« L’ordonnance du 4 octobre 1945… a été le produit d’une année de
travail…
La sécurité sociale, pour assurer son efficacité,…
doit être confiée aux Français et Françaises, sans considération de politique,
de religion ou de conception philosophique »
Ambroise Croizat le 8 août 1946
A propos du financement de la
sécurité sociale.
En ce moment, le
parlement débat du budget 2019 de la Sécurité sociale.
« Faire appel au budget de l'État, c'est
inévitablement subordonner l'efficacité de la politique sociale à des
considérations purement financières qui risquent de paralyser les efforts accomplis.
Mais il y a une autre raison infiniment plus importante, qui se relie à tout
l'esprit des réformes en cours, à tout l'esprit de la politique sociale et du
plan de sécurité sociale : c'est que la sécurité sociale doit être l'œuvre des
intéressés eux-mêmes ; elle doit reposer sur un effort véritable des
intéressés. C'est pourquoi tout le plan de sécurité sociale doit être alimenté
par les contributions des bénéficiaires. Sans doute, au versement direct de ces
derniers s'ajoutent, lorsqu'il s'agit de salariés, les contributions des
employeurs dont l'importance est beaucoup plus grande que celle des
bénéficiaires. Mais, si l'on va au fond des choses, il n'y a pas de différence
profonde entre la contribution de l'employeur et la contribution du bénéficiaire.
En effet, la contribution de l'employeur et, en réalité, la contribution de
l'entreprise. Et toute l'évolution économique et sociale d'aujourd'hui tend à
associer les travailleurs à la gestion des entreprises et par la même doit les
conduire à considérer que les deniers de l'entreprise sont en même temps les
leurs, et que ce qui est versé par l'entreprise est versé par eux, ce qui est
d'ailleurs, dans une certaine mesure, la vérité. Nous entendons ainsi réaliser
le plan de sécurité sociale sans rien demander au budget en demandant tout à
l'effort des intéressés et des entreprises ». (Pierre Laroque) (1).
Jusqu’en 1996 le
Parlement ne votait pas le budget de la Sécurité sociale. Ce qui est normal vu
qu’il s’agit d’une part de notre salaire. À l’origine le budget de la Sécurité
sociale était alimenté uniquement par les cotisations sociales. Le gouvernement
« se contentant » d’augmenter le taux de cotisation qui progressa
jusqu’au début des années 1970. Durant cette période un grand nombre de CHU a
vu le jour subventionné par la branche maladie de la sécurité sociale. Et
personne n’en est mort !
Au lieu de poursuivre
dans cette voie, les gouvernements successifs ont gelé les taux de cotisation :
en 1979 pour la retraite et en 1984 pour la santé. Et jusqu’en 1967 dates des
ordonnances Jean-Marcel Jeanneney - De Gaulle, les caisses de Sécurité sociale
étaient gérées par les intéressés. Les conseils d’administration étaient élus
par les salariés et composé pour trois quarts des représentants des salariés,
avec des pouvoirs étendus. Ce qui était insupportable au patronat et à la
droite parfois appelée parti socialiste.
Revenir à ces principes
fondamentaux ça n’est pas revenir en arrière bien au contraire. Ce système a
largement démontré son efficacité. Ce qu’ils appellent le « déficit » est une
construction politique pour justifier la casse de notre salaire socialisé.
D’ailleurs Pierre Laroque dénonçait en 1992 « Le déficit est artificiel puisque, seuls, les pouvoirs publics fixent à
la fois le montant des cotisations et le taux de toutes les prestations ».
Aujourd’hui le PIB qui est la somme des valeurs ajoutées créées en France est
composée aujourd’hui à 60 % par les salaires. En 1982 les salaires
représentaient 70 % du PIB. Dans un premier temps revenir à cette répartition
des richesses permettrait d’augmenter la masse salariale de 220 milliards
d’euros environ et permettrait d’abonder à hauteur de 88 milliards d’euros les
trois branches de la Sécurité sociale (maladie, vieillesse, famille).
L’apparition de nouvelles
maladies, l’utilisation de technologie sophistiquées, le fait que l’on passe
plus longtemps à la retraite justifient que l’on augmente massivement les
cotisations sociales dites « patronales ». En fait cette expression est fallacieuse, il s’agit d’une
part de la valeur ajoutée (créée par le travail des producteur que nous sommes)
prélevée pour le salaire direct, le salaire socialisé (les cotisations) mais
aussi le profit. Si cela pose des problèmes aux PME, on ne les résoudra pas en
abaissant les cotisations, mais en augmentant les prix de ces entreprises qui
sont totalement sous la coupe de leurs fournisseurs ou acheteurs.
Bien entendu s’agissant
d’un salaire socialisé, la gestion devrait revenir aux seuls salariés. Les
patrons n’ayant rien à faire dans la gestion d’un salaire qu’il soit direct ou
indirect. Les salariés qui depuis des décennies ont pu se former, se cultiver
et ont démontré par le passé leur capacité de gestionnaire n’ont pas besoin
d’être chapeauté par des parlementaires. Ils sont responsables et n’ont aucune
leçon à recevoir des gouvernements qui les méprisent !
Notons encore que ceux
qui s’acharnent encore au nom des déficits qu’ils ont eux-mêmes organisé
devraient se demander comment estimer les millions de personnes qui ont pu,
grâce à la Sécurité sociale : se soigner, avoir la vie sauve. Mais pour
les violents (2) qui nous gouvernent peux importe qu’en plus un grand
nombre ont une retraite décente et puisse éduquer leur enfants grâce au
allocations familiales. Seulement voilà, en 2018 pour les trois branches de la
Sécu c’est un budget de 498 milliards € (3) qui échappe à la goinfrerie des capitalistes.
Michel Cialdella
ex-administrateur de la CPAM de Grenoble
ex-administrateur de la CPAM de Grenoble
1.
Pierre Laroque
était le directeur de la Sécurité sociale au ministère d’Ambroise Croizat. S’il
n’est pas le père de la Sécurité sociale comme certains le prétende, il a tout
de même joué un rôle important.
2.
Les riches, dont
la violence n’est jamais mentionnée. « La violence des riches » livre
des Pinçon – Charlot – Editions Zones - 2013
3.
Loi de financement
de la Sécurité sociale, 2018.
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