L'Humanité du 4 décembre 2017.
Justice. Dominique Tian rattrapé par sa fraude fiscale.
L'ex débuté (LR) et premier adjoint au maire de Marseille a écopé de 12 mois de prison avec sursis, 300 000 € d'amende et 5 ans d'inéligibilité lors de sa comparution, vendredi dernier, en correctionnelle pour « omission dans sa déclaration de patrimoine » de 2012 et « blanchiment de fraude fiscale ». Celui qui se targuait de figurer parmi les 50 meilleurs députés de France et finalement rattrapée par la réalité. Celle de 2 millions d'euros placés dans 3 banques suisses, hors de portée de leur contribution à la solidarité nationale. Ces placements ont été dévoilés par la régularisation de sa situation fiscale dans le cadre de la circulaire Cazeneuve de 2013 et pour laquelle il a dû préalablement payer une amende de 664 000 €. Dominique Tian, qui se faisait remarquer en commission des affaires sociales avec son rapport zélé sur les fraudeurs aux ASSEDIC et « aux faux chômeurs qui coûtent 200 millions d'euros d'impôts », s'est vu interpeller par la présidente du tribunal : « ne trouvez-vous pas qu'il y a une forme de schizophrénie à fustiger les petits fraudeurs au RSA et à dissimuler parallèlement des comptes en Suisse pour échapper à l'impôt ? ». Le jugement a été mis en délibéré au 26 janvier.
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Le député Tian et
son compte en Suisse : déjà une semaine, ne les oubliez pas
Voilà déjà une semaine que le député UMP Dominique Tian a reconnu
publiquement, contraint et forcé, avoir planqué un compte en Suisse pendant des
années. Voilà déjà une semaine que ce pourfendeur patenté de la fraude sociale (celle
des autres, celle des « gagne-petit » qui grugent le RSA ou les
allocs) a confessé avoir soustrait
plus de 1,5 million d’euros au fisc français, avant de profiter d’une
circulaire indulgente pour rapatrier discrètement ses billes en 2014. Et rien ne
se passe ou presque.
Une brève par-ci, par-là. Aucune manchette nulle part.
Pas la moindre déclaration
outrée d’un de ses collègues à l’Assemblée. En une semaine, le système
politique et médiatique a digéré l’information comme si de rien n’était. Mithridatisé.
C’est la sixième fois –il est vrai- que la Haute
autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) saisit la justice d’un
cas de parlementaire ayant « omis » de signaler des avoirs à
l’étranger dans sa déclaration de patrimoine. Après un an et demi d’exercice,
on confine déjà à la routine.
L’affaire semble pliée. Faute de villa cachée
tape-à-l’œil (style Balkany) ou de démenti théâtral « en bloc et en détail
» (façon Cahuzac dans l’hémicycle), l’histoire du député Tian ne mérite pas le
JT de « 20 heures ». De toutes façons, son nom est inconnu au
bataillon en dehors de sa circonscription -marseillaise qui plus est, ça
relèverait presque du folklore.
Ce type de comportement instille
pourtant un véritable poison. Comment les citoyens peuvent-ils accepter ce
silence organisé, alors qu’un parlementaire, de ceux qui votent l’impôt, les
barèmes et les crédits pour lutter contre l’évasion fiscale, a siégé pendant
des années en se dérobant à ses obligations fiscales ?
« La fraude (…) ne constitue pas seulement une
perte de ressources très importante et une masse considérable de dépenses
injustifiées pour nos finances (…), elle est aussi source d’injustice, de
déséquilibre économique et plus fondamentalement elle sape la confiance des
assurés dans notre système de protection sociale, résumait récemment un député, dans un rapport
sur la fraude sociale. Nos concitoyens, à juste titre en ces temps de
crise, ne l’acceptent plus. » Ce député, c’était Dominique Tian.
Avec lui-même, l’élu se montre aujourd’hui beaucoup
plus indulgent. « C’est un problème familial et personnel »,
a-t-il relativisé lundi sur les ondes de France Bleue Provence, affirmant qu’il
avait hérité cet argent de son père, se cherchant mille excuses. « C’est
un problème européen parce que les banques suisses ont été extrêmement
persuasives, c’est des comptes qui ont 40 ans ou 50 ans, a-t-il
ajouté. J’ai régularisé ma situation comme 35 000 autres français. Vous
savez, Bercy a ouvert une cellule spéciale qu’ils ont renforcée tellement y a
de Français qui ont régularisé leur situation [via la circulaire dite
Cazeneuve]. Tant mieux, ça veut dire qu’on résout un problème extrêmement
empoisonnant pour beaucoup de gens. » Les Français doivent
aujourd’hui le comprendre : détenir plus de 1,5 million d’euros
outre-Léman, c’est un « problème extrêmement empoisonnant ».
Assez vite, le journaliste a enchaîné avec une
question sur la création de la « prime d’activité » annoncée par
François Hollande le week-end dernier, censée inciter les Français à travailler
davantage. « C’est plutôt une bonne mesure que de récompenser les
gens qui travaillent », a osé tranquillement Dominique Tian.
Au moins France Bleue a-t-elle interviewé le député. A
part une dépêche AFP faiblement relayée sur les sites internet des journaux (et
réduite à quatre phrases sur celui du Monde), c’est en effet le
seul média, à notre connaissance, à l’avoir publiquement titillé.
L’avantage de cette sous-médiatisation, c’est qu’aucun
collègue de Dominique Tian ne s’est senti obligé de répliquer en attaquant le
travail de la HATVP. En novembre dernier, la précédente saisine de la justice
relative à Bernard Brochand (UMP), Bruno Sido (UMP) et Lucien Degauchy (UMP),
également détenteurs de comptes en Suisse pendant des années, avait déclenché des réactions outrées.
« On ne va pas tomber dans un régime de Gestapo
quand même », avait lancé le
sénateur Christian Cambon (UMP), remonté contre « cette espèce
d’hallali qu’on lance contre les parlementaires ». « J’ai
bien compris que la Haute autorité et M. Nadal [son président] voulait
se payer les parlementaires. Mais qu’on respecte la procédure et la présomption
d’innocence ».
Quand les
intéressés reconnaissent avoir dupé le fisc pendant des années, pourquoi
attendre de savoir s’ils ont en plus commis un délit pénal en falsifiant leurs
déclarations de patrimoine auprès de la HATVP ? Les épargner, c’est
risquer de désespérer encore un peu plus les citoyens.
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