"VOS
PAPIERS !"
En 1923, lorsque mon
grand-père et ma grand-mère arrivent en France avec 5 enfants (dont mon père), fuyant la montée du
fascisme en Italie, je ne suis pas sûr qu'ils aient eu des "papiers".
Cela s'est fait après.
Mon père avait 3 ans et n'est devenu Français qu'en 1940 à l'âge de 20 ans pour
pouvoir s'engager dans l'armée française. Après la débâcle de l'armée française
(trahison de la bourgeoisie française (1)
) il prend contact avec la Résistance et échappe de peu au STO grâce au
Commandant Nal ( héros de la Résistance
) qui lui fournira des "faux papiers"…Des policiers français (qui avaient sûrement des papiers en règle…
eux) étaient venus le chercher à l'entreprise dans laquelle il travaillait
(PERMALI à Fontaine).
Un policier français
accompagnait un soldat allemand lorsqu'en pleine nuit ils frappèrent ( au hasard ? ) à la porte au deuxième
étage du 15 de la rue de la Mutualité à Grenoble. Pendant que le soldat allemand
mettait la baïonnette sur le ventre de mon père, le policier français fouillait
les deux pièces où nous habitions, à la recherche d'armes… Ne trouvant aucune
arme, et pour cause le révolver, mon père l'avait dans sa poche…ils allaient
quitter l'appartement lorsque le policier français revint sur ses pas pour
s'emparer d'une chevalière et d'une gourmette en or (des bijoux de famille). Comme mon père protestait, le flic français
(qui devait avoir ses papiers en règle),
injuria mon père : "Ta gueule !".
Mon père est décédé en
2002. Je peux donc raconter la fin de cette "petite" histoire. À la
Libération mon père a rencontré par hasard le voleur de bijoux et lui a flanqué
une magistrale raclée…
Avec des camarades
communistes, il imprimera, dans la cave
de l'un d'entre eux, "Les Allobroges", journal communiste de la Résistance et
participera à sa distribution au risque de sa vie.
Dans la même période un
"voisin" au nom bien français, qui avait sûrement un tas de papiers,
devient chef de la milice de Pétain et plus tard des Waffen SS, un nommé Esclach
qui assassinera entre autres, Paul Vallier et sera, avec son équipe,
responsable de la mort de 200 résistants (2).
En 1943, en pleine occupation,
mon père adhère à la CGT dans la clandestinité. À la libération il participera
à la mise en place des Comités d'entreprise, initiés par Ambroise Croizat. Il
adhérera également au Parti Communiste Français.
Comme des milliers
d'immigrés, notamment italiens, il participera au développement économique de
la France par son travail. Aux avancées sociales par l'action syndicale et
politique.
Aujourd'hui, les immigrés contribuent
toujours à la création de richesses. Une étude publiée en 2010 le confirme :
"Les travailleurs immigrés en France
s'acquittent chaque année de 60 milliards d'euros d'impôts et de cotisations sociales,
alors qu'ils reçoivent dans le même temps 48 milliards d'allocations publiques,
soit un solde positif de 12 milliards €
au bénéfice de l'Etat, de la Sécurité sociale et du financement des retraites
".(3)
Ces
faits accentuent mon dégoût pour la
politique sarkozyste de stigmatisation de l'immigré qui serait responsable de
tout nos maux. Nicolas Sarkozy est le
fils d'un aristocrate Hongrois qui en 1944, à l'approche des troupes
soviétiques s'est enfuit en Allemagne. Il s'établit en France en 1948 malgré
que la Hongrie ait participé à la guerre au coté de l'Allemagne nazie et contre
les alliés…..Et il est malgré cela président de la République française. Cela
devrait le rendre un peu plus reconnaissant vis-à-vis des immigrés qui "construisent des maisons qu'ils n'habiteront
jamais" comme le chante son copain Enrico Macias. Sarkozy et son clan,
non seulement ils ne créent pas de richesse mais ils nous coûtent cher…
Souvenons nous des
résistants immigrés membres des FTP - MOI, ceux de l'Affiche rouge. Ils
luttaient contre le nazisme. Ils furent fusillés par l'occupant et sont morts
en criant "VIVE LA FRANCE".
Vingt-trois résistants communistes et immigrés
de qui on n’avait pas exigé des papiers, effectuèrent 229 actions armées contre
l’occupant allemand avant d’être arrêtés grâce à la traque de la police
française qui avait mis 200 limiers (4) pour ce "travail". Un
héroïsme dont Aragon fit un poème (5) et Léo ferré une extraordinaire chanson,
qui renvoie les pourfendeurs de l’immigration à leur crétinerie.
Le 21
février 1944, dans une lettre à son épouse, Missak Manouchian leur chef
écrivait « Au moment de mourir, je
proclame que je n’ai aucune haine contre le peuple allemand et contre qui que
ce soit, chacun aura ce qu’il méritera comme châtiment et comme récompense. Le
peuple allemand et tous les autres peuples vivront en paix et en fraternité
après la guerre qui ne durera plus longtemps.
Bonheur ! A tous ! »
« …je meurs en soldats
réguliers de l’armée française de la libération ».
Alors que Papon
envoyait hommes, femmes et enfant juifs dans les camps de la mort. De Gaulle le
fit : Préfet de police poste où il joua un rôle capital dans la répression
sanglante des manifestations du 17 octobre 1961 et celle du 8 février 1962
(Charonne). Ministre du Budget de Giscard et il est mort dans son lit avec des
papiers en règle.
Pour en terminer provisoirement
avec les papiers :
Peu après la libération,
mon père se fait arrêter en sortant du travail, le feu rouge de son vélo ne
fonctionne pas.
Le policier lui demande
ses "papiers". Il vérifie la carte d'identité (en règle) et s'exclame : "Et
ce n’est même pas français !". N'ayant pas cette fois une baïonnette
sur le ventre le direct du gauche est parti sur le pif de l'indélicat…
À transmettre sans
modération.
Michel Cialdella
Septembre 2011
(1)
On lira avec intérêt les livres d'Annie Lacroix-Riz : "De Munich à
Vichy" et "Le choix de la défaite".
(2) "Grenoble 40-44, Pierre Giolitto, éditions Perrin.2001.
(3) étude cité dans le document "Le Front
national ou l'imposture sociale".
(4) La traque de l'affiche rouge. Denis Peschanski,
l'Humanité hors série Février 2007.
(5) L'affiche rouge ( Aragon )
Vous n'avez réclamé la gloire les
larmes
Ni l'orgue ni la prière aux
agonisants
Onze ans déjà que cela passe vite
onze ans
Vous vous étiez servis simplement
de vos armes
La mort n'éblouit pas les yeux
des Partisans
Vous aviez vos portraits sur les
murs de nos villes
Noirs de barbe et de nuit
hirsutes menaçants
L'affiche qui semblait une tache
de sang
Parce qu'a prononcer vos noms
sont difficiles
Y cherchait un effet de peur pour
les passants
Nul ne semblait vous voir
français de préférence
Les gens allaient sans yeux pour
vous le jour durant
Mais à l'heure du couvre-feu des
doigts errants
Avaient écrit sous vos photos
MORTS POUR LA FRANCE
Et les mornes matins en n'étaient
différents
Tout avait la couleur uniforme du
givre
A la fin février pour vos
derniers moments
Et c'est alors que l'un de vous
dits calmement
« Bonheur à vous bonheur à
ceux qui vont survivre
Je meurs sans haine pour le
peuple allemand
Adieu la peine et le plaisir,
adieu les roses
Adieu la vie la lumière et le
vent
Marie-toi, sois heureuse et pense
pas moi souvent
Toi qui vas demeurer dans la
beauté des choses
Quand tout sera fini plus tard en
Erevan
Un grand soleil d'hiver éclaire
la colline
Que la nature est belle et que le
cœur me fend
La justice viendra sur nos pas
triomphants
Ma Mélinée ô mon amour mon
orpheline
Et je te dis de vivre et d’avoir
un enfant »
Ils étaient vingt et trois dans
les fusils fleurirent
vingt et trois qui donnaient leur
cœur avant le temps
vingt et trois étrangers et nos
frères pourtant
vingt et trois amoureux de vivre
en mourir
vingt et trois qui criaient et la
France en s'abattant.
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