mardi 19 mai 2009

Il y a dix ans

Il y a dix ans, je proposais à mon syndicat (Ferc-sup CGT de Grenoble 1) le texte ci-dessous pour un tract qui fut distribué sur le campus de St Martin d’Hères. Etonnant non ? Pas tellement finalement ! Le plus triste c’est que c’est toujours aux mêmes « experts » qui ne voient jamais rien arriver que l’on demande conseil ! Quel est le prochain « expert » qui nous proposera de nouveau de jouer nos retraites en bourse ? Gageons que le capitalisme a encore quelques Madoff en réserve. Au salariés de se souvenir et de défendre ce salaire socialisé qu’est la retraite dite « par répartition ». Et tous en cœur : « VIVE LA SECU » !

Michel Cialdella

Les fonds de pension : " L'arnaque ! "

Quatre cent quarante quatre ans après Nostradamus, les prophètes de la pensée unique et libérale affirment, sans démontrer : " On ne pourra plus payer les retraites en 2040 ! "
Michel Rocard, initiateur du livre blanc sur les retraites écrivait lui-même dans la préface : " Quel sens y a-t-il à faire des prévisions à si longue échéance ? "
En effet aucun des économistes bien en cour n'a prévu le moindre choc monétaire. Pire, l'incontournable Alain Minc qui fut, entre autre, conseiller de Balladur, fustigeait, dans un article paru dans " l'Expansion " d'avril 1987, ceux qui s'inquiétaient de la financiarisation de l'économie :
" N’oublie-t-on pas les mécanismes de stabilisation qui se sont mis en place ?...le rôle régulateur des Etats ?...la sophistication des techniques de marché qui permettent, grâce à des programmes informatiques préenregistrés, d'endiguer les paniques boursières ? " " à guerre improbable, réduction de la sphère financière impossible "
Le 19 octobre 1987 ce fut le Krach ! Le Dow Jones perdit 22,6% en une journée.
Cela donne une idée de la fiabilité de cette école. S'ils sont incapables de prévoir à 6 mois, comment le peuvent-ils à 40 ans ?
Le choc démographique est le prétexte avancé par les ultra-libéraux, pour qui tous les systèmes de protection sociale sont devenus des obstacles à la mondialisation financière.
Les promoteurs des fonds de pension mettent en avant le rapport actifs / retraités qui en s'abaissant à 1,7 en 2040 (2,9 en 1995) serait la cause de tous nos maux.
Ils écartent la plupart du temps le chômage qu'ils sous-estiment à 3 millions malgré qu'un rapport gouvernemental le situe à 6,9 millions. Comment parler encore de " grands équilibres " avec un tel chômage ? N'est-ce pas par là qu'il faut commencer ?
Surtout que le chômage provoque un manque à gagner pour les comptes sociaux de plus de 390 milliards de francs.
Pour leurs calculs ils retiennent l'hypothèse d'un taux de chômage à 9% en 2040 ! Renonçant ainsi 40 ans à l'avance à s'y attaquer !
Ils font également l'impasse sur la productivité.
Pourtant celle-ci augmente régulièrement. Si la productivité horaire de chaque salarié continue d'ici là, à croître au rythme moyen constaté sur la période 1992-1994, soit 2% par an, elle aura, à cette date, été multipliée par 2,4. Et ce à durée de travail égale. Autrement dit, en 2040, la production de 1,7 salariés sera égale à celle de 4 salariés de 1995 : elle pourra donc financer davantage de retraités.
L'objectif de la capitalisation serait de stimuler la croissance économique par un apport de capitaux frais en direction des entreprises. Mais contrairement à ce que l'on voudrait faire croire, ce n'est nullement le manque d'épargne qui freine la croissance des entreprises françaises, leur capacité d'autofinancement s'élève à 115% de leurs besoins ! Le vrai problème c'est qu'elles en profitent pour développer leur capital financier au détriment de l'emploi.
Même pour Denis KESSLER vice-président du MEDEF (ex-CNPF) pourtant un des promoteurs de la capitalisation, " les fonds de pension ne peuvent plus être une solution compte tenu des médiocres perspectives boursières pour les prochaines décennies " Le Monde du 26 février 1999.
L'exemple américain nous renseigne utilement sur l'efficacité de la capitalisation. Un dollar investi par un salarié en 1968 dans son fonds de pension ne valait plus que 96 cents, quinze ans plus tard en pouvoir d'achat de 1968. Aux Etats Unis et en Grande Bretagne, le capital financier est parvenu à faire en sorte que d'anciens salariés dépendent, pour le niveau de leurs retraites, de la férocité avec laquelle sont exploités leurs camarades en activité.
Les moyens financiers
La crise, rétorquent certains, limite les capacités de financement. Certes, l'augmentation annuelle de la masse salariale n'est plus, depuis 1986, que de 1%, contre 5% pendant les " trente glorieuses ". II faut cependant rappeler ici que quelle que soit l'assiette d'un prélèvement, c'est toujours, en dernier ressort, le produit national qui détermine les limites de l'économie. Certes, la part des prestations liées au vieillissement et à l'augmentation des pensions est passée de 10,5% du Produit Intérieur Brut (PIB) en 1981 à 12% en 1995. Toutefois, si ce dernier continue à s'accroître au rythme annuel - modéré - de 2,1% constaté en 1997, il aura doublé en 2030. Tout comme le nombre des plus de 60 ans, qui sera passé de 9,3 à 18,8 millions. Il n'y a donc pas d'épuisement des capacités du système
La sécurité
Dans la capitalisation, non seulement il faudra que ne survienne pas de krach financier, mais les risque de fraude sont grands et le cas Maxwell, magnat de la presse britannique, qui puisa dans les caisses de retraites des sociétés de son groupe, 740 millions de livres, spoliant quelques 32000 retraités illustre ce risque.
Et puis les retraites par capitalisation ont existé en France (en 1910) et l'inflation a ruiné les retraités de l'époque.
La décision de créer en France des fonds de pension par capitalisation a-t-elle vraiment pour objectif de préserver le système de retraite ? Ne s'agit-il pas plutôt d'étendre la zone d'influence financière ? Poser la question c'est déjà y répondre.
Mis en échec sous Juppé les fonds de pension reviennent sous Jospin, ils ne sont pour autant pas devenus vertueux, n'en déplaise à DSK.
Cette campagne médiatique contre les retraites a au moins un intérêt, c'est de révéler au grand jour, pour ceux qui en doutaient encore, la nature du capitalisme d'aujourd'hui. Ce fantastique progrès de l'évolution que représente l'allongement continue de la durée de vie des humains est une CATASTROPHE pour eux ! Les partisans de ce système qui ont une calculette à la place du cœur examinent cette situation à l'aune de la rentabilité financière immédiate.
Nous sommes prévenus
Les premiers éléments d'information provenant du "énième" rapport sur les retraites ne sont pas pour nous rassurer. La durée de cotisation pour bénéficier de la pension à taux plein passerait de 160 à 170 trimestres soit 42,5 annuités pour le privé comme pour les fonctionnaires !
Tout dépend de nous, il faut impérativement se mobiliser pour mettre en échec ce coup porté à la protection sociale.
Grenoble, le 27 février 1999
A suivre
Sources : les articles de René Passet et François Chesnais ( dans Le Monde diplomatique de mars 1997, avril 1997, février 1998) et Jacques Nikonnof ( dans l'Humanité avril 1997, mars 1998, février 1999.) « Demain les retraites, Un contrat entre les générations » 1991, préface de Michel Rocard.

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