Irresponsabilité.
Faut-il en rire ou s'en désespérer
? La servilité face à leur maître
des députés de la Macronie, qui vantent, après l'avoir combattue, la possibilité
offerte demain au président-monarque d'avoir le dernier mot au congrès face aux
représentants de la nation, montre le degré d'abaissement du Parlement auquel
conduit le régime actuel des institutions. Nul besoin d'en rajouter en
permettant de piétiner jusqu'au bout la séparation des pouvoirs. Après avoir
contraint les élus à écouter aux gardes-à-vous le discours du trône,
l'omnipotence du chef de l'État serait ainsi consacrée, en même temps que son
irresponsabilité, puisque le congrès n'aurait nuls moyens de le censurer. C'est
ce qui se profile si la bien nommée majorité présidentielle entraîne par son vote
le Parlement tout entier à se saborder lui-même en cédant aux désirs de
l'Élysée.
Dans quelle démocratie au monde le
président de la République réunit-t-il le
pouvoir législatif pour lui annoncer qu'il amende de son propre chef un projet
de loi constitutionnelle en vue d'élargir ses pouvoirs ? À part, peut-être,
dans la Turquie d'Erdogan, cela n'existe pas. Et Emmanuel Macron féminine de
s'étonner du reproche qu'on lui ferait de « respecter
la constitution » en convoquant le Parlement une fois l'an à Versailles. Qu'il
n'enfreigne pas la loi fondamentale, c'est bien le moins ! Le problème est,
bien entendu, ailleurs : il réside dans la fuite en avant présidentiel est
entamé avec la constitution de 1958, et poursuivie par la réforme du
quinquennat présidentiel en 2000, puis par la révision sarkozyste voter de
justesse par le congrès, il y a 10 ans.
Au
moins le texte fondateur de la Ve République avait-il été approuvé par
référendum. Ce n'est pas la voie choisie par Emmanuel Macron qui, comme Sarkozy
en 2008, préfère mener des tractations de couloirs au Parlement. Comme quoi, on
peut aspirer à devenir monarque absolu et s'accommoder du « régime des partis »
qu'on fustige quand il s'agit de contourner le peuple.
Sébastien
Crépel, éditorial de l'Humanité du 19 juillet 2018.
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