Le 18 février 2000, à l'université de Grenoble, au cours d'un colloque sur les retraites, Bernard Friot proposait une analyse qui a gardé toute sa valeur et argumente contre la suppression des 35 heures et proposait les 25 heures à l'horizon 2040.
Macron et Gattaz lisez bien ce qui suit :
Analyse de
Bernard FRIOT sur les retraites
Premièrement
lorsque l’on dit qu’aucune génération n’épargne pour sa propre retraite, à
supposer que l’on épargne au lieu de cotiser. En 2040, prenons l’horizon
Charpin, des jeunes démarrent. Leur retraite sera exclusivement financée avec
de la richesse créée en 2040. Parce que l’on ne peut pas puiser des revenus au congélateur. En 2040
on ne pourra consommer que ce que l’on produit en 2040. On ne peut pas mettre
des voyages et des coupes de cheveux au congélateur. S’il n’y a pas
d’actifs en 2040 les riches épargnants mourront la bouche ouverte. Ce qu’il
faut bien comprendre, c’est que la rente même de ces rentiers sera forcément
produite en 2040. On ne peut pas tirer du revenu d’années antérieures.
Exemple :
L’alternative
dans laquelle se trouve un retraité qui a des titres financiers à convertir en
rentes en 2040. Il a deux possibilités
:
soit
il vend ses titres
soit
il les place.
S’il les vend, et à supposer
que le besoin de rente soit de 2000 milliards, il va falloir qu’il trouve des
acheteurs à la hauteur de 2000 milliards de francs. Sinon les titres vont
s’effondrer, il aura ses titres mais il sera pauvre. Qui seront ses
acheteurs ? Et bien les actifs de 2040 qui achèteront des titres pour leur
propre retraite. Encore faut-il qu’ils aient ces 2000 milliards de francs.
S’ils ne les ont pas, ils ne pourront pas acheter les titres. Mais s’ils ont
les 2000 milliards de francs pour acheter les titres alors ils ont aussi les
2000 milliards de francs pour payer les cotisations sociales.
Si l’on n’a pas les 2000 milliards
par le salaire on ne les aura pas non plus par la rente.
Deuxième
possibilité : il place
ses titres. Là, il va toucher sa rente par le procédé traditionnel,
c’est-à-dire la ponction sur la valeur créée dans les entreprises du
portefeuille. Si ces salariés peuvent créer de la valeur dont on ponctionne
2000 milliards pour la rente, ils peuvent aussi payer des cotisations sociales.
Ces
900 milliards qui manquent c’est quoi ?
Nous
avons aujourd’hui en France un PIB de 9000 milliards. La part des salaires dans
le PIB était dans le milieu des années 80 autour de 70%. Elle est aujourd’hui
de 60%, pas à cause du chômage, parce qu’il y a plus d’emplois aujourd’hui
qu’en 1985. C’est parce
que les gains de productivité du travail ( 2% par an ) ne sont pas retournés
aux salariés sous forme de cotisations patronales supplémentaires ou sous forme
de salaire direct supplémentaire.
A
la fin des années 1970, nous avions un PIB qui était de 5500 milliards, c’était
pour 70% du salaire ( salaire direct et cotisations sociales ), environ 3800
milliards de francs et pour 30% des profits soit environ 1600 milliards.
Aujourd’hui nous en sommes à 5000 milliards de salaires ( 3000 sous forme de salaires directs et 2000
sous forme de cotisations sociales ) et 3000 milliards de profits (en francs
constants). Les salaires ont augmenté de 25%, notre pouvoir d’achat global a
augmenté de 25%. Pendant ce temps là la richesse nationale a augmenté de 50% (
de 5500 à 8000 milliards ). Lorsque nous avons une augmentation de la productivité de 2% par an,
nous avons une augmentation de 50% en 20 ans. Notre pouvoir d’achat global (
retraité et actif ) n’a augmenté que de 25% alors que le PIB augmentait de 50%
grâce au travail. Pendant ce temps-là, le profit a presque doublé, il est passé
de 1600 milliards à 3000 milliards. Tout le problème est effectivement :
est-ce que nous sommes capables de rétablir la part des salaires dans la valeur
ajoutée ? Si nous étions encore à 70% nous serions à 5800 milliards. Et avec
900 milliards de plus nous ne nous poserions aucun des faux problèmes que nous
nous posons sur les retraites.
La retraite n’est pas un
problème, les retraités d’ailleurs ne vivent pas cela comme un problème. C’est
plutôt un bonheur, la retraite. C’est intéressant que le bonheur d’être à la
retraite soit un problème pour la classe dirigeante ! Ce n’est pas
inintéressant qu’en 50 ans nous ayons vaincu la pauvreté de masse des personnes
âgées, au point que l’on ne parle plus des vieux. C’est une victoire sociale
extraordinaire que la capacité dans laquelle on a été de vaincre la pauvreté de
masse des personnes âgées. Et cela on l’a fait par le salaire.
Le rapport CHARPIN nous
dit : « il nous faudra doubler le taux de cotisations retraite d’ici
2040 » mais on l’a multiplié par 5 depuis 1945, on n’en est pas
mort ! On l’a multiplié par 5 en 55 ans et on ne pourrait pas le
multiplier par 2 en 40 ans, Compte tenu des gains de productivité ?
Il faut tripler les
dépenses de retraite d’ici 2040 dit le rapport CHARPIN. Les dépenses de
retraite depuis 1960 ont été multipliées par 10 et nous n'en sommes pas
morts ! Comment a-t-on pu augmenter massivement les cotisations et les
dépenses de retraites ? En modifiant le rapport entre le salaire direct et
la cotisation sociale. En 1945, pour 100 francs de salaire il y avait 85 francs
de salaire direct et 15 francs de cotisations sociales. Evidemment avec ça on
ne peut pas aller très loin dans la reconnaissance du temps de retraite.
Aujourd’hui nous en sommes à 60 / 40. J’ai donné les chiffres : 3000
milliards de salaire direct et 2000 milliards de cotisations sociales. Ce qui
vaut au niveau macro-économique vaut au niveau micro-économique. Pour un
salaire de 12000 francs nets, il y a 8000 francs de cotisations sociales, 8000
sur 20.000 de salaire total : nous avons bien 40% de cotisations sociales.
Mais il est clair que si les gains de productivité du travail nous reviennent
(ils peuvent ne pas nous revenir si nous ne nous battons plus pour le salaire),
Sur les rapports entre
actifs et inactifs, nous pouvons affecter 0,5% de ce gain de productivité pour maintenir la
parité entre actifs et retraités. Les chiffres faramineux du rapport Charpin,
ça se réduit en progrès annuel à + 0,5%. C’est tout. Nous pouvons affecter 1% à la baisse de la durée du
travail et nous
serions à 25 heures par semaine en 2040 et enfin nous pourrions affecter
0,5% à la hausse du
pouvoir d’achat, c’est un choix politique. Ce que je veux faire
ressortir c’est que nous pouvons avoir sur l’avenir un imaginaire qui n’a rien
à voir avec l’imaginaire misérabiliste que l’on nous propose
aujourd’hui.(applaudissements).
Grenoble, le 18 février 2000
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