lundi 18 février 2019

Le premier ministre voudrait demander des contrepartie aux pauvres !




Michel Cialdella
6, rue Joseph Bertoin
38600 Fontaine

Fontaine, le 16 février 2019



M. le Premier Ministre Édouard Philippe
Hôtel Matignon
57 Rue de Varenne
75007 Paris

Téléphone : 01 42 75 80 00

M. le Premier Ministre.

La rédaction de LCI du 15 février 2019, nous informe, je cite : Edouard Philippe a ouvert la porte à la tenue d'un débat sur les possibles "contreparties" que l'Etat pourrait demander aux bénéficiaires d'allocations. "Moi, ma conviction personnelle c'est que compte tenu de l'importance de nos mécanismes de solidarité, compte tenu de nos finances publiques, compte tenu de la situation d'un pays qui est en croissance mais qui reste avec un taux de chômage élevé, il faut qu'on s'interroge sur ces contreparties, il faut que l'on regarde ce à quoi on peut réfléchir avec nos concitoyens comme contrepartie au versement obligatoire" a déclaré le Premier ministre, reconnaissant lui-même que le sujet était "explosif".

Lorsque, comme vous, on perçoit environ 15 000 euros mensuels bruts (10 fois le SMIC) plus les avantages liés à la fonction, s’interroger sur les contreparties au versement obligatoire que l’on pourrait exiger des pauvres qui sont forcément des profiteurs c’est une misérable provocation. Non Monsieur le premiers ministre, ils sont les victimes de la politique qui est menée depuis des décennies et que votre gouvernement poursuit en l’aggravant. L'incapacité du marché à créer des emplois pour tant de citoyens-est le pire échec du marché, la plus grande source d'inefficacité et une cause majeure de l'inégalité, écrit J. Stiglitz (1).

Les minimas sociaux sont une contrepartie  (bien modeste) des conséquences de cette politique. Je rappelle que le RSA pour une personne est de 550 euros par mois et le SMIC pour 35 heures est de 1521 euros bruts. Si l’on veut « exiger » quelque chose des personnes en situation précaire, il y a un truc…ça s’appelle le salaire et non pas l’aumône.

Vous avez l’obsession des effets, « pervers », selon vous, de l’accès aux aides et droits sociaux, masquant ce que l’Observatoire des non-recours aux droits et services, l’Odenore (laboratoire associé au CNRS), nomme l’envers de la fraude sociale. Selon cet observatoire, plus de 5 milliards d’euros de RSA ne sont pas versés chaque année à ceux qui pourraient en bénéficier. C’est le résultat d’une campagne de culpabilisation des plus pauvres. Dans le même temps, les plus riches, non content de se goinfrer sur notre dos bénéficient d’argent public et pratiquent leur sport favori : l’évasion fiscale qui fait perdre 100 milliards d’euros au budget de la nation.

Votre ancien compagnon de l’UMP, Dominique Tian se voulait pourfendeur de la fraude sociale.
« la France des assistés….. Ces allocs qui découragent le travail ». Alors que de l’avis même du conseil d’État : « la fraude des pauvres est une pauvre fraude »

Auteur d’un rapport parlementaire, (Tian 2011) qui fait état de 4 milliards d’euros de fraude aux prestations contre 16 milliards d’euros aux prélèvements (les patrons). Auxquels s’ajoutent 25 milliards d’euros d’impôts non perçus par le Trésor. Dans le même temps le non-recours c’est :

5,7 milliards d’euros de RSA.
700 millions d’euros de CMU
378 millions d’euros d’aide à l’acquisition de complémentaires

Ce champion de la lutte contre la fraude, député de l’UMP, a été condamné pour « déclaration mensongère de patrimoine » et « blanchiment de fraude fiscale » à 12 mois de prison avec sursis, 1.5 millions d’euros d’amende et trois ans d’inéligibilité (*). C’est qui le fraudeur ?



Les assistés ce sont les actionnaires du CAC 40 à qui vous déversez sans contrepartie « un pognon de dingue » comme dirait le président de la République. Les pauvres envers lesquels vous affichez votre mépris de classe sont beaucoup plus vertueux !

A l’instar de Robespierre je dirai :

« Les abus sont l’ouvrage et le domaine des riches, ils sont les fléaux du peuple : l’intérêt du peuple est l’intérêt général, celui des riches est l’intérêt particulier ; et vous voulez rendre le peuple nul et les riches tout-puissants ! » (Avril 1791).

Notez que la théorie du ruissellement, (même si vous n’employez jamais le mot) est une fable que combat à sa façon Joseph Stiglitz (prix Nobel d’économie) notamment dans son livre « Un autre monde contre le fanatisme des marchés » (2) : Ces économistes du « libre marché » ont le sentiment que les marchés laissés à eux-mêmes, sans interférence de l’État, sont efficaces, et que le meilleur moyen d’aider les pauvres consiste à laisser se produire, tout simplement, la croissance économique : d’une façon ou d’une autre, ses bienfaits ruisselleront jusqu’en bas de l’échelle sociale et toucheront les pauvres. (Notons avec intérêt que ces croyances persistent bien que la recherche en économie les ait privées de tout fondement intellectuel).

Dans un autre livre, il écrit : Si l’on réduit les impôts des riches, ils épargnent une grande partie de ce qu’ils reçoivent. Si on augmente les indemnités de chômage le multiplicateur est élevé, parce que ceux qui se trouvent soudain à court de revenus vont dépenser pratiquement chaque euro que l’on versera. (3) Je cite volontiers Joseph Stiglitz qui n’est pas un bolchevick.

Alors arrêtez de nous prendre pour des illettrés (encore une expression du président) nous ne sommes pas dupe votre objectif c’est  « tout pour les très riches ». Pour terminer n’oubliez pas que ministre cela veut dire « serviteur » et non pas « chef ». Et que les élus sont nos obligés.

Les malheureux sont les puissances de la terre ; ils ont le droit de parler en maître au gouvernement qui les néglige. (St Just).

Michel Cialdella
Citoyen en colère













1 – Le prix de l’inégalité, Joseph Stiglitz, LLL, 2012

2 - « Un autre monde contre le fanatisme des marché ». Joseph Stiglitz, éditions LLL, 2006.
3 - « Le triomphe de la cupidité », Joseph Stiglitz, éditions LLL. 2010.
*  
20 minutes du 26 janvier 2018. « Les faits commis sont d’une particulière gravité », a souligné la présidente Dominique de Perthuis en dénonçant « une violation de la loi et de l’égalité devant l’impôt » par « un élu de la République » dont le comportement se devait d’être « exemplaire ». Ces faits ne peuvent que « nourrir la méfiance des citoyens envers ceux qui les représentent », a-t-elle déploré.

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