lundi 8 juin 2009

Lettre ouverte à ceux qui dénigrent le syndicalisme

Souvent sincères, parfois malintentionnés, mais toujours désinformés.
Il y aura 40 ans cette année, j'adhérais à la CGT dans une PME de la métallurgie aujourd'hui disparue. En 1963, j'ai exercé mon premier mandat de délégué syndical comme délégué du personnel.
Depuis, les années se sont écoulées, parfois avec des responsabilités et parfois comme "simple" syndiqué, mais toujours à la CGT.
Aujourd'hui, à 2 ans de la retraite, il m'arrive de réfléchir à mon parcours mais aussi au syndicalisme en général et à la CGT en particulier. En quarante ans de militantisme je pense avoir beaucoup appris mais je n'ai toujours pas compris pourquoi il existe parmi les salariés une allergie, voire de la haine envers " les syndicats ".
Je comprends que l'on ait des désaccords, ils sont même nécessaires car ils présentent l'avantage de faire progresser la réflexion. Il faut tout de même savoir avec quoi l'on n'est pas d'accord. Et en dernière analyse ne pas se tromper d'adversaire.
Faut-il attendre d'être d'accord sur tout pour agir ensemble ?
Un jour, lors d'une tournée dans une UFR, une personne me dit sur un ton amical : « J'apprécie ce que vous ( la CGT ) faites, mais je ne peux pas adhérer car nous ne sommes pas du même bord. » Surpris je réponds : « Sans doute, pour vivre avez-vous besoin d'un salaire décent, d'une protection sociale performante, d'un déroulement de carrière, de conditions de travail correctes, d'être respecté ? ». Après sa réponse positive j'ajoute : « Moi aussi ! »
Cette anecdote illustre une première incompréhension : le syndicalisme doit rassembler les salariés sur une base revendicative et non pas idéologique. C'est en tout cas ce à quoi s'emploie la CGT.
La CGT
La CGT est née, il y a plus d'un siècle (en 1895), du rassemblement des organisations qui s'étaient créées à la base. C'est d'ailleurs la seule organisation syndicale dans ce cas.
La CGT est l'héritière du mouvement ouvrier français.
Le syndicalisme est historiquement récent, songeons que jusqu'à la loi de 1864 la grève était un délit et que c'est seulement en 1884 que la loi reconnaît l'organisation syndicale (1924 pour les fonctionnaires), et seulement en 1968 (suite aux grandes grèves) qu'est reconnue l'organisation syndicale à l'entreprise !
Le syndicalisme est une conquête acquise dans le capitalisme naissant (comme force dominante) contre la volonté et les intérêts du patronat et du pouvoir politique. Notons également que, jusqu'à la révolution de 1848, les ouvriers sont privés de tous droits politiques en raison d'un régime électoral qui ne donne qu'aux riches la qualité de citoyens.
Comme toutes les conquêtes, il faut le préserver, l'améliorer et conquérir des droits nouveaux.

L'INDEPENDANCE
L'indépendance du syndicalisme semble être une spécificité française.
En effet, on connaît le lien qu'il y avait, dans l'ancien bloc soviétique, entre le parti communiste et le syndicat. On parle moins du lien organique et financier qu'il y a, par exemple, entre les partis sociaux démocrates et les syndicats allemands et Anglais.
En France, les syndicats ont leurs propres structures et centres de décisions.
Cependant, les tentatives d'ingérence des forces politiques et patronales n'ont pas manqué.
Quelques exemples.
De tous temps, les forces hostiles au fait que les salariés prennent leur destin en main (mais pas seulement elles) ont, devant leur impuissance à briser les organisations, tenté de les " maîtriser ".
En 1921, la CGTU demande son adhésion à l'Internationale Syndicale Rouge (ISR). Une exigence : la subordination du syndicat au parti. Refus de la CGTU et l'obstacle est levé sur l'instance de Lénine.
En 1938, renversement d'alliance, changement de majorité, c'en est fini du front populaire. Les communistes sont exclus de la CGT.
Le 9 novembre 1940, le régime de Vichy dissout la CGT et la CFTC.
Plus près de nous, en décembre 1947, la tendance Force Ouvrière organise une scission dans la CGT avec l'aide de la CIA, ce que ne conteste plus depuis longtemps Bergeron lui-même. La SFIO intime l'ordre à ses adhérents de quitter la CGT, excluant ceux qui refusent. Nombreux sont ceux qui ont choisi de rester à la CGT.
Oui mais, diront nos détracteurs, les communistes adhèrent plus volontiers à la CGT. C'est évidemment une façon de présenter les choses. Il y en a une autre, est-ce qu'un communiste peut accéder à des responsabilités à FO, à la CFDT, à la FEN, à la CFTC, à la CGC ? Poser la question c'est déjà y répondre ! Partant de là, on peut dire que la CGT, en témoigne la réalité, est l'organisation de salariés qui regroupe tous les courants de pensée. Au nom de quelle loi les communistes seraient-ils empêchés d'accéder à des responsabilités syndicales ?
Cependant personne ne niera qu'il existe des convergences entre le parti communiste et la CGT. A cela une raison simple : la CGT dans ses analyses, pour ses propres prises de position, intègre le fait qu'existent des intérêts opposés entre les salariés et les capitalistes et que satisfaire les revendications des salariés, c'est forcément prendre sur les privilèges capitalistes.
Cela s'appelle la lutte des classes dont la réalité objective est indépendante de la perception que l'on en a. C'est cela et rien d'autre.
Néanmoins, au niveau du bureau confédéral, nous veillons à ce que les communistes ne soit jamais plus de la moitié des membres.
On ne peut pas en dire autant de la CFDT où au même niveau de responsabilité, tous sont membres du Parti Socialiste ! Cela ne fait d'ailleurs l'objet d'aucune campagne.
Il n'y a d'ailleurs pas que les ingérences politiques. Le patronat a de tous temps tenté de contrôler (l’expression est faible) les ou un syndicat. Pendant un temps, il a privilégié Force Ouvrière, allant jusqu'à favoriser ou organiser son implantation lorsque la CGT s'organisait dans une entreprise.
Le patronat, utilisant des nervis, a même créé son propre syndicat de salariés, la CFT qui, suite à des actions criminelles, a dû changer de nom et s'appeler la CSL.
Aujourd'hui, le CNPF a des relations privilégiées avec les dirigeants confédéraux de la CFDT.
Cela se traduit notamment par le soutien de la CFDT (et de la FEN) au plan Juppé. Pourtant, en 1974, ces deux organisations luttaient à nos côtés contre le projet de loi Berger qui a dû être retiré. Ce projet de loi avait exactement le même contenu que le plan Juppé. Comment expliquer que l'on soutienne aujourd'hui ce que l'on combattait en 1974 ?
Cela se traduit par des présidences CFDT à l'UNEDIC et à la Caisse Nationale d'Assurance Maladie. Dans les Caisses Primaires, le CNPF s'est mis d'accord avec les syndicats autres que CGT pour se partager les présidences et vice-présidences.
En 1970, en pleine période d'unité d'action avec la CGT, la CFDT se prononçait pour la lutte des classes. Mais en mai 1979, le congrès de la CFDT adoptait le " recentrage "...
Entre 1981 et 1984 le ministre de la fonction publique, Anicet Le Pors était communiste. Seule la CGT n'a pas signé d'accords salariaux. Etonnant ? Non : l'intérêt des salariés de la fonction publique l'exigeait.
Il y aurait beaucoup à dire sur l'indépendance des uns et des autres. La seule garantie c'est les syndiqués et le fonctionnement démocratique. Ce sont les cotisations syndicales qui, assurant l'indépendance financière assurent la liberté de décision.

AUJOURD 'HUI
Le syndicalisme est affaibli du fait de la désaffection des salariés et tous, syndiqués ou non, en font les frais. Certes les syndicats et donc la CGT portent une responsabilité mais pas toute la responsabilité. Il n'est pas inutile de rappeler que les plus grandes conquêtes ont été réalisées lorsque la CGT comptait ses adhérents par millions. Ce fut la Sécu, les comités d'entreprise...
Aujourd'hui avec 650 000 adhérents et bien que les élections prud'homales l'aient confirmée comme première organisation syndicale de France, c'est insuffisant pour faire face à nos responsabilités.
La CGT conserve cependant une grande capacité de mobilisation. En témoigne décembre 1995 où malgré le soutien au plan Juppé de la CFDT et FEN, 2 millions de personnes sont descendues dans la rue et le rôle de la CGT fut déterminant. Imaginons avec une CGT plus influente ce que l'on pourrait obtenir !
Je suis conscient que ce texte mériterait de plus long développement mais s'il contribue de façon positive au débat nécessaire sur la syndicalisation, j'aurais atteint mon but.
La balle est dans le camp des non-syndiqués.
De votre engagement ou de votre passivité dépendra la réponse à vos revendications.

A Saint Martin d'Hères, le 16 juin 1998
Michel CIALDELLA Militant de la CGT

" Ceux qui vont de l'avant ne sont pas ceux qui, tous les matins, prétendent réinventer le syndicalisme de A à Z mais ceux qui font fructifier l'héritage en le prolongeant."

Henri Krasuki

Anecdotes révélatrices :
Ce vendredi 18 septembre 1998, je rencontre une personne qui un instant avait souhaité adhérer à la CGT sans concrétiser. Je me retrouvais beaucoup dans sa capacité d'indignation. Aussi je suis surpris, alors que je lui rappelle l'importance du vote CGT aux élections du CAESUG, de sa réponse : " je m'en fou ! je ne m'intéresse plus à rien ! " Je cherche à comprendre et constate que son écoeurement est dû au fait que sa qualification n'est pas reconnue (comme beaucoup d’autre) " Tu comprends, me dit-il, j'ai beaucoup travaillé, j'ai cru que cela suffirait "
Et bien, non, cela ne suffit pas. A sa façon il illustre la supériorité de l'action collective sur le combat en solitaire. Bien sûr qu'il faut travailler, mais oublier la lutte pour faire aboutir les revendications quelle qu'elles soient, conduit à l'impasse. L'individualisme peut parfois donner l'illusion mais les acquis essentiels sont toujours des acquis collectifs et la CGT y joue toujours un rôle proportionnel à son influence.
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Il m'arrive aussi parfois d'entendre des réflexions du genre : " Je ne vote pas pour la CGT parce que Untel ou Unetelle ne me plait pas...a un comportement trop ceci ou trop cela..."
D'expérience, c'est souvent un prétexte qui évite surtout d'argumenter sur le fond. C'est refuser de considérer l'organisation, son action en tant que collectif. C'est aussi ne pas prendre en compte ceux (ils sont les plus nombreux) des militants dévoués qui font cette organisation. Et puis les adversaires des salariés ne s'y trompent pas, ils nous combattent en tant qu'organisation, sans trier parmi les militants !
Vendredi 24 janvier 2003
Je suis maintenant à la retraite depuis 2 ans. Mon regard sur le syndicalisme n’a pas changé il y a toujours et même plus que jamais nécessité pour les salariés à se regrouper dans les organisations syndicales confédérées.
Les attaques contre les acquis sociaux comme les retraites se précisent et nécessite l’unité de tous les salariés. A cet égard, la création de syndicats supplémentaires (FSU, SUD…) contribue plus à la division qu’au rassemblement. Les patrons (qui sont massivement syndiqués) l’ont bien compris car avec le MEDEF ils organisent la défense pour le maintien de leurs privilèges en exerçant un contrôle sur les syndicats de patrons de PME (CGPME) et même des artisans (UPA).

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