samedi 9 mars 2013

A propos de violence


Violence ! Vous avez dit violence ?


Les ouvriers que l'on prive de leur travail c'est-à-dire du moyen de gagner dignement leur vie, expriment une colère bien compréhensible, voilà que la presse bien-pensante, les élus de droite et un grand nombre de socialistes s'indignent et accusent une loi d'amnistie pourtant bien modeste d'inciter les travailleurs au vandalisme.

Mais de quelle violence parle-t-on ? De quelle violence parlent-ils ?

Sûrement pas des 658 000 accidents du travail avec arrêt dont 41 000 avec incapacité permanente.

Sûrement pas des 529 décès.

Sûrement pas des 50 000 maladies professionnelles reconnues et des 533 décès officiels (chiffres INRS de 2010). Malgré cela les salariés veulent travailler. Qu'ils se présentent au siège de leur entreprise où l'on est en train de décider de leur sort, ils sont accueillis par des policiers bottés, casqués et armés. Sans doute est-ce cela qu'ils appellent le dialogue social.

Que des salariés, trahis puissent dans un geste de colère détruire deux ou trois ordinateurs, ils sont tout de suite considérés comme des délinquants.

Mais… des industriels qui ont exposé ou exposent les travailleurs à des risques connus… S'inscrit dans une logique criminelle sciemment développée, qui consiste-de façon délibérée et avec pour seul mobile le profit et la puissance-à utiliser en production des produits toxiques… Et à organiser le travail selon des normes incompatibles avec la santé et la dignité humaine (1). Cela n'est pas de la violence ! Vous vous

Non seulement ces industriels ne risquent rien mais, que la législation européenne tente avec le programme européen REACH de mettre en place un système d'enregistrement, d'évaluation et autorisation des substances chimiques qui prévoient l'obligation faite aux employeurs d'effectuer des tests de toxicité des produits chimiques afin d'obtenir l'autorisation de leur introduction en production et sur le marché.

Aussitôt, leurs alliés politiques réagissent. Ainsi le 20 septembre 2003, Jacques Chirac, Tony Blair et Gerhardt Schröder ont écrit conjointement une lettre au président de la commission européenne, Romano Prodi, pour soutenir l'industrie chimique : « nous devons veiller à ce que ces propositions ne portent pas atteint aux intérêts légitimes des entreprises de l'Union sur le marché mondial (…) Nous font serions reconnaissants de continuer à faire de la nouvelle réglementation du régime appliqué aux produits chimiques un modèle de nos efforts pour renforcer la compétitivité industrielle de l'union européenne ». (2)

le professeur, chercheur en médecine du travail Philippe Davezies insiste sur le fait que le déni de reconnaissance dans le travail et l'insécurité que ce déni engendre pour l'estime de soi peuvent mener « à la violence contre soi-même : exaspération tournée contre soi, se manifestant sous la forme de comportement pathogène, et à terme de maladies physiques et mentales. La forme la plus dramatique de ce retournement de la violence contre soi est le suicide (3). ( 400 suicides par an dû au travail).

Le 17 octobre 1961 ce que l'on appelait français musulmans d'Algérie avait tenté de manifester contre le couvre-feu décrété quelques jours plus trop par le préfet de police Maurice Papon. Une véritable chasse à l'homme s'était déchaînée contre eux faisant environ 200 victimes. Qu'est-ce que 200 victimes pour un homme comme Maurice Papon qui organisait les trains pour renvoyer les juifs dans les camps de la mort. Cela n'a pas empêché ce sinistre personnage d'être ministre de Giscard d'Estaing et de Raymond Barre. Comme punition il y a pire.

Dans un appel du MRAP, 150 personnalités parmi lesquelles Lucie et Raymond Aubrac, Claude Hervé, Théodore Monod, Frédéric Pottecher, Jean Ferrat, Michel Piccoli, Edmonde Charles Roux, Daniel Cohn-Bendit, René Drumont, demandaient « que Papon paye le prix de ces crimes par un jugement qu'il a largement mérité ».(4). Le procès a finalement eu lieu en 1998 mais libéré pour raisons de santé Maurice Papon est mort dans son lit en 2007. (4).

Mais là ça n'est pas de la violence ! Puisqu'on nous dit que la violence ce sont les ouvriers !

« Jusqu’à quand la fureur des despotes sera-t-elle appelée justice, et la justice du peuple barbarie ou rebellions ? Comme on est tendre pour les oppresseurs et inexorable pour les opprimés ! Rien de plus naturel : quiconque ne hait point le crime ne peut aimer la vertu ».

Robespierre, le 5 février 1794.(5).

Michel Cialdella



1) « Travailler peut nuire gravement à votre santé », Annie Thébaud-Mony, éditions la découverte, 2007.

2) cité par Annie Thébaud-Mony dans « Travailler peut nuire gravement à votre santé ».

3) cité par Annie Thébaud-Mony dans « Travailler peut nuire gravement à votre santé ».

4) "Octobre 1961 un massacre à Paris". Jean-Luc Einaudi. Éditions Pluriel ; 2011.

Condamné le 2 avril 1998 par la cour d'assises de la Gironde à 10 années de réclusion pour « complicité de crimes contre l'humanité », Maurice Papon fut détenu à partir du 22 octobre 1999 à la prison de Fresnes puis à la Santé. Le 18 septembre 2002, la cour d'appel de Paris ordonna sa remise en liberté en application de la récente loi du 4 mars 2002, permettant une telle décision au bénéfice des condamnés atteints d'une pathologie « engageant le pronostic vital » ou dont l'état de santé est « durablement incompatible » avec le maintien en détention pour Maurice Papon est décédé le 17 février 2007.

5) " Robespierre : entre vertu et terreur ". Slavoj Zizek. Editions Stock.2008.

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