Non Monsieur Gattaz, les
travailleurs ne sont pas des charges, mais par contre vous, vous êtes lourd !
À
l'instar de vos ancêtres qui, abandonnant le sigle CGPF marqué par la
collaboration avec le régime de Vichy, se transforme en CNPF et dès 1948,
à peine organisé, soutient que « la Sécurité sociale met en danger
l'économie du pays », la
chambre de commerce de Paris proclame que « La Sécurité sociale est devenue
pour l'économie une charge considérable. ». À votre tour, vous entonnez le grand air "des-charges-qui-pèsent-sur-l'entreprise".
Et comme il n'y a aucune raison de se gêner, vous réclamez 100 milliards
d'euros d'allégements. Bien sûr c'est avec l'objectif de créer 1 million
d'emplois. Visiblement vous êtes plus ambitieux que votre père qui lui,
proposait d'en créer 500 000, si on supprimait l'autorisation
administrative de licencier. L'autorisation administrative
fut supprimée. Pour les emplois on les attend toujours. Sur la page d'accueil
de votre site Web, on peut lire : « l'urgence c'est l'emploi ! ».
Comme disent les jeunes
aujourd'hui : « mort de rire ! ».
Dans votre lettre au
président de la République, vous écrivez « La baisse de la fiscalité qui pèse sur les entreprises. Nous avons 150
impôts qui entravent notre compétitivité. Il est urgent d’alléger ces charges ». Ah oui, et combien de niches fiscales qui permettent aux grandes
entreprises de payer moins d'impôt sur les sociétés que les PME ?
Aucun salarié ne croit
à votre fable. Depuis que le patronat existe il a bien plus l'obsession de la
facilité de licencier plutôt que le souci d'embaucher. On se demande d'ailleurs
à quel moment vous avez été empêché de licencier.
Ce que vous appelez "charges
" représente 15,7 % de la richesse
produite. Leur poids a plutôt diminué en tendance. En 1989, année où elles ont
été le plus élevées elles représentaient 16,9 % de la valeur ajoutée, 1,2 point
de plus)....Les dividendes distribués aux actionnaires ont représenté 7,5 % de
la valeur ajoutée des entreprises en 1993, 12,5 % en 2000, 20,6 % en 2006,
juste avant la crise financière, près de 20 % en 2012.(1).
Au Medef vous prétendez
représentants des entreprises alors que vous n'êtes que les représentants des
patrons. En effet les entreprises ne sont pas seulement des bâtiments, des
machines, des bureaux. Pour que vous fassiez du profit, il faut aussi des gens
qui y travaillent. De ce point de vue les salariés sont les authentiques
représentants des entreprises par ce que sans eux il ne se passe rien. C'est
sur leurs dos que le capitalisme s'est développé et que les grands patrons se
sont goinfrés. Et lorsque de petites entreprises sont en difficulté, ça n'est
jamais à cause de ce que vous appelez « charges », mais à cause de la
domination des grandes entreprises dont la plupart du temps les petites sont
sous-traitantes. À ce sujet un patron de PME me confiait qu'il avait souvent
beaucoup de mal à se faire payer par une grande entreprise grenobloise !
Déjà au XVIIIe siècle,
le curé de Mauchamp, Pierre DOLIVIER écrivait « Les
riches se croient fort nécessaires aux malheureux ; et lorsqu’ils en
occupent un grand nombre à leurs terres ou à leurs ateliers ils disent avec une
sorte de jactance qu’ils font vivre beaucoup de monde. Ils devraient dire qu’il
faut beaucoup de monde pour les faire vivre dans leur opulent loisir ».
Vous
vous prétendez entrepreneur ? Alors, cessez de mendier et montrez-le. Au cours
de mon mandat d'administrateur à la CPAM de Grenoble, en aparté, je posais, à un
représentant du CNPF local, la question suivante : « que sont devenus vos capitaines d'industries, qui certes exploitaient
les travailleurs, mais développaient leurs industries ? ». Sans hésitation
il me répondit : « il n'y en a plus… Il
n'y a que des financiers ». Ça n'est pas moi qui le dis.
Dans un livre récent,
quelqu'un dénonçait :
« La dictature des actionnaires dans les entreprises obligées souvent à
verser en dividendes l'argent nécessaire à des investis semant indispensable
».
«
D'un côté les médias n'ont cessé de nous
répéter, et ne cessent encore de le faire, que le travail en France coûtait et
coûte toujours trop cher. On paye trop les salariés. Les charges sociales sont
trop élevées. Baisser le coût du travail est devenu une obsession. De droite
comme de gauche. J'en veux pour preuve la formidable modération salariale que
la loi sur les 35 heures, préparée par Martine Aubry, a permis : en échange
d'une diminution du temps de travail, il a fallu accepter une longue stagnation
des salaires. Que les salariés aient dû produire en 35 heures ce qu'ils produisaient
en 39 heures importait peu. L'essentiel était de limiter au maximum les coûts.
Comme cela ne suffisait pas, les allégements de charges ont reporté sur le
contribuable un poids annuel de 30 milliards d'euros portait jusque-là par les
employeurs. Ce transfert explique une très large partie de la dette publique
contractée depuis 15 ans. Quand on sait que l'essentiel des impôts est acquitté
par les salariés en réalité cette opération a consisté à reporter sur ceux qui
travaillent ce qui incombait auparavant à ceux qui les emploient ».
«
Ce qui sert à tous est stigmatisé : la
sécurité sociale, l'école, les dépenses publiques, l'impôt. Ce qui sert à
l'élite et au paraître est vanté : les montres en or, les vacances de luxe,
l'héritage, la rente, le tape-à-l'œil des grosses voitures, les petits
arrangements entre amis ou entre membres d'une même famille pour réussir sans
effort. Et surtout, il y a ce sentiment étrange d'être dissident dès lors que
l'on approuve pas personnellement ces évolutions ».
Quelle
lucidité ! Serait-ce le secrétaire général de la CGT ? Non ! C'est l'un des
vôtres qui écrit : « Énarque, membre du Medef, président de
l'APEC, je jette l'éponge ! » (3).
Un jour, en famille, je
tentais d'expliquer que les patrons ne payaient rien même pas leurs cotisations
syndicales qui sont payées par l'entreprise dans la rubrique frais généraux (4).
(À l'époque j'ignorais que l'UIMM avait
une caisse noire abondée sur le dos des métallos). J'expliquais que les charges,
ça n'existait pas et qu'en dernier ressort c'est le consommateur qui payait.
L'idéologie dominante, la pensée unique faisaient que les membres de ma famille
avaient du mal à comprendre. C'est alors que l'un d'eux, un artisan s'exclama :
« il a raison le Monsieur, moi je facture
à mes clients ».
C'est évident les
charges salariales n'existent pas, en effet comment appeler charge le travail
seul source de richesse ? Cependant il y a des charges dont vous ne parlez
jamais, ce que de plus en plus nombreux, les syndicats, les associations
d'éducations populaires, les économistes hétérodoxes appellent le "coût du
capital". À côté des 200 milliards, environ, extorqués par les
actionnaires, les aides diverses et variées qui se chiffrent également en
dizaines de milliards, la fraude fiscale estimée à 45 milliards par an, les
déserteurs fiscaux qui nous coûtent environ 80 milliards d'euros par an, les
100 milliards sur cinq ans, que vous quémandez font figure d'aumône.
Et puis, pouvez-vous me
dire combien de PDG du CAC 40 payent leurs impôts en France ?
Arrêter de prendre des
salariés pour des sous-développés du bulbe ! Dans notre pays démonstration a
été faite que l'on pouvait se passer des patrons. En témoignent les grandes
entreprises nationales comme Renault (avant qu'on ne la transforme en société privée),
les grands services publics comme EDF - GDF, la SNCF, les PTT, la Sécurité
sociale qui réussit à fonctionner malgré tous les coups que lui ont portés
gouvernements et patronat.
En 1977, Yvon Chotard, vice-président
du CNPF exprime dans un rapport l'hostilité viscérale du patronat à l'égard de
la sécurité sociale en des termes sans équivoque :
extraits de ce rapport
:
Système
profondément « inadapté », machine « gigantesque »,
complexe, « anonyme », « irresponsable » dont
le coût s’accroît plus rapidement que la richesse nationale. « Notre
système de Sécurité Sociale ne peut continuer à se gonfler indéfiniment sous
l’influence de mécanismes anonymes irresponsables et incontrôlés. »
Structure monstrueuse dont le poids a sans doute dépassé le seuil du tolérable,
« machine à annihiler la personnalité humaine », système « aberrant »,
système « kafkaïen ».
Si ça n’est pas de la haine, ça lui ressemble
étrangement !
Si le capitalisme a permis à
certains développements et a accepté, contre son gré, grâce au rapport des
forces favorables aux salariés et dans la confrontation avec les pays qui
construisaient le socialisme, des avancées sociales. Aujourd'hui il est devenu
un frein au développement humain le seul but d'une société civilisée.
Le milliardaire américain Warren
Buffett disait que « la guerre
des classes existe, c'est en fait, mais c'est la mienne, la classe des riches,
qui mène cette guerre, et nous sommes en train de la remporter ». Jaurès avait raison : le capitalisme c'est la
guerre !
Seulement nous sommes en
France et les travailleurs français sont plus cultivés que les travailleurs
américains (c'est un américain qui me l'a dit) et un jour, ne vous en déplaise
ils prendront le manche !
À bon entendeur salut.
Michel Cialdella, retraité,
ancien de la métallurgie.
1. Chronique
de Pierre Ivorra. L'Humanité du mardi 21 janvier 2014.
2. Pierre
d'Olivier « Essai sur la justice primitive » 1793.
3. «
Jusqu'ici
tout va bien ! » Éric Verhaghe - éditions Jacob Duvernet - 2011
4. Information
donnée au CE d'une entreprise grenobloise de machine-outil. L'entreprise « BILLAUD
», aujourd'hui disparue.
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