mercredi 28 décembre 2016

Le coup du père François



L'irruption de François Fillon dans le domaine de la Sécurité sociale et notamment de la branche maladie, a au moins le mérite d'avoir relancé le débat. J'ai signé la pétition proposée par le professeur André Grimaldi. Mais pour autant je ne suis pas d'accord avec certaines de ses propositions.
Tout d'abord, il faut en finir avec la fable du "pacte social français "et du "consensus national". En réalité il y a eu en 1945 un rapports de force favorable aux travailleurs et surtout pas de consensus. En témoigne la proposition de loi du MRP du 22 décembre 1945 qui voulait revenir sur les ordonnances du 4 octobre. Quant au patronat il ne faisait pas partie du conseil national de la résistance pour cause de collaboration avec l'ennemi. Dès 1948, le CNPF, à peine organisé, soutient que « la Sécurité sociale met en danger l'économie du pays »
le 10 novembre 1948, la chambre de commerce de Paris affiche un diagnostic sans appel : « La Sécurité sociale est devenue pour l'économie une charge considérable. » Dans la foulée, elle vitupère les salariés : Ils « ont profité de traitements dont ils n'avaient peut-être pas un besoin certain, la moindre maladie a été le prétexte de repos. L’absentéisme s’est développé ». 70 ans plus tard, ils ont du mal à se renouveler. Alors pour le consensus on repassera. La droite et le patronat ont subi la sécurité sociale, mais ne l'ont jamais acceptée. Aujourd'hui le rapport des forces a changé et la droite et le Medef par Fillon interposé se croient autorisés à mener l'offensive finale.

De « réforme » en « réforme », ils ont affaibli notre Sécurité sociale. Les complémentaires, mutuelles ou assurances privées ont progressé sur les reculs imposés à la Sécurité sociale. De ce point de vue tous les gouvernements sans exception sont complices du désastre. Ils ont organisé le « déficit ». En effet pour détruire cette institution qui a fait la preuve de son efficacité, le seul moyen à leur disposition c'est de la mettre en difficulté financière. Sinon comment justifier ce qu'ils osent appeler des « réformes ». Il faut affirmer haut et fort qu'il ne n'ont aucune légitimité pour détruire ce qui ne leur appartient pas.
Voyons pour les désaccords avec le professeur André Grimaldi.
Il propose un remboursement à 100 % pour l'hypertension artérielle en revanche l'homéopathie et les cures thermales peuvent être prises en charge par les complémentaires sources d'inégalités. Les économies réalisées par la Sécu seraient des dépenses supplémentaires pour les citoyens qui se verraient contraints (pour ceux qui le peuvent) à prendre une complémentaire.

Il est connu que les coûts de gestion de la sécurité sociale sont inférieurs à 6 % alors que pour les mutuelles, c'est 20 à 25 %. Donc si on cherche des économies il faut aller vers la suppression des complémentaires inutiles inégalitaires et coûteuses. Cela pourrait se faire de la façon suivante une fusion des quelque 400 complémentaires (les vraies mutuelles) qui pourraient fonctionner comme la Sécurité sociale à savoir "on paye selon ses moyens et on reçoit selon ses besoins". Les prestations seraient les même pour toutes, ce qui faciliterait l'intégration de celle-ci dans une Sécu universelle. Bien sûr cela nécessite un rapport des forces et une volonté politique qui n'existe malheureusement pas ni chez les dirigeants des mutuelles, ni chez les élus .

 Selon moi, la vraie question est " l'homéopathie et les cures thermales sont-elles efficaces ? Si oui il n'y a aucune raison de ne pas les prendre en charge. Sinon elles ne font plus partie du système. De même pour les médicaments, il faut revenir sur la notion de médicaments de confort qui n'a jamais eu aucun sens tant il est vrai que c'est confortable de ne pas être malade. Un tri doit donc s'opérer. Nous avons les outils pour cela : les hôpitaux universitaires, les facs de pharmacie, l'INSERM, le CNRS, tous organismes publics. Un principe le simple : ou un médicament est utile et il est pris en charge à 100 % ou il est inutile, voire dangereux, et il faut cesser de le produire. Bien sûr, pour réaliser cela il faut que les laboratoires pharmaceutiques échappent au système marchand. Il conviendrait donc dans un premier temps de les nationaliser sans indemnisation (ils se sont assez goinfrés comme cela). Ensuite, transformer cette nationalisation en propriété sociale, à l'instar de la Sécurité sociale, sans PDG, sans actionnaires, sans épargne et....ça marche !

Ensuite, selon le professeur il faut évidemment voter des budgets à l'équilibre. Jusqu'en 1995 on se passait du vote du budget. En tout cas, ça n'est pas à l'Assemblée nationale de s'occuper de cela. Les députés feraient mieux de faire respecter les lois, de traquer les fraudeurs fiscaux, de contrôler le gouvernement . Il faut se rappeler que la sécurité sociale organismes de droit privé avec mission de service public avait le statut des mutuelles. La première grande victoire du patronat a été de faire en sorte que la Sécurité sociale ne décide pas des taux de cotisations. On élirait des conseils d'administration,  à la proportionnelle sur listes syndicales de salariés (uniquement), les patrons n'ont rien à faire dans la gestion de notre salaire socialisé. Ces conseils d'administration investis des prérogatives nécessaires décident chaque année du montant des cotisations. Ainsi nul besoin de caisses de recouvrement de la dette qui emprunte sur les marchés financiers. La Sécu ne doit pas enrichir les banquiers.

Dans une sécurité sociale universelle, ce pourrait être sous la forme d'une cotisation unique, globale versée par l'entreprise pour les quatre branches de la Sécurité sociale (de nouveau unifiée) : maladie qui comprendrait la dépendance, accidents du travail et maladies professionnelles, vieillesse, famille auxquelles on pourrait ajouter ce qui était prévu :  le chômage.
En 1946 Ambroise Croizat, au cours d'un discours sur la Sécurité sociale, disait : « il faudra bien que la France se décidât à avoir un jour, que j'espère prochain, une assurance contre le chômage »
(1).

Voilà ce que pourrait être une Sécurité sociale en 2017. Et que l'on ne me dise pas que c'est impossible. Ce qu'on réalisé nos anciens dans une France dévastée par 4 années de guerre était juste impossible et ils l'ont fait.

Avec un PIB qui a été multiplié par 7,5 en valeur entre 1950 et 2015, nous devrions faire beaucoup mieux. Comme le rappelle Bernard Friot dans le film "La sociale" : "Aujourd'hui, nous avons bien plus de tremplins que n'en avait Croizat en 1945, et qui n'attendent que notre détermination politique, et que notre enthousiasme collectif  ".

Michel Cialdella

 

 

1 - à l'Assemblée nationale constituante séance du 8 août 1946.

 

mardi 20 décembre 2016

Quand F. Fillon nous le fait à la Coluche...

 
 
 
Mon Edito sur le blog "Le virage humain"

Quand F. Fillon nous le fait à la Coluche

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