jeudi 1 octobre 2015

Puisqu'il faut le répéter !



Pierre Laroque n'est pas le père de la Sécu !


Comme l'écrit José Fort :
"Il conviendrait de dire à l’actrice Michèle Laroque que la Sécurité Sociale n’est pas l’œuvre de son grand-père, Pierre Laroque".  Il joua certes un rôle important et avait bien compris: « que le plan de Sécurité sociale ne tend pas uniquement à l'amélioration de la situation matérielle des travailleurs, mais surtout à la création d'un ordre social nouveau dans lequel les travailleurs aient leurs pleines responsabilités. C'est ce qui a amené à concevoir le plan de Sécurité sociale dans le cadre d'organisations uniques gérées par les intéressés et couvrant l'ensemble de la Sécu­rité sociale. » Pierre Laroque 1946. Cela n'autorise personne (même pas sa petite fille) à lui attribuer la paternité de notre Sécu.

Pas plus qu'à De Gaulle qui n’a eu de cesse de la combattre chaque fois que le rapport des forces le lui a permis. Dès 1948 dans son discours de Compiègne il met l'accent sur la nécessité de réduire les dépenses sociales en ces termes : " Réduire les dépenses de manière durable et effective cela comporte, en effet, la suppression de services entiers, la mise en ordre radicale des entreprises nationalisées, la réforme profonde du fonctionnement des assurances sociales..." (1)

De retour au pouvoir en mai 1958, il instaure par ordonnance du 30 décembre des franchises applicables au 1er janvier 1959....Les luttes ont permis l'abrogation en juillet..

Dans l’entretien qu’il a accordé à la revue « Le Droit Ouvrier » en octobre 1995, Pierre Laroque le confirme : « Le Général de Gaulle ne m'a jamais parlé de Sécurité Sociale. » « Ce qui est curieux, alors que la loi fondatrice de la Sécurité Sociale, l'ordonnance du 4 octobre 1945, était une des réformes essentielles de l'époque, c'est qu'elle ne porte pas la signature du Général de Gaulle parce que, lorsqu'elle a été publiée, le Général de Gaulle n'était pas en France. Il était en Russie ». C'est dire si cela l'intéressait !

En ce 70e anniversaire, il faut rappeler le rôle important des militants de la CGT dans cette création. D’abord Ambroise Croizat, secrétaire général de la Fédération des métaux et dirigeant communiste qui assurera des centaines de réunions pour mettre en place le plan de sécurité sociale et de prestations familiales, pour expliquer aux personnes âgées le programme en cours concernant la retraite (2). Mais aussi Georges Buisson et Henri Raynaud, l’un et l’autre secrétaire de la CGT. Nos historiens du dimanche ignorent volontiers le rôle de Croizat, qui avant d’être ministre fut président de la commission du Travail de l’Assemblée consultative.

À la fin de sa vie, Pierre Laroque a eu tendance à tirer la couverture à lui. Les témoins de l'époque n'étant plus là.... Dans son ouvrage de 1993 (3) il présente même une face de son personnage moins progressiste en écrivant :

"C'est ainsi que, conscient des conséquences probables du vieillissement de la population française au cours des prochaines décennies, je conteste l'opportunité d'orienter, .. l'évolution de la législation sur les retraites dans le sens d'un abaissement de l'âge d'ouverture du droit à pension". En clair, il se prononce contre la retraite à 60 ans !

Ainsi le prétendu "père" de la Sécurité sociale serait contre l'amélioration de cette institution dont il ne faut jamais oublier qu'elle est une conquête (4).

L'acharnement des médiats bien intentionnés à vouloir faire croire que la Sécu est une création consensuelle, vise à faire oublier qu'elle doit tout à la lutte et au rapport de force.

 
1.      Traité de Sécurité sociale. Yves Saint - Jours. LGDJ. 1984.

2.      Quand nous étions ministres. François Billoux. Éditions sociales. 1972.

3.      Au service de l'homme et du droit. Pierre Laroque. Édité par le comité d'histoire de la sécurité sociale. 1993.

4.      La Sécurité sociale une conquête en danger. Michel Cialdella. 2014.


Il faut aussi rappeler le rapport des forces à l'époque.

Le PCF réalisa 26,2% aux élections de la constituante le 21octobre 1945. Le scrutin départemental à la proportionnelle assure 159 sièges au communistes.

Le 2 juin 1946 à la seconde assemblée constituante (après l'échec du premier projet constitutionnel, le 5 mai 1946) le PCF réalise 25,9%, malgré un gain de 120 000 voix.

Le 10 novembre 1946 pour l'élection de la première assemblée nationale de la quatrième  république le PCF obtiendra 28,6% des suffrages exprimés (1).
La CGT revendique 6  millions d'adhérents au congrès de 1947.(2)

1 - L'archipel communiste, une histoire électorale du PCF. Roger Martelli. Editions sociales. .2008.
2 - La CGT de la Libération à la scission de 1944 - 1947. Annie Lacroix - Riz. Editions sociales - 1983.

Michel Cialdella
1 octobre 2015

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