Ma chronique de l’extrême centre.
De l’eau chaude à la patate bouillante
De l’eau chaude à la patate bouillante
Vendredi, 12 Avril,
2019
Nos ami.e.s d’Italie ont une savoureuse expression
pour décrire une banalité dite avec la certitude d’avoir découvert la Lune :
« l’invention de l’eau chaude. » On peut attribuer cette expression à Édouard
Philippe, qui vient de se rendre compte que les Français.e.s veulent payer
moins d’impôts. Ou, plutôt, il manipule leurs doléances, peu nombreuses (si
l’on compare aux 60 000 cahiers de 1789), pour transformer leurs
propos. Depuis que l’État s’est réellement construit, sous le règne de
François Ier, au XVIe siècle, il a toujours imposé davantage ses sujets
contribuables pour mener à bien ses guerres, distribuer ses prébendes. Après
1789, l’impôt se transforme en contribution, mais est demeuré impopulaire,
voire source de révoltes. Pourtant, c’est l’impôt qui finance l’école, la
santé, les infrastructures collectives, les transports publics...
Affirmer que les Français.e.s veulent payer moins
d’impôts relève soit de la lapalissade la plus affligeante, soit du calcul
politicien et cynique le plus froid. Ils ont tout simplement exprimé que
l’impôt est injuste. Ils réclament la solidarité entre les citoyen.ne.s. Ils
désirent que les contribuables les plus riches paient leurs impôts à hauteur de
leur fortune, que l’ISF soit rétabli et que flat tax et Cice soient
supprimés. Ils veulent d’autant moins réduire les impôts globalement qu’ils
revendiquent, de façon cohérente, que les acquis de la politique sociale de la
santé soient maintenus, que l’école républicaine et facteur d’ascension sociale
soit une priorité. Édouard Philippe transforme ce message et le tord dans son
sens ultralibéral. Il tronque le sens de la demande des citoyen.ne.s pour
désengager l’État de ses fonctions régaliennes et de ses responsabilités de
défense du bien général et de la richesse commune, pour que les mieux nanti.e.s
paient moins d’impôts. Voilà ce qu’il faut entendre de la conclusion hâtive et
faussement banale du premier ministre. Mais, à prendre les Français.e.s pour
des innocent.e.s ébahi.e.s par l’invention de l’eau chaude, il court le risque
de devoir jongler avec la patate bouillante de la colère de
citoyen.ne.s qui, en plus d’être durement traité.e.s par une politique
fiscale injuste, se voient traité.e.s comme des spectateurs à la foire à
qui on ferait prendre des vessies pour des lanternes.
Par Pierre Serna
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