mercredi 6 décembre 2017

Réplique à Jean-Guy Noyer.
Dans un court article attribué à Jean-Guy Noyer intitulé « Sur ordre de Robespierre » ce monsieur trace un tableau effrayant de celui que les sans culottes nommaient "l'incorruptible".
En un an de "pouvoir" il aurait, entre autres, fait monter sur l'échafaud des milliers de citoyens, il serait responsable du massacre des Girondins et du génocide de 300 000 vendéens.



Décidément Jean-Guy n'a peur de rien ! Sauf de dire des énormités non étayées par des références historiques. En histoire c'est la moindre des choses.
Quelques exemples. Extrait du livre de Slavoj Zizek : Robespierre entre vertu et terreur. Éditions stock mars 2008.
Robespierre était un pacifiste : « La plus extravagante idée qui puisse naître dans la tête d'un politique est de croire qu'il suffise à un peuple d'entrer à main armée chez un peuple étranger pour lui faire adopter ses lois et sa constitution. Personne n'aime les missionnaires armés… ». Voir les invasions coloniales de la France…
Robespierre sur les subsistances (2 décembre 1792)
 « Dans tous pays où la nature fournit avec prodigalité aux besoins des hommes, la disette ne peut être qu'un imputer aux vices de l'administration ou des lois elles-mêmes ; les mauvaises lois et la mauvaise administration ont leur source dans les faux principes et dans les mauvaises mœurs.
Les auteurs de la théorie (les libéraux de son époque) ont considéré les denrées les plus nécessaires à la vie que comme marchandises ordinaires et n'ont mis aucune différence entre le commerce du blé, par exemple, est celui de l'indigo ; ils ont plus disserté sur le commerce des grains, que sur la subsistance du peuple ;
Robespierre sur le procès du roi (3 décembre 1792).
« Louis a été détrôné par ses crimes ; Louis dénonçait le peuple français comme rebelle ; il a appelé, pour le châtier, les armes des tyrans ses confrères ; la victoire et le peuple ont décidé que lui seul était rebelle. : Louis ne peut donc être jugé ; il est déjà condamné ou la République n'est point absoute ».

« Pour moi, j'abhorre la peine de mort prodiguée par vos lois ; et je n'ai pour Louis ni amour ni haine ; je ne vais que ces forfaits. J'ai demandé l'abolition de la peine de mort à l'assemblée que vous nommez encore constituante ; et ce n'est pas ma faute si les premiers principes de la raison lui ont paru des hérésies morales et politiques. Mais vous, qui ne vous avisâtes jamais de les réclamer en faveur de tant de malheureux dont les délits sont moins les leurs que ceux du gouvernement, par quelle fatalité vous en souvenez-vous seulement pour plaider la cause du plus grand de tous les criminels ? Vous demandez une exception à la peine de mort pour celui-là seul qui peut la légitimer. Oui, la peine de mort, en général est un crime, et par cette raison seule que, d'après les principes indestructibles de la nature, elle ne peut être justifiée que dans les cas où elle est nécessaire à la sûreté des individus ou du corps social ».
Robespierre sur les principes de morale politique. Discours du 5 février 1794.
« Dans le système de la révolution française, ce qui est immoral est impolitique, ce qui est corrupteur est contre-révolutionnaire. La faiblesse, les vices, les préjugés sont le chemin de la royauté ».
« Le gouvernement de la révolution est le despotisme de la liberté contre la tyrannie ».
Discours du 8 thermidor an II.
« Il m'appelle tyran… si je l'étais, ils ramperaient à mes pieds, je les gorgerais d'or, je leur assurerais le droit de commettre tous les crimes, et ils seraient reconnaissants. Si je l'étais, les rois que nous avons vaincus, loin de me dénoncer (quel tendre intérêt ils prennent à nôtre liberté !) Me prêteraient leur coupable appui ; je transigerais avec eux. Dans leur détresse, qu'attendent-ils, si ce n'est le secours d'une faction protégée par eux, qui leur vende la gloire et la liberté de notre pays ? On arrive à la tyrannie par le secours des fripons ; où courent ceux qui les combattent ? Au tombeau et à l'immortalité. Quel est le tyran qui me protège ? Quelle est la faction à laquelle j'appartiens ? C'est vous-mêmes. Quelle est cette faction qui depuis le commencement de la révolution a terrassé les factions, a fait disparaître tant de traîtres accrédités ? C'est vous, c'est le peuple, ce sont les principes. Voilà la faction à laquelle je suis voué, et contre laquelle tous les crimes sont ligués…
il y a deux puissances sur la terre, celle de la raison est celle de la tyrannie ; partout où l'une domine, l'autre en est banni. Ce qui dénonce comme un crime la force morale de la raison cherche donc à rappeler la tyrannie.…
Qui suis-je, moi qu'on accuse ? En esclaves de la liberté, un martyr vivant de la république, la victime autant que l'ennemi du crime.
Peuple, souviens-toi que, si, dans la république, la justice ne règne pas avec un empire absolu, et si ce mot ne signifie pas l'amour de l'égalité et de la patrie, la liberté n'est qu'un vain nom ! Peuple, toi que l'on craint, que l'on flatte et que l'on méprise ; toi, souverain reconnu, compterait toujours un esclave, souviens-toi que partout où la justice ne règne pas, ce sont les patients des magistrats, et que le peuple a changé de chaînes, et non de destinées !
Et Robespierre terminait ainsi son dernier discours : je suis fait pour combattre le crime, non pour le gouverner. Le temps n'est point arrivé où les hommes de bien peuvent servir impunément la patrie ; les défenseurs de la liberté ne seront que des proscrits, tant que la horde des fripons dominera ».
Dans ses études sur Robespierre, éditions sociales 1988. Albert Mathiez écrit ceci :
dans le chapitre pourquoi nous sommes Robespierriste ?
Il nous semblait difficile d'admettre que l'homme d'État, qui jouit de son vivant d'une popularité immense, tel qu'il n'y en eut peut-être jamais, et dont la mort laissa un tel vide que la République fut ébranlée jusqu'à la base, n'aurait été qu'un politicien médiocre presque dénué de talent ; il nous semblait impossible de croire que celui que les sans-culottes surnommés l'incorruptible n'aurait été qu'un ambitieux sans scrupule qui n'aurait eu de la vertu que le masque.
Connaissant les vices du parlementaire, Robespierre préconise pour les prévenir des remèdes énergiques : les élections seront fréquentes, les représentants ne pourront être réélus qu'après un long intervalle, ils ne pourront être appelés au ministère ni aux fonctions à la nomination de l'exécutif. Ainsi ils ne seront pas de tenter de faire de leur mandat un métier. Le politicien professionnel lui paraît la plaie de la démocratie. « Si parmi nous les fonctions de l'administration révolutionnaire ne sont plus des devoirs pénibles, mais des objets d'ambition, la république est déjà perdue » (Maximilien Robespierre).
En faveur de la brièveté du mandat législatif il faisait valoir cet argument de bon sens qui n'a rien perdu de sa valeur : « Il faut que les législateurs se trouvent dans la situation qui confond le plus leur intérêt et leur vœu personnel avec celui du peuple ; or, pour cela, il est nécessaire que souvent ils redeviennent peuple eux-mêmes. Mettez-vous à la place des simples citoyens, ou de celui qui est sûr de n'être bientôt plus qu'un citoyen, ou de celui qui tient encore à son pouvoir par l'espérance de le perpétuer ? ». Pour que la démocratie existe véritablement, il ne faut pas en effet que le parlementaire se distingue du citoyen et qu'au-dessus de la nation se constitue un corps de professionnels de la politique. Si les députés étaient assurés de rentrer dans la vie privée après chaque législature, assisterions-nous à cette ruée de surenchère qui mine et démoralise le pays ?
Robespierre n'a que du mépris pour les hommes d'État, dont tout le savoir-faire consiste à se saisir du pouvoir et à s'y maintenir, coûte que coûte, « je n'aime point, s'écriait-il, le 17 mai 1791 dans son mémorable discours contre la réélection des constituants, cette science nouvelle qu'on appelle la tactique des grandes assemblées ; elle ressemble trop à l'intrigue, et la vérité la raison doive seules régner dans les assemblées législatives ». C'est parce qu'il dédaignait les manœuvres savantes des couloirs qu'il fut si facile à ses ennemis de préparer dans l'ombre le coût du 9 thermidor.
Nous avons fait la preuve que les premières accusations qui conduisirent à l'échafaud Hérault de Séchelles et Chabot, puis les Hébert ist, puis par voie de conséquence des Dantonistes eux-mêmes, tous considérés comme agents de l'étranger, ont été l'œuvre de Fabre d'Églantine.
Nous avons fait la preuve que Danton était derrière toutes les intrigues d'agiotage comme derrière toutes les intrigues de contre-révolution.
À ces quelques citations nous pourrions en ajouter quelques-unes prises dans le livre d'Alexis Corbière et Laurent Maffeïs « Robespierre revient ! » (Édition Bruno Leprince : « oser le citer et le défendre, c'est prendre aussitôt le risque en retour des pires insultes. Et, comme toujours, à travers lui, c'est la grande révolution qui est visée » (*)
Toutes les mesures d'exception appliquées en 1793-1794 sont loin d'être imputables au seul Robespierre. Il est même étranger à la plupart d'entre elles. Par exemple, certains tentent parfois de lui imputer les 2585 condamnations à mort prononcées par le tribunal révolutionnaire de Paris. Savent-ils que ce n'est pas Robespierre, mais Danton qui a été son initiateur ?
Quand il est lui-même victime d'un attentat orchestré par une illuminée, il s'oppose aussi à son exécution pourtant demander à cor et à cri par le reste du comité des sans-culottes.
Le 24 septembre 1791, il est l'un des premiers à réclamer pour les hommes de couleur les mêmes droits que pour les autres citoyens et affirme que si l'on proclame la liberté pour le peuple français, on ne peut pas la refuser à tous les autres hommes. Cette affirmation de l'unité du genre humain fournira la base théorique et politique de l'abolition de l'esclavage proclamé par la convention en 1794. Une conquête montagnarde que Napoléon s'empressera d'annuler avant que la république ne confirme « définitivement » l'abolition de l'esclavage en 1848.
Le 30 mai 1791, il réclame l'abolition de la peine de mort en ces termes : « écoutez la voix de la justice et de la raison ; elle vous crie que les jugements humains ne sont jamais assez certains pour que la société puisse donner la mort à un homme condamné par d'autres hommes sujets à l'erreur ».
Le 1er août 1793 il s'oppose à la proposition de Danton d'ériger le comité de salut public en véritable gouvernement détaché de l'assemblée, comme à l'idée de le doter d'un budget discrétionnaire.
On lui doit l'invention de ce qui deviendra en 1848 la devise républicaine « liberté-égalité-fraternité ».
Pour terminer ce texte, rappelons qu'Adolphe Thiers, quand il réprime la commune de Paris en 1871 fait exécuter 23 000 personnes pour la seule semaine sanglante. Malgré cela, il existe une rue Thiers dans la plupart des grandes villes de France et notamment à Grenoble.
Avec Jean Ferrat je dirais que ma France est celle qui répond toujours du nom de Robespierre. Et surtout pas celle de Napoléon (entre 1 et 7 millions de morts selon les sources *), ni celle des guerres de religions, ni celle du colonialisme ni celle de Philippe Pétain** le soi-disant vainqueur de Verdun.
En m'excusant d'avoir été aussi long.
Michel Cialdella







Bibliographie sélective.
Étude sur Robespierre par Albert Mathiez. Éditions sociales 1988.
Robespierre revient ! Alexis Corbière, Laurent Maffeïs - Préface de Claude Mazauric. Édition Bruno Leprince. 2012.
Robespierre : entre vertu et terreur. Slavoj Zizek. Éditions stock 2008.
Robespierre. Discourt sur la religion, la république, l'esclavage. Éditions l'aube. 2006.
Robespierre. La fabrication d'un monstre. Jean Clément Martin. Éditions Perrin. 2016.
Robespierre. Pour le bonheur et la liberté. Discours. Éditions la fabrique.2004.
Robespierre. Écrits. Présenté par Claude Mazauric. Éditions sociales. 1989.
Robespierre. Hervé Leuwers. Éditions fayard. 2014.
Maximilien. Le tribun de la constituante. Histoire de Robespierre. Marianne Becker. Édition le temps des cerises. 1998.
* Wikipédia.
** La vérité sur l'affaire Pétain. Henri Guillemin. Editions utovie / h.g. - 2012


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