mardi 26 juin 2018

VOS PAPIERS


"VOS PAPIERS !"
En 1923, lorsque mon grand-père et ma grand-mère arrivent en France avec 5 enfants (dont mon père), fuyant la montée du fascisme en Italie, je ne suis pas sûr qu'ils aient eu des "papiers".
Cela s'est fait après. Mon père avait 3 ans et n'est devenu Français qu'en 1940 à l'âge de 20 ans pour pouvoir s'engager dans l'armée française. Après la débâcle de l'armée française (trahison de la bourgeoisie française (1) ) il prend contact avec la Résistance et échappe de peu au STO grâce au Commandant Nal ( héros de la Résistance ) qui lui fournira des "faux papiers"…Des policiers français (qui avaient sûrement des papiers en règle… eux) étaient venus le chercher à l'entreprise dans laquelle il travaillait (PERMALI à Fontaine).
Un policier français accompagnait un soldat allemand lorsqu'en pleine nuit ils frappèrent ( au hasard ? ) à la porte au deuxième étage du 15 de la rue de la Mutualité à Grenoble. Pendant que le soldat allemand mettait la baïonnette sur le ventre de mon père, le policier français fouillait les deux pièces où nous habitions, à la recherche d'armes… Ne trouvant aucune arme, et pour cause le révolver, mon père l'avait dans sa poche…ils allaient quitter l'appartement lorsque le policier français revint sur ses pas pour s'emparer d'une chevalière et d'une gourmette en or (des bijoux de famille). Comme mon père protestait, le flic français (qui devait avoir ses papiers en règle), injuria mon père : "Ta gueule !".
Mon père est décédé en 2002. Je peux donc raconter la fin de cette "petite" histoire. À la Libération mon père a rencontré par hasard le voleur de bijoux et lui a flanqué une magistrale raclée…
Avec des camarades communistes,  il imprimera, dans la cave de l'un d'entre eux, "Les Allobroges",  journal communiste de la Résistance et participera à sa distribution au risque de sa vie.
Dans la même période un "voisin" au nom bien français, qui avait sûrement un tas de papiers, devient chef de la milice de Pétain et plus tard des Waffen SS, un nommé Esclach qui assassinera entre autres, Paul Vallier et sera, avec son équipe, responsable de la mort de 200 résistants (2).
En 1943, en pleine occupation, mon père adhère à la CGT dans la clandestinité. À la libération il participera à la mise en place des Comités d'entreprise, initiés par Ambroise Croizat. Il adhérera également au Parti Communiste Français.
Comme des milliers d'immigrés, notamment italiens, il participera au développement économique de la France par son travail. Aux avancées sociales par l'action syndicale et politique.
Aujourd'hui, les immigrés contribuent toujours à la création de richesses. Une étude publiée en 2010 le confirme :
"Les travailleurs immigrés en France s'acquittent chaque année de 60 milliards d'euros d'impôts et de cotisations sociales, alors qu'ils reçoivent dans le même temps 48 milliards d'allocations publiques, soit un solde positif de 12 milliards € au bénéfice de l'Etat, de la Sécurité sociale et du financement des retraites ".(3)
Ces faits accentuent  mon dégoût pour la politique sarkozyste de stigmatisation de l'immigré qui serait responsable de tout nos maux. Nicolas Sarkozy est le fils d'un aristocrate Hongrois qui en 1944, à l'approche des troupes soviétiques s'est enfuit en Allemagne. Il s'établit en France en 1948 malgré que la Hongrie ait participé à la guerre au coté de l'Allemagne nazie et contre les alliés…..Et il est malgré cela président de la République française. Cela devrait le rendre un peu plus reconnaissant vis-à-vis des immigrés qui "construisent des maisons qu'ils n'habiteront jamais" comme le chante son copain Enrico Macias. Sarkozy et son clan, non seulement ils ne créent pas de richesse mais ils nous coûtent cher…

Souvenons nous des résistants immigrés membres des FTP - MOI, ceux de l'Affiche rouge. Ils luttaient contre le nazisme. Ils furent fusillés par l'occupant et sont morts en criant "VIVE LA FRANCE". Vingt-trois résistants communistes et immigrés de qui on n’avait pas exigé des papiers, effectuèrent 229 actions armées contre l’occupant allemand avant d’être arrêtés grâce à la traque de la police française qui avait mis 200 limiers (4) pour ce "travail". Un héroïsme dont Aragon fit un poème (5) et Léo ferré une extraordinaire chanson, qui renvoie les pourfendeurs de l’immigration à leur crétinerie.
Le 21 février 1944, dans une lettre à son épouse, Missak Manouchian leur chef écrivait « Au moment de mourir, je proclame que je n’ai aucune haine contre le peuple allemand et contre qui que ce soit, chacun aura ce qu’il méritera comme châtiment et comme récompense. Le peuple allemand et tous les autres peuples vivront en paix et en fraternité après la guerre qui ne durera plus longtemps.  Bonheur ! A tous ! »   « …je meurs en soldats réguliers de l’armée française de la libération ».
Alors que Papon envoyait hommes, femmes et enfant juifs dans les camps de la mort. De Gaulle le fit : Préfet de police poste où il joua un rôle capital dans la répression sanglante des manifestations du 17 octobre 1961 et celle du 8 février 1962 (Charonne). Ministre du Budget de Giscard et il est mort dans son lit avec des papiers en règle.
Pour en terminer provisoirement avec les papiers :
Peu après la libération, mon père se fait arrêter en sortant du travail, le feu rouge de son vélo ne fonctionne pas.
Le policier lui demande ses "papiers". Il vérifie la carte d'identité (en règle) et s'exclame : "Et ce n’est même pas français !". N'ayant pas cette fois une baïonnette sur le ventre le direct du gauche est parti sur le pif de l'indélicat…
À transmettre sans modération.
Michel Cialdella
Septembre 2011







(1) On lira avec intérêt les livres d'Annie Lacroix-Riz : "De Munich à Vichy" et "Le choix de la défaite".
(2) "Grenoble 40-44, Pierre Giolitto, éditions Perrin.2001.
(3) étude cité dans le document "Le Front national ou l'imposture sociale".
(4) La traque de l'affiche rouge. Denis Peschanski, l'Humanité hors série Février 2007.


(5) L'affiche rouge ( Aragon )




Vous n'avez réclamé la gloire les larmes
Ni l'orgue ni la prière aux agonisants
Onze ans déjà que cela passe vite onze ans
Vous vous étiez servis simplement de vos armes
La mort n'éblouit pas les yeux des Partisans

Vous aviez vos portraits sur les murs de nos villes
Noirs de barbe et de nuit hirsutes menaçants
L'affiche qui semblait une tache de sang
Parce qu'a prononcer vos noms sont difficiles
Y cherchait un effet de peur pour les passants

Nul ne semblait vous voir français de préférence
Les gens allaient sans yeux pour vous le jour durant
Mais à l'heure du couvre-feu des doigts errants
Avaient écrit sous vos photos MORTS POUR LA FRANCE
Et les mornes matins en n'étaient différents

Tout avait la couleur uniforme du givre
A la fin février pour vos derniers moments
Et c'est alors que l'un de vous dits calmement
« Bonheur à vous bonheur à ceux qui vont survivre
Je meurs sans haine pour le peuple allemand

Adieu la peine et le plaisir, adieu les roses
Adieu la vie la lumière et le vent
Marie-toi, sois heureuse et pense pas moi souvent
Toi qui vas demeurer dans la beauté des choses
Quand tout sera fini plus tard en Erevan

Un grand soleil d'hiver éclaire la colline
Que la nature est belle et que le cœur me fend
La justice viendra sur nos pas triomphants
Ma Mélinée ô mon amour mon orpheline
Et je te dis de vivre et d’avoir un enfant »

Ils étaient vingt et trois dans les fusils fleurirent
vingt et trois qui donnaient leur cœur avant le temps
vingt et trois étrangers et nos frères pourtant
vingt et trois amoureux de vivre en mourir
vingt et trois qui criaient et la France en s'abattant.





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