L'irruption de François
Fillon dans le domaine de la Sécurité sociale et notamment de la branche
maladie, a au moins le mérite d'avoir relancé le débat. J'ai signé la pétition
proposée par le professeur André Grimaldi. Mais pour autant je ne suis pas
d'accord avec certaines de ses propositions.
Tout d'abord, il faut
en finir avec la fable du "pacte social français "et du
"consensus national". En réalité il y a eu en 1945 un rapports de
force favorable aux travailleurs et surtout pas de consensus. En témoigne la
proposition de loi du MRP du 22 décembre 1945 qui voulait revenir sur les
ordonnances du 4 octobre. Quant au patronat il ne faisait pas partie du conseil
national de la résistance pour cause de collaboration avec l'ennemi. Dès 1948, le
CNPF, à peine organisé, soutient que « la Sécurité sociale met en
danger l'économie du pays »
le 10 novembre 1948, la chambre de commerce de Paris affiche un
diagnostic sans appel : « La Sécurité sociale est devenue pour l'économie
une charge considérable. » Dans la foulée,
elle vitupère les salariés : Ils « ont profité de traitements dont ils n'avaient peut-être pas
un besoin certain, la moindre maladie a été le prétexte de repos. L’absentéisme
s’est développé ». 70 ans plus tard, ils
ont du mal à se renouveler. Alors pour le
consensus on repassera. La droite et le patronat ont subi la sécurité sociale,
mais ne l'ont jamais acceptée. Aujourd'hui le rapport des forces a changé et la
droite et le Medef par Fillon interposé se croient autorisés à mener
l'offensive finale.
De « réforme » en « réforme
», ils ont affaibli notre Sécurité sociale. Les complémentaires, mutuelles ou assurances
privées ont progressé sur les reculs imposés à la Sécurité sociale. De ce point
de vue tous les gouvernements sans exception sont complices du désastre. Ils
ont organisé le « déficit ». En effet pour détruire cette institution qui a
fait la preuve de son efficacité, le seul moyen à leur disposition c'est de la
mettre en difficulté financière. Sinon comment justifier ce qu'ils osent
appeler des « réformes ». Il faut affirmer haut et fort qu'il ne n'ont aucune
légitimité pour détruire ce qui ne leur appartient pas.
Voyons pour les
désaccords avec le professeur André Grimaldi.
Il propose un
remboursement à 100 % pour l'hypertension artérielle en revanche l'homéopathie et les cures thermales peuvent être prises en charge par les
complémentaires sources d'inégalités. Les économies réalisées par la Sécu
seraient des dépenses supplémentaires pour les citoyens qui se verraient
contraints (pour ceux qui le peuvent) à prendre une complémentaire.
Il est connu que les
coûts de gestion de la sécurité sociale sont inférieurs à 6 % alors que pour
les mutuelles, c'est 20 à 25 %. Donc si on cherche des économies il faut aller
vers la suppression des complémentaires inutiles inégalitaires et coûteuses.
Cela pourrait se faire de la façon suivante une fusion des quelque 400
complémentaires (les vraies mutuelles) qui pourraient fonctionner comme la Sécurité
sociale à savoir "on paye selon ses moyens et on reçoit selon ses besoins".
Les prestations seraient les même pour toutes, ce qui faciliterait l'intégration
de celle-ci dans une Sécu universelle. Bien sûr cela nécessite un rapport des
forces et une volonté politique qui n'existe malheureusement pas ni chez les
dirigeants des mutuelles, ni chez les élus .
Selon moi, la vraie question est " l'homéopathie
et les cures thermales sont-elles efficaces ? Si oui il n'y a aucune raison de
ne pas les prendre en charge. Sinon elles ne font plus partie du système. De
même pour les médicaments, il faut revenir sur la notion de médicaments de
confort qui n'a jamais eu aucun sens tant il est vrai que c'est confortable de
ne pas être malade. Un tri doit donc s'opérer. Nous avons les outils pour cela
: les hôpitaux universitaires, les facs de pharmacie, l'INSERM, le CNRS, tous organismes
publics. Un principe le simple : ou un médicament est utile et il est pris en
charge à 100 % ou il est inutile, voire dangereux, et il faut cesser de le
produire. Bien sûr, pour réaliser cela il faut que les laboratoires
pharmaceutiques échappent au système marchand. Il conviendrait donc dans un
premier temps de les nationaliser sans indemnisation (ils se sont assez
goinfrés comme cela). Ensuite, transformer cette nationalisation en propriété
sociale, à l'instar de la Sécurité sociale, sans PDG, sans actionnaires, sans
épargne et....ça marche !
Ensuite, selon le
professeur il faut évidemment voter des
budgets à l'équilibre. Jusqu'en 1995 on se passait du vote du budget. En tout
cas, ça n'est pas à l'Assemblée nationale de s'occuper de cela. Les députés
feraient mieux de faire respecter les lois, de traquer les fraudeurs fiscaux,
de contrôler le gouvernement . Il faut se rappeler que la sécurité sociale
organismes de droit privé avec mission de service public avait le statut des
mutuelles. La première grande victoire du patronat a été de faire en sorte que
la Sécurité sociale ne décide pas des taux de cotisations. On élirait des
conseils d'administration, à la
proportionnelle sur listes syndicales de salariés (uniquement), les patrons
n'ont rien à faire dans la gestion de notre salaire socialisé. Ces conseils
d'administration investis des prérogatives nécessaires décident chaque année du
montant des cotisations. Ainsi nul besoin de caisses de recouvrement de la
dette qui emprunte sur les marchés financiers. La Sécu ne doit pas enrichir les
banquiers.
Dans une sécurité
sociale universelle, ce pourrait être sous la forme d'une cotisation unique,
globale versée par l'entreprise pour les quatre branches de la Sécurité sociale
(de nouveau unifiée) : maladie qui comprendrait la dépendance, accidents du
travail et maladies professionnelles, vieillesse, famille auxquelles on
pourrait ajouter ce qui était prévu : le
chômage.
En 1946 Ambroise Croizat, au cours d'un discours sur la Sécurité sociale, disait : « il faudra bien que la France se décidât à avoir un jour, que j'espère prochain, une assurance contre le chômage » (1).
En 1946 Ambroise Croizat, au cours d'un discours sur la Sécurité sociale, disait : « il faudra bien que la France se décidât à avoir un jour, que j'espère prochain, une assurance contre le chômage » (1).
Voilà ce que pourrait
être une Sécurité sociale en 2017. Et que l'on ne me dise pas que c'est
impossible. Ce qu'on réalisé nos anciens dans une France dévastée par 4 années
de guerre était juste impossible et ils l'ont fait.
Avec un PIB qui a été
multiplié par 7,5 en valeur entre 1950 et 2015, nous devrions faire beaucoup
mieux. Comme le rappelle Bernard Friot dans le film "La sociale" :
"Aujourd'hui, nous avons bien plus
de tremplins que n'en avait Croizat en 1945, et qui n'attendent que notre
détermination politique, et que notre enthousiasme collectif ".
Michel Cialdella
1 - à l'Assemblée
nationale constituante séance du 8 août 1946.