samedi 14 octobre 2017

Les allocations familiales sont un élément du salaire



Michel Cialdella, ex administrateur de la CPAM et du CHU de Grenoble.
6, rue Joseph Bertoin  38600 Fontaine.
lincorruptible77@gmail.com
Fontaine, le 14 octobre 2017
Monsieur Emmanuel Macron
Président de la République française.


Monsieur le Président,
Votre gouvernement se prépare à une attaque contre les allocations familiales en instaurant un plafond de ressources. En 1977 Pierre Laroque, qui s'y connaissait, disait il est malsain de développer les prestations subordonnées à une condition de ressources, car cela aboutit à transformer la famille en assistée et a créer une espèce de clivage dans la population entre les pauvres et les nons pauvres ; cela me paraît socialement extrêmement mauvais. (1).
Plutôt que de dénigrer les Français (de préférence depuis l'étranger) qui seraient des fainéants, voire des extrémistes parce qu'ils ne sont pas d'accord avec vos contre-réformes, vous devriez plutôt vous intéresser à l'histoire sociale de nôtre pays afin de comprendre que les gens qui luttent ne foutent pas le bordel (selon vos propres mots). Victor Hugo disait  Ceux qui vivent ce sont ceux qui luttent, et ceux qui luttent sont aussi les plus productifs, les fainéants il faut plutôt les chercher chez les déserteurs fiscaux. Ceux qui luttent sont aussi les meilleurs défenseurs des valeurs Liberté, Egalité, Fraternité proclamées par notre Constitution républicaine, et je puis vous assurer qu'ils ne sont pas en manque d'un roi(2)

Les allocations familiales font parties de la Sécurité sociale que les fondateurs voulaient universelle. À l'origine les allocations familiales étaient financées uniquement par des cotisations d'entreprise. La cotisation patronale destinée à financer la branche a constamment décru depuis 1946 ou son taux était fixé à 16,75 % des rémunérations sous plafond. Il a été progressivement abaissé pour se stabiliser à 9 % entre 1974 et 1989, avant que la cotisation ne soit déplafonnée et son taux ramené à 7 % en 1990 et à 5,25 % en 2014 sans que cela améliore aussi peu que ce soit les prestations pour les plus modestes. Rappelons, aux pleurnichards du Medef, qu'au départ les allocations familiales sont une création patronale. Généralisées par Ambroise Croizat, ministre communiste, les allocations sont devenues du salaire socialisé, elles reconnaissent le travail de la famille pour l'éducation des enfants. Lorsque les enfants sont confiés à une assistante maternelle elles perçoivent un salaire pour faire le même travail.
Même si Le patronat pendant longtemps refuse, contre toute évidence, de reconnaître à ces prestations le caractère d'un élément du salaire. C'est ce caractère cependant qui s'affirme … ». Pierre Laroque 
(1).
Elles ne sont pas un moyen de réduire les inégalités. Pour réduire les inégalités, il y a la fiscalité redistributive, dont la plus juste est l'impôt sur le revenu, à condition qu'il soit progressif et réparti sur un grand nombre de tranches (par exemple : 14 contre 5 aujourd'hui).
Vous faites le contraire, vous réduisez les impôts des riches sous prétexte qu'ils investissent, et que ce serait bon pour l'emploi. Or, s'ils investissent, (quand ils investissent) c'est avec de l'argent gagné sur notre dos et pas  toujours en France. Ce sont des prédateurs.
Les économistes qui accordent le moins d’importance à la réduction de l’inégalité des revenus sont plutôt enclins à penser que les initiatives que pourraient prendre les Etats pour la réduire coûtent trop cher, ou même risque d’être contre-productives. Ces économistes du « libre marché » ont aussi le sentiment que les marchés laissés à eux-mêmes, sans interférence de l’État, sont efficaces, et que le meilleur moyen d’aider les pauvres consiste à laisser se produire, tout simplement, la croissance économique : d’une façon ou d’une autre, ses bienfaits ruisselleront jusqu’en bas de l’échelle sociale et toucheront les pauvres. (Notons avec intérêt que ces croyances persistent bien que la recherche en économie les ait privées de tout fondement intellectuel). Joseph Stiglitz  (2)
Certes, vous avez été élu selon les règles de nôtre Constitution. Mais même inscrite dans nôtre constitution l'élection présidentielle est une élection antidémocratique car une seule personne ne peut prétendre représenter la diversité du peuple de France. De même l'Assemblée nationale par son mode d'élection (scrutin uninominal à deux tours) ne peut être représentatif du peuple que seule une élection à la proportionnelle intégrale peut réaliser.
De plus votre programme n'a eu le soutien que de 18,2 % des inscrits au premier tour et avec des records d'abstention. Cela rend illégitime la casse des conquêtes ouvrières.
Le droit et la loi, telles sont les deux forces ; de leur accord naît l'ordre, de leur antagonisme naissent les catastrophes…La persistance du droit contre l'obstination de la loi toute l'agitation sociale vient de là. (Victor Hugo 1875).
« Il ne faut point faire qu'il (le peuple) convienne aux lois, il vaut mieux faire en sorte que les lois lui conviennent ». St Just.
« Les riches se croient fort nécessaire aux malheureux ; et lorsqu’ils en occupent un grand nombre à leurs ateliers ils disent avec une sorte de jactance qu’ils font vivre beaucoup de monde. Ils devraient dire qu’il faut beaucoup de monde pour les faire vivre dans leur opulent loisir »
Pierre Dolivier, curé, 1793.
« Le capitalisme sur lesquels les sociétés modernes se sont engagées, nous savons maintenant que c’est une voie sans issue. Il nous faut réfléchir à d’autres formes de fonctionnement du marché, que les capitaux servent à ce que le plus grand nombre profite de la richesse générale, loin de la domination de l’argent… C’est très dangereux de privatiser. Le CNR a marqué la nécessité de laisser dans le domaine public ce qui relève du bien commun.».
Stéphane Hessel, Résistant, Déporté, Diplomate, co-auteur de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme. L’Humanité du 4 novembre 2009.
« Les malheureux sont les puissances de la terre. Ils ont le droit de parler en maître aux gouvernements qui les négligent » Saint-Just.
Michel Cialdella

1) Recueil d'écrits de Pierre Laroque, p. 88. Publié en 2005 par le Comité d'histoire de la sécurité sociale.
2) Vos propos

3) « Un autre monde contre le fanatisme du marché ». Joseph Stiglitz, Éditions fayard septembre 2006

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