Après la crise
sanitaire.
Jeudi 12 mars 2020, Emmanuel
Macron, dans un discours solennel et télévisé a déclaré :
"La santé n'a pas de prix.
Le gouvernement mobilisera tous les moyens financiers nécessaires pour porter
assistance, pour prendre en charge les malades, pour sauver des vies. Quoi
qu'il en coûte", ajoutant qu'il faudrait "tirer les leçons" et "interroger le modèle de développement dans lequel s’est
engagé notre monde depuis des décennies".
Ça n’est pas le monde qui s’est
engagé, mais les dirigeants capitalistes de la planète au mépris des peuples.
Il s’aperçoit que
"Ce que révèle d'ores et déjà cette pandémie, c'est que la santé gratuite,
sans condition de revenus, de parcours ou de profession, notre État-providence,
ne sont pas des coûts ou des charges, mais des biens précieux, des atouts
indispensables quand le destin frappe".
Non¶ ! Il n’y a pas d’« État-providence ». Il faut
en finir avec ces expressions dont le but est de faire oublier les luttes. La Sécurité
sociale est une conquête qui n’a surtout rien d’étatique et qui ne doit rien à
la providence mais tout aux luttes. Les forces progressistes ne doivent pas
utiliser ces expressions car on ne combat pas l’adversaire avec ses propres
mots.
Prenons-le au mot.
« Ces économistes « du libre
marché » ont aussi le sentiment que les marchés laissés à eux-mêmes, sans
interférence de l’Etat, sont efficaces, et que le meilleur moyen d’aider les
pauvres consiste à laisser se produire, tout simplement, la croissance économique :
d’une façon ou d’une autre, ses bienfaits ruisselleront jusqu’en bas de
l’échelle sociale et toucheront les pauvres.
(Notons avec intérêt que ces croyances persistent bien que la recherche
en économie les ait privées de tout fondement intellectuel) ». Joseph
Stiglitz, prix Nobel d’économie (1).
Lorsque l’épidémie sera vaincue.
Il nous faudra impulser un
rapport de force sans lequel rien n’est possible.
« Mais là encore, créer un
rapport de force favorable c’est d’abord créé les conditions idéologiques de ce
rapport de force. Et seul un contenu idéologique audacieux et radicalement
transformateur peut le susciter ». (2) Et on commence sans attendre.
Dénoncer l’incurie des derniers gouvernements, l’abdication face aux marchés et
leur compromission avec la finance. Cette finance qui n’est pas leur ennemie….
« Si
nous étions partis en guerre avec le même nombre de lits rapportés à la
population qu’en Allemagne, nous aurions disposé au départ de 10 000 lits,
et non pas de 5000. Face à cette situation, le choix des TGV sanitaire
interroge. Ne serait-il pas plus simple de rapatrier du matériel et d’affecter
du personnel dans des locaux disponibles sur place, notamment à l’Hôtel-Dieu,
en plein centre de Paris, où les locaux de la réanimation, fermée il y a
quelques années, sont encore en état, avec les alimentations en oxygène
notamment. N’en déplaise à certains qui n’aime visiblement pas les
syndicalistes, notamment de la CGT, ces critiques sont légitimes et doivent
être faites, car il n’est pas question que, sous couvert d’unité nationale,
tout débat soit étouffé ». (Dr Christophe Prudhomme) (3)
La démocratie.
« La souveraineté ne peut
être représentée, par la même raison qu’elle ne peut être aliénée ; elle
consiste essentiellement dans la volonté générale, et la volonté ne se
représente point… les députés du peuple sont donc ni ne peuvent être ces
représentants, ils ne sont que ses commissaires ; ils ne peuvent rien conclure
définitivement. Toute loi que le peuple en personne n’a pas ratifié et nulle ;
ce n’est point une loi ». Jean-Jacques Rousseau. (4)
En France d’aucuns prétendent
que nous sommes en démocratie. Ils s’appuient sur le fait que des élections aient
lieu régulièrement. Même si c’était vrai, une démocratie doit évoluer vers plus
de démocratie directe ce qui n’est pas le cas.
Nous avons aussi en mémoire le référendum français sur le traité établissant une constitution pour
l'Europe le 29 mai 2005, que le peuple a massivement rejeté et dont nos « élites » n’ont tenu aucun
compte. Bel exemple de caricature de démocratie.
Une lutte est donc à engager
pour établir les bases d’une véritable démocratie.
Il faut d’abord en finir avec
cette véritable monarchie qui concentre quasi tous les pouvoirs dans les mains
d’une seule personne. On nous dit qu’elle est élue au suffrage universel,
certes, mais est-ce qu’une seule personne peut prétendre représenter la
diversité de notre peuple ? Poser la question c’est déjà y répondre. Nous
pouvons très bien nous passer d’un président de la République. Un premier
ministre, élu par les deux assemblées et leur rendant compte serait déjà un progrès
et une économie.
Exigeons la proportionnelle à
toutes les élections, en commençant par les députés.
« Il faut que les
législateurs se trouvent dans la situation qui confond le plus leur intérêt et
leurs vœux personnels avec celui du peuple ; or, pour cela, il est nécessaire
que souvent ils redeviennent peuples eux-mêmes ». Robespierre. (5)
À ceux qui nous disent qu’il
faut une majorité pour gouverner je réponds qu’il faut surtout des élus qui
représentent le peuple tel qu’il est. Tout d’abord il y aura forcément des
majorités de dossiers, notamment dans les collectivités territoriales. Et puis
lorsqu’il n’y a pas de majorité dans des cas importants il faut trouver le
moyen de faire intervenir le peuple.
Est-il vraiment utile de
conserver le Sénat en l’état ? Sa mission serait, paraît-il, de représenter les
collectivités… Il me semble qu’en démocratie, ce sont les citoyens qui ont
vocation à être représentés.
La démocratie sociale est souvent
évoquée, mais dans la pratique ce qui prévaut c’est le « dialogue
social », c’est-à-dire le « cause toujours ». Or la véritable
démocratie c’est le pouvoir. De ce point de vue l’actuel Sénat pourrait être
avantageusement remplacé par une assemblée de salariés élus à la
proportionnelle sur liste syndicale (6) avec de réels pouvoirs concernant : les
salaires, les conditions de travail, la part du PIB à consacrer à la protection
sociale, la durée du travail, etc.
Ce qui doit échapper au marché.
L’affirmation
de la spécificité de l’intérêt général a conduit le préambule de la
Constitution de 1946 à prévoir que « tout bien, toute entreprise dont l’exploitation
a ou acquiert les caractères d’un service public ou d’un monopole de fait, doit
devenir la propriété de la collectivité ».
En premier lieu la santé
Ce doit être la finalité. Pour
assurer l’égalité devant la santé il faut que l’accès soit gratuit.
Il faut mettre l’accent sur la
prévention dès l’école primaire avec des visites de dépistage régulière et un
enseignement adapté. Au travail en redonnant vie au CHSCT avec de réels pouvoirs.
Mais aussi du quartier au plus près des lieux de vie.
Si le but premier c’est
d’éviter l’accident ou la maladie notre système doit comprendre un système de
soins totalement gratuits égalitaires et le même pour tous. Dans ce but, à
partir du système établi par Ambroise Croizat en 1946 avec le régime général,
prolonger l’action des fondateurs de la Sécurité sociale. C’est-à-dire un
système unique géré par les intéressés, c’est-à-dire les représentants des
salariés élus à la proportionnelle sur liste syndicale. Les représentants des
salariés ont vocation à gérer l’institution parce qu’il s’agit de leur salaire
socialisé mais aussi parce que les salariés représentent plus de 90 % de la
population active. Dans le pire des cas on peut admettre que des employeurs
siègent pour 10% dans les différents conseils d’administration des organismes
sociaux. Par employeurs il faut entendre non seulement les employeurs privés
mais également les employeurs publics et les employeurs de l’économie sociale,
des comités d’entreprise enfin rétablis avec des pouvoirs.
Les médicaments.
Selon les professeurs Philippe
EVEN et Bernard DEBRE, 40% de médicaments à risque, sont responsables
d’au moins 100 000 décès (entre 1985 et 2013) et de dizaines de
milliers de complications graves chaque année. (7)
Il conviendra d’effectuer un
tri pour ne garder que les médicaments utiles. Pour cela nous avons les outils
pour le faire : Inserm, CNRS, université. A condition de leur donner les moyens
et l’indépendance indispensable.
La production, et la recherche
de médicaments doit être à 100 % publics sous contrôle de la Nation.
L’éducation nationale.
« Selon moi, l’idéal de la
question : l’instruction gratuite et obligatoire… un grandiose enseignement
public, donné et réglé par l’État, partant de l’école de village et montant de
degré en degré jusqu’au collège de France, plus haut encore, jusqu’à l’institut
de France. Les portes de la science toute grande ouverte à toutes les
intelligences. Partout où il y a un champ, partout où il y a un esprit, qu’il y
ait un livre. Pas une commune sans une école, pas une ville sans un collège,
pas un chef-lieu sans une faculté.… Je veux la surveillance de l’état, et comme
je veux cette surveillance effective, je veux l’état laïque, purement laïque,
exclusivement laïque.… C’est vous dire que je n’introduis soit dans le conseil
supérieur de surveillance, soit dans les conseils secondaires, ni évêques, ni
délégués d’évêques. J’entends maintenir, quant à moi, et au besoin faire plus
profond que jamais, cette antique et salutaire séparation de l’église et de
l’État.… Je ne veux pas mêler le prêtre au professeur ». (Victor Hugo) (8).
L’école laïque devrait être la
seule école, le lieu où l’on prépare le « vivre ensemble ». Les religions n’ont
rien à faire dans l’enseignement qui doit être le même pour tous. L’éducation
religieuse doit être l’affaire des familles. Si l’on tolère l’existence
d’écoles religieuses, pour les enfants dès le plus jeune âge, n’est-ce pas un
moyen de les séparer ? La laïcité c’est ce qui nous est commun et
l’enseignement en fait partie. Il n’y a pas d’approche religieuse, des
sciences, des mathématiques ou de la grammaire.
Très souvent, les gens qui nous
gouvernent, évoquent la laïcité pour nous faire la leçon, mais à certaines
occasions n’hésitent pas à se coiffer d’une kippa pour participer à des
événements religieux dans le cadre de leurs fonctions ou bien vont à la messe
en tant que Président de la république (Jacques Chirac). À une exception près
nos présidents de la République Française vont se faire introniser Chanoine de
Latran. Curieuse façon d’appliquer la laïcité. Pire Nicolas Sarkozy, lors de
son intronisation le 20 décembre 2007, a osé dire : « Dans la transmission
des valeurs et dans l’apprentissage de la différence entre le bien et le mal,
l’instituteur ne pourra jamais remplacer le curé ou le pasteur, même s’il est
important qu’il s’en approche, parce qu’il lui manquera toujours la radicalité
du sacrifice de sa vie et le charisme d’un engagement porté par l’espérance
». (9).
L’énergie.
Une renationalisation s’impose.
Intégrale sans indemnisation car, souvenons-nous, EDF-GDF nous appartenait.
L’Union Européenne, avec la complicité des gouvernements successifs et au nom
de la concurrence libre et non faussée, cette concurrence qui
permettrait de réguler les prix au plus juste, nous imposent la fin des tarif
réglementés du gaz et nous demandent de choisir entre 19 fournisseurs. De qui
se moque-t-on ? La concurrence c’est la guerre commerciale et dans une
guerre il y a des morts ! Un
service public avec un monopole peut se permettre : des prix corrects,
un service de qualité et un bon statut pour les salariés. Tandis qu’un même
marché partagé entre 19 fournisseurs privés se traduira à terme par une hausse
des prix (il faut bien rentabiliser) et des fermetures d’entreprises. Nous
avions un système performant avec des prix parmi les plus bas du monde.
Pourquoi changer pour plus mauvais ?
Il manquait à EDF-GDF une
gestion plus démocratique avec participation des usagers. Il faut établir la
gratuité pour une quantité jugée indispensable et facturer dès que l’on dépasse
L’eau
Nous le savons tous l’eau c’est
vital pour la vie. Nous avons vécu la privatisation massive de ce qu’était le
service public de l’eau. On a payé moins cher ? Même pas. Il faut, et ça
peut aller très vite organiser un grand service public national de l’eau avec
gestion local et démocratique. Ici aussi, instaurer la gratuité pour un volume
d’eau indispensable à définir et faire payer au-dessus.
La gratuité
Bien sûr, la gratuité a un coût
qui peut être financé collectivement par les impôts. Ce système est incitatif à
l’économie car les ménages veilleront à ne pas dépasser. On peut également
appliquer la gratuité à une quantité d’alimentation. Un prélèvement sur la
valeur ajoutée pourrait financer une partie des achats chez des circuits courts
bio.
Les entreprises.
Cette épidémie a révélé l’incapacité
du capitalisme mondialisé à répondre aux besoins des peuples. Elle a révélé
également sa nocivité car la recherche du profit à tout prix a fait des morts.
Tous les gouvernements férus de libéralisme nous ont désarmés face au virus.
« La pandémie est
le signe que l’espèce humaine peut disparaître. Elle est le signe d’une
accélération du commerce, d’une dépendance à la Chine, d’une standardisation
écologique qui produit ces mécanismes d’émergence ». (10) Frederic
Keck
À notre tour il faudra désarmer
le capitalisme. C’est-à-dire un programme ambitieux de socialisation des
entreprises. Toutes les entreprises stratégiques : le matériel médical,
les médicaments, la machine-outil, les transports devront faire l’objet d’une
réquisition, confiscation et à l’instar de la sécurité sociale de 1945 - 1946
devenir des propriétés sociales (c’est-à-dire n’appartenant à personne et à
tout le monde) gérées par les salariés qui y travaillent sous le contrôle de la
Nation. Oui mais on va nous dire que « la commission de Bruxelles ne va
pas vouloir ! » Mais on s’en fout de cette institution
antidémocratique ! Jusqu’à quand on va se coucher devant ceux qui nous foutent
dans la merde ?
Les salariés.
Applaudir les salariés, les
personnels en première ligne face à l’épidémie pour que nous puissions, même
confiné, continuer à vivre : c’est bien, mais insuffisant. Il faudra revoir les
grilles salariales (échelle de 1 à 4) à partir d’un SMIC revalorisé (2000 €
bruts) tenir compte des qualifications et aussi de l’utilité des métiers, les
soignants, les pompiers, les éboueurs (plus utiles qu’un président de la
République), les caissières, les métiers indispensables. Mais aussi la
police quand elle joue son rôle de protection de la population et non pas de
répression des manifestants.
Il faudra également supprimer
ces emplois dont on n’a pas vu beaucoup l’utilité : les conseillers en
communication, les gardes du corps etc…
Ça coûte.
Bah oui ! Après la crise de
2007-2008, le gouvernement de Sarkozy a renfloué les banques, avec notre
pognon. Et bien cette fois l’argent doit servir à des œuvres d’intérêt général.
Oui, mais il y a la dette. Il y
a quelques années un collectif d’organisations non-gouvernementales avait
estimé que près de 60 % de la dette était illégitime. Il conviendra donc de
l’annuler.
Déjà
en 1850 Karl Marx dénonçait
« Bien
mieux, l'endettement de l'État était d’un intérêt direct pour la fraction de la
bourgeoisie qui régnait et légiférait par l'intermédiaire des Chambres. En
fait, le déficit de l'État était l'objet même de sa spéculation et la source
principale de son enrichissement. À la fin de chaque année, nouveau déficit. Au
bout de quatre ou cinq ans, nouvel emprunt. Et chaque nouvel emprunt offrait à
l'aristocratie financière une nouvelle occasion d'escroquer l'État, qui,
maintenu artificiellement au bord de la banqueroute, était obligé de négocier
avec les banquiers dans les conditions les plus défavorables. Chaque nouvel
emprunt offrait une nouvelle occasion de dévaliser le public qui avait investi
ses capitaux en rente d'État, par des opérations de bourse au secret desquels
gouvernement et majorité de la chambre étaient initiés ». (11)
Je
soumets ce document au débat afin qu’il soit complété et amélioré.
Michel Cialdella
NOTES
1.
Un autre monde contre le fanatisme des marchés. Joseph Stiglitz, prix Nobel
d’économie. Editions Fayard. 2006.
2.
Réussir le communisme. Bernard Friot et Frédéric Durand.
3.
Il y a urgence le billet du Dr Christophe Prudhomme.
L’Humanité du 1er avril 2020.
4. Jean-Jacques
Rousseau. Du contrat social. Éditions Flammarion. 2001.
5. Études
sur Robespierre par Albert Mathiez. Éditions sociales. 1988.
6. C’était
une proposition de l’économiste communiste Paul Boccara
7. Guide
des 4000 médicaments utiles, inutiles ou dangereux. Pr Philippe EVEN, Pr
Bernard DEBRE. Editions France-Loisirs – 2013.
8.
« Victor Hugo le droit et la loi » discourt du 15 janvier 1850 à
l’Assemblée nationale.
9.
Cité par Jean-Luc Mélenchon dans son livre Réplique au discours de
Nicolas Sarkozy chanoine de Latran. 2008.
10. Cette pandémie est le
signe que l’espèce humaine peut disparaître – Frederic Keck - L’Humanité du Vendredi 3
Avril 2020
11. Les luttes de classes en France. (Karl
Marx).
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