samedi 21 septembre 2019

Il commence à me plaire ce Piketty




Contre-feux. Piqûre de rappel

L’Humanité du Vendredi, 20 Septembre, 2019



De nombreux journalistes, gardiens de la pensée unique, ont perdu leur sang-froid à la lecture du dernier livre de Thomas Piketty.

« Version fiscale de la confiscation des biens nationaux au moment de la Révolution française » et « spoliation » selon Nicolas Demorand, je dirais même plus, « logique du bouc émissaire », selon Léa Salamé, sa comparse du grand entretien de France Inter… Expression d’un des « charmes vénéneux de l’esprit français » pour Nicolas Beytout, invité, pour l’Opinion, à s’exprimer devant les micros d’Europe 1. « Inique et liberticide » selon Philippe Trainar, professeur titulaire de la chaire assurance du Cnam, qui voit, pour les Échos, surgir parmi les pages de l’ouvrage de Thomas Piketty rien moins que « le Moloch vorace de l’égalité », qui, comme le sait tout lecteur consciencieux de la Bible, désigne la féroce divinité des anciens Cananéens exigeant le sacrifice des enfants par le feu.

Métaphore religieuse filée alors que fument encore les ruines calcinées de Notre-Dame dans le lointain de nos mémoires meurtries, les trompettes de l’apocalypse en moins, pour Jean-Pierre Robin, qui voit en Piketty un « bénédictin des inégalités mondiales » et un « activiste fiscal » dont « l’érudition foisonnante (…) confine à la faute de goût ». Les propositions de Capital et idéologie semblent avoir suscité une régression intellectuelle d’une virulence folle. Pourquoi tant de haine, pourrait-on se demander, pour celui qui se réclame plus de Roosevelt que, le couteau entre les dents, de quelque pétroleuse avide de sang et de flamme ?

Marx écrivait, dans la préface du Capital : « Sur le terrain de l’économie politique, la libre et scientifique recherche rencontre bien plus d’ennemis que dans ses autres champs d’exploration. » Et d’ajouter : « La nature particulière du sujet qu’elle traite soulève contre elle et amène sur le champ de bataille les passions les plus vives, les plus mesquines et les plus haïssables du cœur humain, toutes les furies de l’intérêt privé. » Bien sûr, c’était avant l’invention de la vaccination de la rage par Louis Pasteur.

Jérôme Skalski


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