vendredi 13 janvier 2023

 

Trop borne

Publié l'Humanité  le
Vendredi 13 Janvier 2023

Madame Borne est bien bonne, qui s’inquiète du sort des Françaises et Français en appelant les syndicats à ne pas les « pénaliser » dans « leur mobilisation sur la question des retraites ». La question vient évidemment aux lèvres. Mais qui pénalise qui, avec le report à 64 ans de l’âge du départ ? La sollicitude de la première ministre est, sinon, bien spécieuse, elle qui feint de penser que la mobilisation serait celle des seuls syndicats, quand elle n’ignore pas que de sondage en sondage, 80 % des Français sont opposés à ce report. Sans préjuger de ce qu’il en sera le 19 janvier, on peut imaginer qu’il y aura ce jour-là dans la rue des dizaines de milliers de personnes en train, si l’on peut dire, de se pénaliser elles-mêmes…

On s’étonne qu’une première ministre, si elle prend garde à ne pas utiliser les expressions qui fâchent et dont on ne doute pas qu’elles seront utilisées par d’autres, comme les « prises d’otages » et autres, en soit encore à utiliser de tels arguments, qui ne convainquent personne. Sans doute serait-elle mieux inspirée de regarder la réalité du pays en face. À qui s’adresse-t-elle ? Aux 20 % des électeurs inscrits qui ont voté au premier tour pour Emmanuel Macron ?

Le président de la République multiplie les faux-semblants dans son rapport au pays. Grand débat, petit gadget du Conseil national de la refondation, etc. Mais quand le pays parle, il n’écoute que lui-même, et son gouvernement ne peut légiférer qu’avec les coups de force répétés du 49.3. Ou, comme il le fait pour les retraites, en marchandant avec une droite qui espère voir enfin se réaliser ses souhaits les plus réactionnaires.

Emmanuel Macron feint de croire qu’avec sa réélection, les Français ont validé son programme. Alors oui, il a été élu et c’est incontestable. Mais chacun le sait et il n’y peut rien, il l’a été avec, pour une très grande part, les voix de la gauche. Les électrices et électeurs ne lui ont pas donné la France pour qu’il l’accommode à sa façon. Il a été élu dans le respect de la République et certainement pas pour être à l’origine d’une crise sociale majeure au motif fallacieux qu’il n’y aurait pas d’alternative.

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