jeudi 1 octobre 2015

La retraite à 60 ans est compatible avec les 35 heures et moins...


Le 18 février 2000, à l'université de Grenoble, au cours d'un colloque sur les retraites, Bernard Friot proposait une analyse qui a gardé toute sa valeur et argumente contre la suppression des 35 heures et proposait les 25 heures à l'horizon 2040.

 Macron et Gattaz lisez bien ce qui suit :


Analyse de Bernard FRIOT sur les retraites

Premièrement lorsque l’on dit qu’aucune génération n’épargne pour sa propre retraite, à supposer que l’on épargne au lieu de cotiser. En 2040, prenons l’horizon Charpin, des jeunes démarrent. Leur retraite sera exclusivement financée avec de la richesse créée en 2040. Parce que l’on ne peut pas puiser des revenus au congélateur. En 2040 on ne pourra consommer que ce que l’on produit en 2040. On ne peut pas mettre des voyages et des coupes de cheveux au congélateur. S’il n’y a pas d’actifs en 2040 les riches épargnants mourront la bouche ouverte. Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que la rente même de ces rentiers sera forcément produite en 2040. On ne peut pas tirer du revenu d’années antérieures.

Exemple :

L’alternative dans laquelle se trouve un retraité qui a des titres financiers à convertir en rentes en 2040. Il a deux possibilités :

soit il vend ses titres

soit il les place.

S’il les vend, et à supposer que le besoin de rente soit de 2000 milliards, il va falloir qu’il trouve des acheteurs à la hauteur de 2000 milliards de francs. Sinon les titres vont s’effondrer, il aura ses titres mais il sera pauvre. Qui seront ses acheteurs ? Et bien les actifs de 2040 qui achèteront des titres pour leur propre retraite. Encore faut-il qu’ils aient ces 2000 milliards de francs. S’ils ne les ont pas, ils ne pourront pas acheter les titres. Mais s’ils ont les 2000 milliards de francs pour acheter les titres alors ils ont aussi les 2000 milliards de francs pour payer les cotisations sociales.

Si l’on n’a pas les 2000 milliards par le salaire on ne les aura pas non plus par la rente.

Deuxième possibilité : il place ses titres. Là, il va toucher sa rente par le procédé traditionnel, c’est-à-dire la ponction sur la valeur créée dans les entreprises du portefeuille. Si ces salariés peuvent créer de la valeur dont on ponctionne 2000 milliards pour la rente, ils peuvent aussi payer des cotisations sociales.

 

Ces 900 milliards qui manquent c’est quoi ?

Nous avons aujourd’hui en France un PIB de 9000 milliards. La part des salaires dans le PIB était dans le milieu des années 80 autour de 70%. Elle est aujourd’hui de 60%, pas à cause du chômage, parce qu’il y a plus d’emplois aujourd’hui qu’en 1985. C’est parce que les gains de productivité du travail ( 2% par an ) ne sont pas retournés aux salariés sous forme de cotisations patronales supplémentaires ou sous forme de salaire direct supplémentaire.

A la fin des années 1970, nous avions un PIB qui était de 5500 milliards, c’était pour 70% du salaire ( salaire direct et cotisations sociales ), environ 3800 milliards de francs et pour 30% des profits soit environ 1600 milliards. Aujourd’hui nous en sommes à 5000 milliards de salaires  ( 3000 sous forme de salaires directs et 2000 sous forme de cotisations sociales ) et 3000 milliards de profits (en francs constants). Les salaires ont augmenté de 25%, notre pouvoir d’achat global a augmenté de 25%. Pendant ce temps là la richesse nationale a augmenté de 50% ( de 5500 à 8000 milliards ). Lorsque nous avons une augmentation de la productivité de 2% par an, nous avons une augmentation de 50% en 20 ans. Notre pouvoir d’achat global ( retraité et actif ) n’a augmenté que de 25% alors que le PIB augmentait de 50% grâce au travail. Pendant ce temps-là, le profit a presque doublé, il est passé de 1600 milliards à 3000 milliards. Tout le problème est effectivement : est-ce que nous sommes capables de rétablir la part des salaires dans la valeur ajoutée ? Si nous étions encore à 70% nous serions à 5800 milliards. Et avec 900 milliards de plus nous ne nous poserions aucun des faux problèmes que nous nous posons sur les retraites.

La retraite n’est pas un problème, les retraités d’ailleurs ne vivent pas cela comme un problème. C’est plutôt un bonheur, la retraite. C’est intéressant que le bonheur d’être à la retraite soit un problème pour la classe dirigeante ! Ce n’est pas inintéressant qu’en 50 ans nous ayons vaincu la pauvreté de masse des personnes âgées, au point que l’on ne parle plus des vieux. C’est une victoire sociale extraordinaire que la capacité dans laquelle on a été de vaincre la pauvreté de masse des personnes âgées. Et cela on l’a fait par le salaire.

Le rapport CHARPIN nous dit : « il nous faudra doubler le taux de cotisations retraite d’ici 2040 » mais on l’a multiplié par 5 depuis 1945, on n’en est pas mort ! On l’a multiplié par 5 en 55 ans et on ne pourrait pas le multiplier par 2 en 40 ans, Compte tenu des gains de productivité ?

Il faut tripler les dépenses de retraite d’ici 2040 dit le rapport CHARPIN. Les dépenses de retraite depuis 1960 ont été multipliées par 10 et nous n'en sommes pas morts ! Comment a-t-on pu augmenter massivement les cotisations et les dépenses de retraites ? En modifiant le rapport entre le salaire direct et la cotisation sociale. En 1945, pour 100 francs de salaire il y avait 85 francs de salaire direct et 15 francs de cotisations sociales. Evidemment avec ça on ne peut pas aller très loin dans la reconnaissance du temps de retraite. Aujourd’hui nous en sommes à 60 / 40. J’ai donné les chiffres : 3000 milliards de salaire direct et 2000 milliards de cotisations sociales. Ce qui vaut au niveau macro-économique vaut au niveau micro-économique. Pour un salaire de 12000 francs nets, il y a 8000 francs de cotisations sociales, 8000 sur 20.000 de salaire total : nous avons bien 40% de cotisations sociales. Mais il est clair que si les gains de productivité du travail nous reviennent (ils peuvent ne pas nous revenir si nous ne nous battons plus pour le salaire),

Sur les rapports entre actifs et inactifs, nous pouvons affecter 0,5% de ce gain de productivité pour maintenir la parité entre actifs et retraités. Les chiffres faramineux du rapport Charpin, ça se réduit en progrès annuel à + 0,5%. C’est tout. Nous pouvons affecter 1% à la baisse de la durée du travail et nous serions à 25 heures par semaine en 2040 et enfin nous pourrions affecter 0,5% à la hausse du pouvoir d’achat, c’est un choix politique. Ce que je veux faire ressortir c’est que nous pouvons avoir sur l’avenir un imaginaire qui n’a rien à voir avec l’imaginaire misérabiliste que l’on nous propose aujourd’hui.(applaudissements).

 

Grenoble, le 18 février 2000

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