui concerne les fortes inégalités sociales face au cancer, la France a le risque le plus élevé de toute l'Europe pour les travailleurs manuels.
- Entre 45 et 59 ans, en ce qui concerne la mortalité toutes causes confondues, la France présente les écarts sociaux les plus grands de tous les pays d'Europe: avec des différences de 71 % pour LA France, de 53% en Finlande et 36 % au Portugal.
- En France, il y a chez les employés et ouvriers trois fois plus de suicides que chez les cadres et professions libérales.

Si l'on traitait la surmortalité des ouvriers et employés par rapport aux cadres et professions libérales, on éviterait 10000 décès par an ».

« Si les plus de 50 ans sont au chômage ou en arrêt pour maladie c'est que la société de travail les a acculés au statut d'exclus ! Comment oser sous-entendre qu'ils profitent du système alors qu'ils sont écrasés par lui ? L'irresponsabilité n'est pas de leur côté ».

« L'historique de l'apparition de la notion d'aptitude montre bien qu'elle n'a jamais été créée dans un souci de protection de la santé mais uniquement dans l'objectif de faire une «sélection biologique de la main d'œuvre ».

Alors que : « les médecins du travail devraient œuvrer en vue de l'adaptation du travail à l'homme… les missions officielles assignent, via l'aptitude, au médecin du travail un rôle contraire d'adapter l'homme au travail »

« La sécurité sociale est un organisme initialement prévu pour la prévention, il n'est pas normal que ce budget prévention ne soit que de 2% ».

Chaque année les auteurs des rapports rappellent à juste titre : « Il faut en finir absolument avec la gestion patronale unique de ces services et rompre le lien financier direct avec les employeurs »…. …..« ceux qui génèrent les risques contrôlent l'exercice de professionnels chargés de la prévention des risques, c'est comme le dit souvent un confrère la douane abandonnée aux contrebandiers ! »

« Nous demandons l'abrogation du contrôle médical patronal, véritable violation démocratique puisqu'il existe déjà un contrôle de la sécurité sociale lui-même socialement admis »

Les auteurs rappelle le Code de Déontologie Médicale : « inscrit dans la loi qui dità l'Article 10 «que l'art médical ne peut, en aucun cas, ni d'aucune façon être pratiqué comme un commerce » et à l'Article 5 « que le médecin ne peut aliéner son indépendance sous quelque forme que ce soit ».

« Le décret sur la réforme de la médecine du travail a pris forme en Juillet 2004. Comble de désespoir, il fait fi de tous ces constats, de toutes ces propositions de transformation »…… « il s'agit de mesures qui verrouillent encore plus les médecins du travail dans un systématisme stérile qui nous oblige à évaluer et réévaluer les dégâts dans l'unique but de gagner encore du temps et de ne pas s'attaquer aux vraies causes »

« Dans de nombreuses entreprises, les risques physico chimiques sont toujours d'actualité et expliquent l'épidémie de TMS, l'augmentation incessante des cancers professionnels, l'augmentation des problèmes de stérilité… »…… « Dans le même temps, les contraintes psychosociales s'accentuent, en lien avec l'emballement du système et la gestion des individus par le « toujours plus » et « toujours plus vite ».

« Depuis des décennies, nous vous signons des avis d'aptitude à exécuter un travail souvent nocif pour votre santé, alors que c'est sur les conditions de travail qu'il faut agir, et c'est sur ce point là que doivent être braqués les projecteurs.
L'aptitude est un facteur PUISSANT d'immobilisme.
Son concept est hypocrite, c'est un faux-semblant, le système veut vous faire croire qu'il s'agit de prévention alors que c'est un mensonge, une véritable imposture ».

« Dans un hommage à un de ceux qui nous a aidé à construire notre métier ,à comprendre les mécanismes de votre souffrance au travail et aussi la nôtre , affirmons avec Christophe Dejours :
«Pour moi, il n'y a pas de contestation possible, la seule valeur importante c'est la vie .Pas la vie biologique seulement mais aussi ce qui s'éprouve en soi .C'est ce que nous sommes en train de perdre .Et je pense qu'il n'y a aucune raison de laisser cette dérive se poursuivre . »

En 2005
Dans un avertissement aux lecteurs :« Après 12 ans de témoignage, chaque année apporte son lot d'aggravations »
« La France « est malade du travail », de plus en plus gravement alors que triomphent les stratégies financières et les logiques gestionnaires »
« il y a la compromission des médias qui ne permettent aucune mise en visibilité de ce drame de la santé au travail en France »
« Quand l'État démantèle le Code du travail en aggravant encore la précarité existante, laquelle vise particulièrement les jeunes, alors que l'on sait que jeunes et précaires sont les victimes privilégiées des accidents du travail, »
« Quand il instaure le travail de nuit autorisé pour les moins de 16 ans alors qu'il s'agissait d'une de nos priorités dans notre coopération avec l'inspection du travail tant nous constations de dérives dans les horaires ayant des conséquences graves sur la santé de ces enfants, »
« … la liberté d'entreprendre « cette liberté qui finit là où commence le Code du Travail ».

Le rapport est, à juste titre sévère :
L'arrogance du maquillage communicationnel creux et mensonger nous parle de « qualité », de « démarche de progrès » alors que le contexte est :
- d'envoyer les enfants au travail
_ de faire travailler les enfants la nuit
- de harceler les médecins sur le « trou de la sécurité sociale » alors qu'ils ont de moins en moins les moyens de prendre en charge correctement leurs patients
- de laisser les vieillards dans leurs excréments parce que l'important c'est d'être bon dans le chronométrage - des salariés des maisons de retraite
- pour les médecins du travail, d'être de bon prestataires de service pour les employeurs, d'obéir aveuglement à l'exécution de tâches préfabriquées par les instances de tutelles, inutiles mais non dérangeantes pour les gestionnaires et de refuser l'écoute aux salariés en détresse
- c'est finalement traiter l'humain en objet
- c'est s'enfoncer dans la violence et le chaos social.

Pour le Professeur Christophe DEJOURS la question de fond n'est pas l'évaluation de la qualité, mais l'obtention de CERTIFICATIONS. La démarche dite « de qualité » place le résultat avant le travail et non après celui-ci ; de sorte que cette démarche ne renvoie plus du tout à l'évaluation de la qualité, elle se transforme en pure prescription. La qualité est bien une visée du travail mais travailler c'est rencontrer l'échec et le reconnaître comme tel. A l'Ombre de tout cela, comme vis-à-vis de toute prescription, se cache une intense activité de contournement, de tricherie, et bien entendu de fraude. Les fraudes sont d'autant plus nombreuses et graves que les objectifs affichés sont plus arrogants. Il en résulte que cette démarche est porteuse de risques pour la santé au travail »
« selon une statistique récente citée par Francis MEYER, on constaterait une augmentation de 20 % des troubles musculo squelettiques et des accidents de travail dans les entreprises appliquant la normalisation qualité. Tout ceci, donc, avec pour résultat « L'INEFFICACITE » : n'oublions pas, par exemple, que l'usine AZF de Toulouse avait été dûment certifiée 8 jours avant son explosion... »
« En ce qui concerne la mise en œuvre de cette « démarche qualité » dans les services de santé au travail, nous pensons, avec le docteur Alain CARRE, que le médecin du travail qui ne peut pas cautionner de telles méthodes dans les entreprises dont il s'occupe, a fortiori ne peut pas accepter qu'elles s'appliquent au fonctionnement du service où il travaille et à lui-même. Cette démarche introduit en effet une obligation de résultat et non plus de moyens ; elle constitue aussi un contrat et à ce titre devrait donc être soumise par le médecin aux instances ordinales. Elle représente surtout une très grave atteinte à l'indépendance du médecin du travail en lui demandant d'atteindre les objectifs du management. Finalement, la « démarche qualité » appliquée à la médecine du travail risque de la dénaturer totalement en la transformant en une médecine d'entreprise qui ne correspondra plus du tout aux missions assignées par la loi fondatrice de 1946 ».

En février 2007 leur rapport ( le 13e ) commence par une « interpellation des candidats à l’élection présidentielle 2007 » « POUR UN PACTE DE TRAVAIL DECENT ».
Dès le début c’est sans ambiguïté :
« En matière de santé au travail, nous n'en sommes malheureusement pas au principe de précaution mais à l'alerte maximale tant la dégradation est intense et les moyens mis en œuvre dérisoires et inadéquats par rapport aux besoins »
« Ces quinze dernières années, l'aggravation n'a pas cessé à tel point que les indices de mortalité, morbidité et inégalités sociales de santé dues au travail sont parmi les plus catastrophiques en Europe »… « à la véritable hypocrisie sociétale de toujours nier le lien entre santé et travail qui fait que la France a eu 25 ans de retard par rapport aux principaux pays européens pour reconnaitre la silicose, 25 ans de retard pour interdire l'amiante, et que la ville de Toulouse a failli être rayée de la carte .. »…. « On ne peut pas prétendre actuellement vouloir œuvrer pour l'épanouissement des français si on ne touche pas à ce cancer qui ronge le travail »…. « la folie des logiques gestionnaires tellement insensées qu'elles en deviennent stupides »…… « Nous avons pu expérimenter toute la force du système à faire taire les victimes et les témoins par les campagnes de déni de la souffrance et de dénigrement « des nantis du travail », par les campagnes de culpabilisation mensongères. Comment peut-on se dire représenter les français en ayant un discours aussi péjoratif sur eux. Nous, nous pouvons témoiqner que nous sommes admiratifs de l'incroyable investissement des salariés au travail à tel point qu'ils y laissent leur santé ; et malqré cela, ils portent ce système jusqu'à en arriver à un des meilleurs taux de productivité horaire ».
Ensuite c’est le « BILAN DE LA SANTE AU TRAVAIL BILAN D'UN METIER… »
« Voilà déjà 10 ans que Christophe Dejours a écrit son livre « Souffrance en France », voilà 13 ans que notre collectif alerte sur une situation qui ne fait que s'aggraver.
Devant tout le mal fait à la santé au travail, les dégâts énormes en terme de cancers professionnels, d'atteintes à la santé psychique, le législateur répond en nous demandant d'évaluer nos pratiques professionnelles et impose un plan santé au travail national pour lequel il faudrait recompter les blessés, les morts, réévaluer et encore réévaluer, plutôt que prendre les mesures pour porter assistance à toutes les personnes en danger ».
« Au total, la France est dans un piteux état par pur entêtement idéologique : piteux état aussi bien en matière de santé au travail que sur le plan social »
En 13 ans les conditions de travail se sont aggravées Déjà en 1994 le collectif constatait l’augmentation du stress de la dépression, la souffrance au travail … de plus en plus souvent exprimée par le salarié lors des consultations individuelles ».
Les auteurs au fil de leurs rapports mette clairement en cause les dérives ultra libérale. Les dénoncent comme contradictoire à la prévention et à l’amélioration des conditions de travail.

Ces notes ne dispense pas ceux qui s’intéressent à la SANTE AU TRAVAIL de lire la totalité des rapports que l’on peut se procurer en le demandant au :
Collectif des médecins du travail de Bourg en Bresse41 boulevard Voltaire 01000 Bourg en Bresse Tél 04 74 21 88 24

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