Une camarade m'a fait parvenir ce texte que je publie sur mon blog avec son autorisation.
MC
Les Prud’hommes : contre l’arbitraire patronal
La liberté de penser s’arrête là où commence le code du travail a déclaré Laurence Parisot. Mais à quoi la patronne du MEDEF veut-elle penser ? A sa condamnation par le Conseil des prud’hommes de Paris pour licenciement sans cause réelle et sérieuse de son ancien directeur général à l’été 2008 (236 OOO euros tout de même) ? Elle a aussi déclaré les prud’hommes, ça insécurise les employeurs et voudrait remplacer le terme de licenciement par celui de séparabilité. Bref madame Parisot, la reine des rapaces (Gérard Filoche) rêve d’une exploitation sans entrave des travailleurs transformés en esclaves modernes et consentants… Elle trouve le Code du travail trop compliqué, ce qui signifie sans doute trop protecteur pour les salariés. Elle doit penser de plus en plus, car le MEDEF a obtenu la recodification du Code du travail, le licenciement par consentement mutuel et l’accord dit de sécurisation de l’emploi signé le 11 janvier 2013. A croire que le Code du travail est responsable du chômage !
Les salariés du privé, quelle que soit la taille de leur entreprise, quel que soit leur type de contrat, ont aujourd’hui un droit commun : pouvoir saisir les prud’hommes (tribunal compétent pour les conflits liés au travail) pour obtenir réparation du préjudice subi.
En limitant la période pour laquelle le salarié peut demander réparation et en incitant fortement les juges prud’homaux à proposer aux salariés une indemnisation très faible, l’accord fait des employeurs la seule catégorie qui échappe en France à la sanction proportionnelle au délit.
Aujourd’hui, par exemple, vous pouvez réclamer le paiement des heures supplémentaires non payées effectuées pendant les cinq dernières années.
Demain, vous ne pourrez plus les réclamer que sur une période de trois ans !
Alors que seulement 3% des chômeurs inscrits à Pôle Emploi ont pu bénéficier d’un plan social, le Medef veut, grâce à cet accord, décider de la procédure de licenciement et du contenu du plan social par simple accord d’entreprise, voire, en l’absence d’accord, par un simple document de l’employeur homologué par la Direction du travail.
Cet accord sécurise les licenciements en essayant de contourner les prud’hommes, dont l’accès, comme l’ensemble de la justice est déjà très dégradé. La réduction des dépenses publiques a eu un effet dévastateur sur l’accès à légalité de tous à la justice : éloignement des tribunaux, baisse des effectifs donc allongement des procédures, dispositifs permettant de contourner les juges, obligation de payer 35 euros pour intenter un contentieux, etc.
Quand Georges Pompidou était président de la République, le Parlement, dominé par la majorité gaulliste de l’époque, a voté la loi du 13 juillet 1973 qui reste le fondement du droit en matière de licenciement, intégré dans le Code du travail sous les articles L. 122-14 et suivants. Les principes en sont simples. Pour rompre le contrat, l’employeur doit respecter une procédure destinée à éviter l’arbitraire de la décision : entendre le salarié au cours d’un entretien préalable pour qu’il puisse s’expliquer sur les faits qu’on lui reproche, respecter un bref délai pour éviter les décisions prises sur un coup de tête ; il doit surtout fonder sa décision sur un ou des motifs et énoncer ceux-ci dans une lettre recommandée.
Le législateur a qualifié de « cause réelle et sérieuse » le motif qui peut rendre légitime un licenciement pour bien faire comprendre qu’il ne s’agissait pas forcément d’une faute du salarié, que le motif ne pouvait pas être inventé de toutes pièces, qu’il était objectif et suffisamment important pour justifier la rupture unilatérale du contrat.
Dans tous les contrats importants, il existe des règles de ce type : respect de délais, énoncé des raisons de la rupture... Dans le contrat de mariage, seul le juge peut décider de la résiliation du contrat en prononçant le divorce. En l’occurrence, au nom du respect de la liberté d’entreprise, notre législation admet que l’employeur puisse se prononcer en premier lieu sur la rupture. Mais sa décision est-elle sans appel de la part de celui qui en est la première victime ? Aucune personne sensée et civilisée ne peut l’admettre. C’est pourquoi un tribunal paritaire spécial, composé de représentants élus des salariés et des employeurs peut être conduit à juger un licenciement non fondé et à condamner l’employeur à verser des dommages et intérêts au salarié licencié abusivement. (René Bourrigaud - Maître de conférences en histoire du droit à l’université de Nantes - 15 mars 2006)
Les élections prud’homales
En 2002, 31,25 % des électeurs ont participé au vote.
En 2008, 25,5 % des électeurs ont participé au vote.
Et en 2013 ou 2014 ?
Certains, bien intentionnés, sans doute, « s’inquiètent » du désintérêt des salariés pour ces élections. Dès le 11 décembre 2002, Bernard Thibault, secrétaire général de la CGT, dans une lettre adressée au ministre du Travail, dénonçait une négligence confinant à l’entrave de trop nombreux employeurs, et à une insuffisance criante de l’organisation administrative faisant douter de l’attachement des pouvoirs publics à l’expression démocratique du suffrage lors des consultations relevant du droit du travail.
De son côté, Gérard Filoche, inspecteur du travail poussait un coup de gueule : « qui empêche d’aller voter sinon l’ignorance due à une information totalement insuffisante ?...Croyez-vous que les 8 millions de salariés qui sont dans des entreprises de moins de 50 salariés sortent librement, comme cela, pour aller voter ?...Croyez-vous qu’un patron laisse son salarié partir et le paye pendant ce temps ? Il accusait : est-ce parce qu’on veut en haut lieu supprimer les prud’hommes ? Supprimer l’élection ? (Voir l’article de Michel Cialdella, Solidarité et Démocratie, bulletin de la FERC-CGT, Académie de Grenoble, Janvier 2003). Rappelons que cette juridiction est une spécificité française et que la CGT est toujours en tête .
En 2012, avant les résultats dans les TPE (très petites entreprises) la CGT parlait d’un fiasco prévisible, compte tenu des conditions déplorables de l’organisation du scrutin qui répondait aux injonctions patronales. La CGT alertait déjà sur les prochaines élections prud’homales. Lorsque les élections professionnelles sont correctement organisées, le taux de participation dépasse le plus souvent les 60 % à 70 %. (Voir le site de la CGT)
Les propos prémonitoires de Gérard Filoche et les alertes de la CGT sont plus que jamais d’actualité. Le libéralisme est contradictoire avec la démocratie, d’où l’intérêt de renforcer la CGT et dès maintenant de convaincre chaque salarié de s’engager et de voter aux prochaines élections prud’homales.
Témoignage.
En 2008, j’étais secrétaire du syndicat FERC-sup CGT de l’Université Pierre Mendès France, de l’Université Stendhal et de l’Institut d’Études Politiques. Egalement élue à la commission exécutive de l’Union départementale, j’étais bien informée de l’importance des ces élections. Stupéfaction de mes camarades du campus quand je leur annonçais qu’il fallait réunir tous ceux qui votaient aux prud’hommes. Quoi, depuis quand les fonctionnaires voteraient-ils à ces élections ? Eh bien oui, dans les services, il y a de nombreux collègues qui votent aux prud’hommes. Certains contractuels, certains salariés d’Instituts (l’IEP par exemple), certains employés d’organismes privés chargés de l’entretien, etc. Bien que les Présidents d’universités soient responsables des tous les salariés, ils ignorent leurs droits et nous avons eu toutes les peines du monde à obtenir la liste des salariés pouvant voter aux prud’hommes. Quant aux responsables des ressources humaines, certains nous ont carrément expliqué que nous nous occupions de ce qui ne nous regardait pas. Des chefs de service, pas au courant, n’ont pas donné l’autorisation de sortie pour aller voter, ni celle d’aller à des réunions d’information dont l’autorisation avait pourtant était accordée par les présidents. Devant tant d’hostilité, des salariés n’ont pas osé aller voter et mes camarades du syndicat et les différents responsables des services ont pensé que j’étais tombée sur la tête de vouloir m’occuper d’une histoire pareille…
Salariés du privé et du public, retraités, chômeurs, occupons-nous des prochaines élections prud’homales afin de redonner toute sa légitimité à cette juridiction que le patronat, qui a le vent en poupe, soutenu par un gouvernement dit de gauche, voudrait supprimer comme une entrave à la liberté d’entreprendre.
Votons pour la CGT, seule organisation syndicale à rappeler que le rapport de force se construit, que le patronat ne se mettra pas spontanément autour d’une table pour négocier entre gens du beau monde (désignés partenaires sociaux) des mesures de progrès social et que l’exploitation n’a jamais été aussi féroce depuis le Programme National de la Résistance qui prévoyait un alignement vers le haut de tous les salariés et non pas vers la précarité, les bas salaires et le chômage pour tous.
Comme le droit social, l’institution des prud’hommes est le résultat de luttes.
1790 : Révolution : apparition du juge élu.
1806 : Les premières élections à Lyon sont une affaire d’élite. Les canuts Lyonnais se s’y trompent pas et avec Floran Tristan y voient une véritable duperie pour l’ouvrier. (Tour de France)
1848 : Révolution de février 1848 : naissance du paritarisme (sans les femmes…).
1968 : Mai, grève générale, début des années 70, la loi institut les prud’hommes dans leur forme actuelle.
2013 : l’accord made in MEDEF (Jean-Luc Mélenchon) ne doit pas être ratifié par le parlement. C’est un accord biaisé, illégitime et minoritaire. Depuis 2008, la loi établit que ce n’est plus le nombre de syndicats signataires qui établit la majorité et la validité d’un accord. Il faut un seuil de représentativité en nombre de voix de salariés derrière les syndicats pour qu’un accord soit valide. Michel Sapin, ministre du Travail devrait publier en avril 2013 les nouvelles règles. La CGT et le Canard enchaîné le soupçonnent de retarder la publication des chiffres. Aujourd’hui, on ne peut se fonder que sur les résultats des dernières élections prud’homales en 2008. Les trois syndicats signataires, CFDT, CFTC et CFE-CGC, obtiennent moins de 40 % des voix des salariés. Les 2 syndicats qui contestent en obtiennent plus de 50 %.
Les fourberies de Sapin (Mélenchon) ne changent rien à la réalité.
Souvenons-nous de la forte contestation, de la vive opposition, de janvier à avril 2006, au CPE (contrat première embauche), institué autoritairement par l’article 49.3, qui ouvrait la porte à l’arbitraire patronal en autorisant, pendant 2 ans, le licenciement sans donner de motif. Le pouvoir exécutif a du reculer.
Rien n’est perdu donc !
Raymonde Bièvre
Mars 2013
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