Pierre Laroque n'est pas le père de la Sécu !
Comme l'écrit José Fort : "Il conviendrait de dire à l’actrice Michèle Laroque que la Sécurité Sociale n’est pas l’œuvre de son grand-père, Pierre Laroque". Il joua certes un rôle important et avait bien compris: « que le plan de Sécurité sociale ne tend pas uniquement à l'amélioration de la situation matérielle des travailleurs, mais surtout à la création d'un ordre social nouveau dans lequel les travailleurs aient leurs pleines responsabilités. C'est ce qui a amené à concevoir le plan de Sécurité sociale dans le cadre d'organisations uniques gérées par les intéressés et couvrant l'ensemble de la Sécurité sociale. » Pierre Laroque 1946. Cela n'autorise personne (même pas sa petite fille) à lui attribuer la paternité de notre Sécu.
Pas
plus qu'à De Gaulle qui n’a eu de cesse de la combattre chaque fois que le
rapport des forces le lui a permis. Dès 1948 dans son discours de Compiègne il
met l'accent sur la nécessité de réduire les dépenses sociales en ces termes : "
Réduire les dépenses de manière durable
et effective cela comporte, en effet, la suppression de services entiers, la
mise en ordre radicale des entreprises nationalisées, la réforme profonde du
fonctionnement des assurances sociales..." (1)
De
retour au pouvoir en mai 1958, il instaure par ordonnance du 30 décembre des
franchises applicables au 1er janvier 1959....Les luttes ont permis l'abrogation
en juillet..
Dans
l’entretien qu’il a accordé à la revue « Le Droit Ouvrier » en
octobre 1995, Pierre Laroque le confirme : « Le Général de Gaulle
ne m'a jamais parlé de Sécurité Sociale. » « Ce qui est
curieux, alors que la loi fondatrice de la Sécurité Sociale, l'ordonnance du 4
octobre 1945, était une des réformes essentielles de l'époque, c'est qu'elle ne
porte pas la signature du Général de Gaulle parce que, lorsqu'elle a été
publiée, le Général de Gaulle n'était pas en France. Il était en Russie ».
C'est dire si cela l'intéressait !
En ce 70e anniversaire, il faut rappeler le rôle important des militants
de la CGT dans cette création. D’abord Ambroise Croizat, secrétaire général de
la Fédération des métaux et dirigeant communiste qui assurera des centaines de réunions pour mettre en place le plan de
sécurité sociale et de prestations familiales, pour expliquer aux personnes
âgées le programme en cours concernant la retraite (2). Mais aussi Georges
Buisson et Henri Raynaud, l’un et l’autre secrétaire de la CGT. Nos historiens
du dimanche ignorent volontiers le rôle de Croizat, qui avant d’être ministre
fut président de la commission du Travail de l’Assemblée consultative.
À la fin de sa vie, Pierre Laroque a eu tendance à
tirer la couverture à lui. Les témoins de l'époque n'étant plus là.... Dans son
ouvrage de 1993 (3) il présente même une face de son personnage moins
progressiste en écrivant :
"C'est
ainsi que, conscient des conséquences probables du vieillissement de la
population française au cours des prochaines décennies, je conteste l'opportunité d'orienter, .. l'évolution de la législation sur les retraites dans le sens d'un
abaissement de l'âge d'ouverture du droit à pension". En clair, il se
prononce contre la retraite à 60 ans !
Ainsi
le prétendu "père" de la Sécurité sociale serait contre
l'amélioration de cette institution dont il ne faut jamais oublier qu'elle est
une conquête (4).
L'acharnement
des médiats bien intentionnés à vouloir faire croire que la Sécu est une
création consensuelle, vise à faire oublier qu'elle doit tout à la lutte et au
rapport de force.
1.
Traité de
Sécurité sociale. Yves Saint - Jours. LGDJ. 1984.
2.
Quand nous étions ministres. François Billoux. Éditions sociales. 1972.
3.
Au service de l'homme et du droit. Pierre Laroque. Édité par le comité d'histoire de
la sécurité sociale. 1993.
4.
La Sécurité sociale une conquête en danger. Michel Cialdella. 2014.
Il faut aussi rappeler le rapport des forces à
l'époque.
Le PCF réalisa 26,2% aux élections de la constituante le 21octobre
1945. Le scrutin départemental à la proportionnelle assure 159 sièges au
communistes.
Le 2 juin 1946 à la seconde assemblée constituante (après l'échec du premier projet
constitutionnel, le 5 mai 1946) le PCF réalise 25,9%, malgré un gain de 120
000 voix.
Le 10 novembre 1946
pour l'élection de la première assemblée nationale de la quatrième république le PCF obtiendra 28,6% des
suffrages exprimés (1).
La CGT revendique 6 millions d'adhérents au congrès de 1947.(2)
1 - L'archipel
communiste, une histoire électorale du PCF. Roger Martelli. Editions sociales.
.2008.
2 - La CGT de la
Libération à la scission de 1944 - 1947. Annie Lacroix - Riz. Editions sociales
- 1983.
Michel Cialdella
1 octobre 2015
1 octobre 2015
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