Le PCF et la Résistance
Écrit en réponse à une personne
qui pensait que le PCF avait attendu la victoire des Soviétiques à Stalingrad le
2 février 1943
Si le pacte germano-soviétiques a semé le trouble
chez les militants communistes, pour autant il convient de ne pas oublier
l'essentiel : à savoir l'engagement des militants communistes (avec d'autres)
dans la lutte contre le nazisme.
« Le grand écrivain Joseph Kessel qui rejoindra
l'Angleterre, parlera en termes émouvants de la lutte des communistes dans son
livre « L'armée des ombres » (éditions Plon) : nous sommes tous concernés par la même bataille et ce sont les
communistes sur qui l'ennemi s'acharne en premier lieu, nous le savons. Et nous
savons qu'ils sont aussi braves que les plus braves et mieux organisés…
Je ne connais
pas, dans la résistance, un homme qui ne parle des communistes, une expression
spéciale dans la voie et le visage. Une expression plus sérieuse ».
Parlant des fusillés, il ajoute : « les francs-tireurs forment une véritable
armée. La densité des cadavres allemands est devenue telle que l'ennemi a dû
renoncer au système des otages. Il ne peut continuer à aligner 100 morts
français pour un mort allemand, où il lui faudrait assassiner la France
entière. L'ennemi a reconnu ainsi, comme publiquement, que le pays était
au-dessus de la terreur » (1).
Dans un ouvrage publié en 2005 (2) Antoine Porcu, ancien député communiste.
Publie le texte de l'appel du 17 juin 1940 de Charles Tillon.
« Le texte qui va suivre fut rédigé à Gradignan le
16 juin 1940, au moulin du Moulineau, sous le coup de la déclaration de Pétain
à la radio de midi trente. Le lendemain, des camarades en commencèrent la
diffusion. Les exemplaires furent par la suite encartés dans la presse locale
le jour de l'entrée des Allemands dans Bordeaux. Son préambule dénonçait les responsables
de la défaite ralliés par Pétain Laval autour du mot d'ordre qui allait
rassembler les collaborateurs : « plutôt
Hitler que le Front populaire ».
Appel de Charles
Tillon (17 juin 1940).
« Les
gouvernements bourgeois ont livré à Hitler et à Mussolini : l'Espagne,
l'Autriche, l'Albanie et la Tchécoslovaquie… Et maintenant, il livre la France.
Ils ont tout trahi.
Après avoir
livré les armées du Nord et de l'Est, après avoir livré Paris, ses usines, ses
ouvriers, ils jugent pouvoir, avec le concours d'Hitler, livrer le pays tout
entier au fascisme.
Mais le peuple français
ne veut pas de l'esclavage, de la misère, du fascisme. Pas plus qu'il n'a voulu
de la guerre des capitalistes. Il est le nombre : uni, il sera la force.
- Pour
l'arrestation immédiate des traîtres ;
- pour un
gouvernement populaire s'appuyant sur les masses, libérant les travailleurs,
établissant la légalité du parti communiste, luttant contre le fascisme
hitlérien et les 200 familles s'entendant avec l'URSS pour une paix équitable,
luttant pour l'indépendance nationale et prenant des mesures contre les
organisations fascistes.
Peuple des
usines, des champs, des magasins et les bureaux, commerçants, artisans et
intellectuels, soldats, marins, aviateurs encore sous les armes, unissez-vous
dans l'action ».
Signé le parti
communiste.
Ce texte est peu connu, car il faut bien reconnaître
qu'il faisait un peu de l'ombre à l'appel du 10 juillet 1940, signé par Jacques
Duclos et Maurice Thorez.
Quelques
éléments.
L'historien Roger Martelli rappel dans un livre de
1984 :
« La guerre éclate au début septembre 1939. Les
communistes ont déjà depuis longtemps défini leurs attitudes en cas de conflit
: ils iront se battre les armes à la main, contre l'adversaire fasciste honni.
C'est la position de la direction, Thorez, en tête, qui part aux armées - et
des députés communistes au début du conflit. Peine perdue : la répression
sabbat impitoyablement sur les militants actifs, tandis qu'une campagne
anticommuniste sans précédent déferle et culmine le 26 septembre avec la
dissolution officielle du PCF…
Dure période aussi pour une organisation malmenée :
le président du conseil, Paul Reynaud, désigné le 22 mars 1940, se vantera
d'avoir opéré plusieurs milliers d'arrestations, déchu prêt de 2800 élus
communistes de leur mandat est suspendu 317 municipalités. Le 9 avril 1940, un
décret-loi signé par le ministre de la Justice, Sérol, envisage la peine de
mort contre les communistes » (3) .
Si les communistes ont
été pourchassés, ça n'est sans doute pas pour collaboration avec l'ennemi.
Dès le 17 mai 1940, le PCF dans le numéro 47 de
l'Humanité clandestine, devant le désastre de l'invasion qui se dessine,
rappelle les responsabilités : pendant
des années les hommes politiques qui sont aujourd'hui dans les rouages gouvernementaux
n'ont cessé de flirter avec Hitler, le considérant comme le gendarme défendant
le capitalisme contre le mouvement ouvrier (…) La cinquième colonne des agents
du capitalisme du fascisme est intacte dans notre pays ».(1).
Très
tôt, le 16 juin 1940, les communistes brestois constituent leur premier dépôt
d'armes au Bouguen, provenant d'armes abandonnées par l'armée anglaise. Trois
jours après, le 19 juin, l'armée allemande arrive à Brest ! (1).
Le 10 juillet 1940 dans un appel signé par Jacques
Duclos et Maurice Thorez on peut lire, entre autres :
« les
gouvernements français qui n'ont pas voulu la paix ne se sont pas préparés à la
guerre et ont sciemment organisé la trahison.… Le gouvernement de traîtres et
de vendus qui siègent à Vichy… Jamais un grand peuple comme le nôtre ne sera un
peuple d'esclaves… La France ne deviendra pas une sorte de pays colonisés, la
France au passé si glorieux ne s'agenouillera pas devant une équipe de valets
prête à toutes les besognes.… » (1).
Dès
la mi-juin 1940, Guy Moquet réorganise les jeunes communistes du 17e
arrondissement de Paris.
Courant octobre 1940, le PCF créé l'OS (organisation
spéciale), organisation militaire, groupe de protections et de combat, dépendant
de la direction du PCF.
Si l'accent a beaucoup été mis sur le pacte
germano-soviétique c'est peut-être pour mieux masquer le pacte de Munich signé
un an avant. Le 29 septembre 1938, des accords sont signés à Munich entre
l'allemand Hitler, l'italien Mussolini,
l'anglais Chamberlain et le président du conseil français Daladier.
Aujourd'hui,
personne ne se targue d'avoir été munichois ou d'appartenir à ce courant de
pensée. Mais, en 1938, en dehors des communistes, bien peu d'hommes et aucun
parti n'étaient conscients que Munich portait en soi la guerre et la servitude.
L'immense
majorité du peuple, conditionné, croit que Daladier Chamberlain sont les «
sauveurs de la paix » et le 5 octobre 1938, 535 députés contre 75 ratifient le
diktat hitlérien de Munich.
Parmi
les 75 opposants, on trouve 73 députés communistes, un député socialiste de la Côte
d'Or, Jean Bouhey, et un député de droite de la circonscription de Neuilly :
Henri de Kérillis (5)
On
oublie également beaucoup trop facilement le pacte franco-allemand signé à
Paris, le 6 décembre 1938.
Georges
Bonnet, ministre des affaires étrangères, déclare, lors de la réception du Quai
d'Orsay : « je me félicite hautement de
la signature de cette déclaration franco-allemande qui en reconnaissant
solennellement les frontières existantes, met fin à un long débat historique et
ouvre la voie à une collaboration qui doit faciliter la conviction qu'il
n'existe, entre les deux pays, aucun différend de nature à mettre en cause la
base pacifique de leurs rapports ».
Les calomnies anticommunistes ont trouvé une
expression propos de l' "Affiche Rouge"
(le groupe Manouchian ). Certains (pas toujours bien intentionnés) avançaient
l'hypothèse que la direction du parti communiste les avait abandonnés.
Or, des recherches récentes de l'historien Denis
Peschanski ont donné lieu à un documentaire paru à la télévision qui démontrait
que c'était la police française qui avait démantelé le groupe. Le chercheur qui
a eu accès à des archives de jusque-là inaccessible révèle que la police
française avait mis 200 policiers pour débusquer le groupe qui en 1943
comprenait 65 personnes. (4).
(1) « La résistance communiste en France, le
Mémorial ». Pierre Maury, Éditions le temps des cerises, 2008.
(2) « Héroïques, cégétistes et communistes,
résistants de la première heure » 2005, Geai bleu éditions.
(3) « Communisme français, histoire sincère du PCF »,
1920-1984. Roger Martelli, Éditions sociales.
(4) l'humanité dimanche, numéro hors-série de février
2007.
(5) "Les fils de la nuit"
Albert Ouzoulias, 1975, éditions Grasset
Bien évidemment, ces quelques lignes ne nous
exemptent pas d'une analyse critique du parti communiste français qui n'a pas
toujours été à la hauteur des espérances de la classe ouvrière.
Et je ne me prive pas, bien qu'adhérent depuis 1973,
de le critiquer chaque fois que je l'estime nécessaire.
Mais il faut rendre au PCF ce qui lui appartient.
Comme
vous, je suis marqué par ce qu'a vécu ma famille. Mon père, qui ne revendiquait
pas le titre de résistant, car il considérait que les Résistants étaient ceux
qui luttaient avec les armes à la main dans le Vercors (nous sommes dans la
région grenobloise). Il a néanmoins participé a des actions "avec les
résistants" disait-il. Notamment avec des Camarades il imprimait (avec une
ronéo) "Les Allobroges" journal communiste de la Résistance. Ensuite
il fallait le distribuer. S'il avait été pris, il risquait d'être fusillé. Un
soir après le couvre-feu il a d'ailleurs échappé de justesse aux balles
allemandes…
Michel Cialdella
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