jeudi 24 décembre 2009

Déclaration au Conseil de la CPAM de Grenoble du 22 décembre 2009

Le 22 décembre c'était le dernier conseil de la mandature. Pour moi c'était le dernier conseil ,"tout court". En 18 ans de mandat je n'ai assisté qu'à des reculs de la démocratie et leur corolaire l'affaiblissement de la protection sociale, au mépris de l'oeuvre des fondateurs de la Sécurité sociale : Le Conseil National de la Résistance en passant par Ambroise Croizat et Pierre Laroque. Cela avec parfois la complicité de certaines organisations syndicales et organisation mutualistes (cela fera l'objet d'un prochain article). En tant que conseillers CGT j'ai fait la déclaration suivante:

J’étais absent lors du Conseil du 24 septembre dernier. La lecture du Procès verbal m’apprend qu’un débat s’est instauré au sujet des « visites en entreprises » commandées par la CNAMTS en matière d’arrêt de travail. Je cite « La CNAMTS est partie du constat que l’assurance maladie et le monde de l’entreprise, ont une préoccupation commune qui est l’absentéisme au travail (maladie et accident du travail) » avec bien entendu pour l’entreprise, des pertes économiques, des difficultés de gestion et d’organisation, et pour l’assurance maladie, des dépenses importantes et également des problèmes de désinsertion professionnelle des assurés » (1). Je constate que la santé des salariés n’est pas une préoccupation de l’entreprise ni, et c’est plus grave, de la CNAMTS.
Je veux rappeler ici que « le monde de l’entreprise » c’est tous ceux qui y travaillent cela ne se limite pas aux employeurs. C’est d’autant plus choquant de la part d’une institution qui se nome Caisse Nationale d’Assurance Maladies des Travailleurs Salariés.
Si l’on en croit le dictionnaire l’absentéisme c’est : l’« habitude de s’absenter ». Comme si les victimes d’accidents du travail ou de maladies professionnelles s’absentaient par habitude. Quel mépris pour les salariés ! Comme sont choquant les propos sur l’accident du travail qui doit-être « quelque chose qui fait que le salarié est handicapé… » (1). Nous n’avons pas à trier entre les différents accidents mais à éviter qu’ils se produisent ! Il est particulièrement indécent de penser que les salariés s’arrêtent pour un simple bobo ! Surtout qu’en réalité nombreux sont les travailleurs qui ne s’arrêtent pas de peur de perdre leur emploi.
L’Assurance maladie serait au service de l’employeur ? Je mets au défi quiconque de me citer un article du code de la Sécurité sociale le confirmant. Elle est au service des assurés sociaux. Sinon c’est un détournement de ses missions. C’est également oublier que les exonérations consenties sans contrepartie au patronat privent la Sécurité sociale de milliards d’euros (30 en 2008). Depuis quelques années les salariés sont devenus les principaux financeurs. Ce qui met hors de propos les jérémiades du patronat sur ce qu’il appelle abusivement des charges sociales.
En 1946 Pierre Laroque un des fondateurs de la Sécurité sociale écrivait « Nous voulons que demain les travailleurs considèrent que les institutions de Sécurité sociale sont des institutions à eux, gérées par eux et où ils sont chez eux ». Aujourd’hui la CNAMTS se met clairement au service du patronat. Et d’ailleurs c’est acté par l’un d’entre-eux qui a compris que : « pour l’employeur, l’aide du service administratif lui était acquise, mais qu’en est-il du service médical ? » (1). Parce qu’en plus il veut également le service médical à sa botte…
En France, chaque année 300 à 400 suicides sont liés au travail. Chacun ici a en mémoire les 26 suicides de France Telecom. Il aurait sans doute mieux valu qu’il soit en arrêt de travail. Les Troubles Muculo-Squelettique sont la première cause de maladie professionnelle provoquée par les cadences et le stress. Les cancers dus à l’amiante font des milliers de morts chaque année. Il y a un sous reconnaissance des maladies professionnelles qui sont un drame pour les victimes et leur famille. Le stress, premier risque psychosocial dont le coût est estimé entre 800 et 1600 millions € (2). Les inégalités sociales et la précarité sont facteurs d’aggravation de la santé. Cela n’est pas par hasard qu’à 35 ans un ouvrier a 9 ans de moins à vivre en moyenne qu’un cadre supérieur (3).
Soixante dix pour cent des ouvriers sont en contact permanent avec des produits toxiques.
Le code de la sécurité sociale fait obligation à l’employeur de déclarer à la CPAM les produits et procédés conduisant à maladie professionnelle (4). Mais les employeurs qui ne font pas cette déclaration ne sont jamais sanctionnés pour cette infraction la stratégie des industriels et des employeurs et d’éviter la constitution d’une mémoire des expositions, qui risqueraient un jour de les obliger à assumer le coût des maladies professionnelles reconnues (5). Que fait l’assurance-maladie pour que cela change ?
Il y a en France, chaque année 20 000 décès attribuables à des facteurs professionnels dont le coût représente entre 2,6 % et 3,8 % du PIB (6), soit entre 50 et 74 milliards d’euros pour l’année 2008. Du fait de la sous-estimation des risques professionnels l’assurance-maladie prend en charge des coûts qui normalement devraient être assumés par la branche accidents du travail et maladies professionnelles. Ce transfert est estimé par la CGT à 15 milliards d’euros par an.
L’assurance maladie serait dans son rôle si elle s’intéressait à ces questions ainsi qu’aux conditions de travail. Elle éviterait de façon efficace des dépenses. Il y a mieux à faire que d’aller dans les entreprises pour « traquer » la victime qui est considérée comme potentiellement fraudeuse.
Et puis il faut savoir de quoi l’on parle. Les dépenses d’indemnités journalières représentent 10% des dépenses de l’assurance maladie. Ce qui est considéré comme abus (encore faudrait-il définir ce qu’est un abus) c’est 4 à 6%. Autrement dit 6% de 10% soit 0,6% de la totalité des dépenses…
Les problèmes de financement de la sécurité sociale sont d’une tout autre dimension !
Michel Cialdella






Rappel
« Si l'on va au fond des choses, il n'y a pas de différence profonde entre la contribution de l'employeur et la contribution du bénéficiaire. En effet, la contribution de l'employeur est, en réalité, la contribution de l'entreprise. Et toute l'évolution économique et sociale d'aujourd'hui tend à associer les travailleurs à la gestion des entreprises et par là même doit les conduire à considérer que les deniers de l'entreprise sont en même temps les leurs, et que ce qui est versé par l'entreprise est versé par eux, ce qui est d'ailleurs, dans une certaine mesure, la vérité. Nous entendons ainsi réaliser le plan de Sécurité sociale sans rien demander au budget en demandant tout à l'effort des intéressés et des entreprises. » Pierre Laroque 1946

(1) PV du Conseil de la CPAM de Grenoble du 24 septembre 2009.
(2) Rapport sur la détermination, la mesure et le suivi des risques psychosociaux au travail, remis au Ministre du travail, le 12 mars 2008.
(3)- Inégalités et santé » Didier Fassin La Documentation française – mai 2009.
(4)- article L. 461-4. Cité par Annie Thébaud-Mony « Travailler peut nuire gravement à votre santé » -– La Découverte – 2007.
(5)- « Travailler peut nuire gravement à votre santé »
(6)- le Défi des épidémies modernes » André Cicolella – La Découverte – 2007.