A propos de prise d'otages.
A chaque grand conflit
dans les transports, la télé nous montre des benêts qui pestent contre les
grévistes (pas contre les responsables
dont la politique est à l'origine du conflit) en les accusant de preneurs
d'otages. Mais savent-ils de quoi ils parlent ?
Tout d'abord il faut
leur rappeler ce qu'ils doivent aux "preneurs d'otages" : les congés
payés, la Sécurité sociale, les hausses de salaire, la réduction du temps de
travail, l'avancement de l'âge donnant droit au départ à la retraite et le
droit de grève dont il a fallu attendre 1864 pour qu'elle ne soit plus un délit.
Pour ces conquêtes, des ouvriers sont morts parfois sous les balles. Des tirs
commandés par Clémenceau, Jules Moch, entre autres….
Il n'y a qu'à demander aux personnes qui ont été prises en otage par des
terroristes ce qu'ils en pensent.
Je veux témoigner de la prise d'otage dont avec des camarades du 30e
Bataillon de Chasseurs Portés (BCP) j'ai été victime.
Nous sommes en juillet 1962 et le cesser le feu est en vigueur. Les
accords d'Evian s'appliquent. La tentative de putsch de l'OAS a été mise en
échec grâce au refus du contingent d'appelés de suivre le quarteron de généraux en retraite (1)
(Challe, Salan, Zeller et Jouhaud), Salan sera arrêté à Alger le vendredi 20 avril 1962. L'OAS continuera un certain temps ses actions terroristes.
Le lundi 25 juin, à 17 h 45, c’est l’apocalypse dans le ciel de la ville. Les réservoirs à mazout de la British Petroleum ont été plastiqués, et 50 millions de litres de carburants brûlent. Vision dantesque de flammes qui montent souvent à plus de 150 mètres. Dans certains quartiers, il fait presque nuit, et cette " éclipse " dure deux jours. Des pompiers, aidés de fusiliers marins de Mers-el-Kébir, tentent de maîtriser l’incendie, tandis que les derniers desperados de l’OAS (Organisation de l’armée secrète) essaient, en tirant à la mitrailleuse sur les réservoirs voisins, d’étendre le désastre.(2)
En
application des accords, Oran est divisée en deux secteurs, un sous contrôle de
l'armée Française et un autre sous le contrôle de l'Armée de Libération
Nationale (ALN).
C'est justement dans un secteur contrôlé par l'ALN que
ma section est chargée d'aller récupérer du matériel appartenant au 30e BCP,
dans une propriété précédemment occupée par l'armée Française. En fin de
matinée deux ou trois camions sont remplis du dit matériel. Sans que nous
n'ayons rien vu arriver, nous nous trouvons encerclés par des combattants de
l'ALN. De la terrasse du bâtiment où nous sommes, nous pouvons voir des
militaires qui occupent les terrasses voisines. Ils font manœuvrer les culasses
de leurs armes (pistolets mitrailleurs, fusils lance-grenade, etc…) pour nous
impressionner. Et je dois dire qu'ils y parviennent ! Le moindre geste suspect de
notre part pouvant déclencher un massacre.
Le temps passe lentement, des tractations ont lieu
entre les chefs de l'ALN et les nôtres. Notre capitaine nous demande de quitter
la terrasse. Des gradés de l'ALN (quatre, si mes souvenirs sont fidèles) entrent
dans la propriété, armés de pistolets mitrailleurs, culasse à l'arrière, prêt à
faire feu. Fort de leur droit et de leur position ils exigent que nous
quittions les lieux en laissant la totalité du matériel et les camions qu'ils
promettent de nous rendre (?). L'ALN aurait paraît-il voulu que nous partions
en laissant armes et munitions….Ce qu'heureusement, le commandant du bataillon
qui suivait (de loin) les opérations refusa… Nous arrivons au quartier à
l'heure de la soupe, affamés car nous n'avons rien mangé depuis le petit
déjeuner. Mais surtout soulagés que cela se termine bien. Depuis ce jour j'ai
une vague idée de ce que peut être une prise d'otage.
Michel
Cialdella
* Charles de Gaulle, le 23
avril 1961.
1) Benjamin Stora, historien
1) Benjamin Stora, historien
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