dimanche 19 juin 2016

lettre au 1er ministre qui veut interdire les manifs



« Nos députés ne pourront avoir aucun droit qu'ils ne tiennent de nous, ne devront jamais s'en arroger de leur propre autorité… Ils ne pourront jamais s'écarter de la lettre de leurs mandats… ; Ils ne pourront pas se substituer leurs volontés individuelles à celle de leurs commettants. Ils seront tenus de rendre à ces derniers, par une correspondance suivie, un compte journalier des opérations de l'assemblée législative. Lorsqu'ils se trouveront dépourvus de pouvoirs suffisants… Sur certains objets, ils pourront en solliciter de leurs commettants et ne pourront voter que conformément aux instructions données par ceux-ci ». Gracchus Babeuf. (1)

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Michel Cialdella, 6, rue Joseph Bertoin - 38600  Fontaine

Fontaine, le 19 juin 2016

 

Monsieur Manuel Valls, premier ministre
Hôtel Matignon
57 rue de Varenne - 75700 Paris SP 07
http://www.gouvernement.fr/contact/ecrire-au-premier-ministre

Monsieur le Ministre.

Il y en a assez de vos attaques contre ceux qui souffrent et qui luttent pour le progrès social. Assez de vous entendre insulter la CGT. En envisageant d'interdire les manifestations, vous n'êtes pas seulement hors-la-Constitution, mais vous vous trompez d'époque et de pays. Vous ne respectez pas le Peuple de France, qui pourtant vous a accueilli à votre arrivée d'Espagne. Sa classe ouvrière combative a su, dans les périodes sombres, Résister aux agresseurs, et n'est pas impressionnée par vos coups de menton. Le préambule  de 1946 annexé à l'actuelle  Constitution énonce que tout travailleur participe, par l'intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu'à la gestion des entreprises. Ce qui vous interdit d'imposer cette loi scélérate. Après cela vous invoquerez l'Etat de droit.
Le vrai gouvernement du pays n'est pas celui qui nous propose de telles lois... Le vrai gouvernement de la France ... non, ce n'est pas, ce ne sera jamais celui qui va en arrière ! Messieurs, il y a un abîme, en effet ; seulement, il n'est pas devant vous, il est derrière vous. Vous n'y marchez pas vous y reculez...disait très justement Victor Hugo
(2). Il est grand temps que l'ont vous rappelle que les ministres ne sont pas des chefs, mais des serviteurs. Pas des serviteurs du Medef, mais du Peuple.

Il est nécessaire que les citoyens, le monde du travail se réapproprient l'histoire, non pour adopter une démarche passéiste et régressive, mais pour se dire que dans un pays dont la richesse a décuplé, on peut se poser la question de la manière moderne de construire des politiques sociales avec de grandes ambitions collectives, en terme de services publics, de protection sociale. Le programme du CNR nous montre aussi que l'on peut rassembler des forces sociales, économiques et politiques sur de tels projets. (3)

Mon père a adhéré à la CGT en 1943 dans la clandestinité, pendant que la bourgeoisie se vautrait massivement dans la collaboration avec les nazis. Cette bourgeoisie qui en 1936 criait "Plutôt Hitler que le Front Populaire". Aujourd'hui leurs descendants planquent, dans les paradis fiscaux, de l'argent, qu'ils nous ont volé !  En 1941, François Mauriac reconnaissait que seule la classe ouvrière dans sa masse était restée fidèle à la France profanée. Aujourd'hui vous réprimez leurs descendants en cassant leurs conquêtes et en les faisant charger par la police, dont la mission est pourtant de les protéger.
Et vous, qui, dans votre parti avez Cahuzac et ses comptes en Suisse, Thévenoud et sa phobie administrative,  Macron qui a sous-évalué une partie de son patrimoine (200 000 €) et qui est toujours ministre, vous voudriez faire payer par la CGT des dégâts qui relèvent de votre responsabilité ! Vous n'êtes donc pas qualifié pour donner des leçons. Si les casseurs étaient les payeurs, combien devriez-vous débourser pour la casse du Code du travail ?

L'économiste anglais Keynes voulait euthanasier les rentiers, vous, vous les perfusez ! Votre politique, après celle conduite par le gouvernement Sarkozy, nous conduit au Triomphe de la cupidité, pourrait dire ce bolchevik de Joseph Stiglitz. (4). Dans Le prix de l'inégalité, il rappelle que l'incapacité du marché à créer des emplois est le pire échec du marché et la plus grande source d'inefficacité. (5). Il serait temps d'en tirer quelques enseignements.

Sur France info, le 5 mai 2016, le secrétaire général du syndicat de policier majoritaire Alliance, Jean-Claude Delage, s'est interrogé sur les consignes reçues par les policiers pendant les manifestations. Il s'interroge notamment sur la passivité imposée aux forces de l'ordre lorsque des casseurs sont en action......et qu’ils doivent attendre une heure en face d’eux pour intervenir (…) on se demande bien pourquoi ?

Pour Alliance, la stratégie de laissez-faire du gouvernement n'a qu'un objectif, jeter le discrédit sur l'ensemble de la mobilisation contre la Loi Travail. Et ça n'est pas moi qui le dit !

Une violence ne semble pas vous émouvoir c'est celle engendrée par les conditions de travail qui, chaque année tuent 1081 personnes (558 par accident et 523 par Maladies Professionnelles) sans parler des suicides....

Dans la mémoire collective de la classe ouvrière, il est inscrit que c'est le socialiste Jules Moch qui a inventé les CRS pour matraquer les ouvriers qui osent s'affranchir des règles que le capital prétend leur imposer . Vous en êtes le "digne" successeur.

Cela fait beaucoup de raisons qui font que vous n'avez aucune légitimité pour faire de telles « réformes ». j'en ajouterais une autre : la représentativité. Vous voulez faire une réforme qui va toucher essentiellement des ouvriers et employés, or ils ne représentent que 3 % des élus à l'Assemblée nationale dans laquelle vous n'obtenez déjà pas de majorité. Imaginez avec une assemblée vraiment représentative du peuple de France. Cela suppose non seulement une élection à la proportionnelle intégrale, mais en plus par collège électoral. Ainsi, les ouvriers et les employés qui représentent le groupe le plus nombreux éliraient des ouvriers et employés.  Ainsi, pour toute les catégories  (employés, artisans, employeurs… Etc.). Là on peut commencer à parler de démocratie représentative.

J'ai 75 ans mais je lutterai jusqu'à mon dernier souffle pour que mes enfants et petits enfants ne subissent pas les reculs de civilisation que vous envisagez.

Michel CIALDELLA
militant CGT

 

 

1 - Gracchus Babeuf, Victor Daline, Editions du Progrès

2 - Victor Hugo - discours sur la liberté de la presse le 27 février 1880

3 - Serge Wolikow, historien - L'Humanité Samedi, 13 Mars, 2004.

4 - Le Triomphe de la cupidité. Joseph Stiglitz - prix Nobel d'économie - les liens qui libèrent - 2010.

5 - Le prix de l'inégalité - Joseph Stiglitz - les liens qui libèrent - 2012